Fin 1983, Jean Ollivier m'appela au téléphone :

          — Christian, me dit-il, tu sais qu'à la Libération, j'ai fondé avec René Moreu les Editions Vaillant ? Eh bien j'ai repris du service. Je suis le redevenu le Rédacteur en chef du Nouveau Pif. L'ancien Pif Gadget... Il y a vingt ans, Roger Lécureux, le créateur de Rahan, avait lancé une grande BD de science-fiction qu'illustrait Poïvet : Les pionniers de l'Espérance. Cette série a disparu et nous aimerions en créer une nouvelle. Nous avons tout naturellement pensé à toi...

          J'ignorais tout de la B.D. Jean m'assura qu'il me piloterait, me montrerait la technique. Il me proposa même de rejoindre la rédaction du journal, et d'y travailler à temps plein. René Moreu me déclara :

          — Nous t'offrons ta formation, des cours du soir rue du Louvre, au CFPJ, le Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes.

          Quitter mon métier de prof ne serait pas un déchirement. J'avais derrière moi quinze années d'activités pédagogiques intenses. Aborder la littérature jeunesse par un autre biais me séduisait, même si j'avais tout à apprendre du journalisme et de la BD.

          Mon apprentissage fut intensif et rapide. Jean me montra comment construire un scénario de bande dessinée : d'abord la structure et le plan de l'histoire. Les miennes, qui paraîtraient une semaine sur quatre, seraient toujours un récit complet de dix pages. Une fois le synopsis au point et accepté, je procédais à son découpage en séquences : chaque page devait comporter cinq, six, voire dix images dont tout le contenu devait être décrit.

          Plusieurs dessinateurs sollicités envoyèrent des crayonnés. Notre choix s'arrêta sur Jean-Marc Salmon, un jeune Belge sorti d'une école de Bruxelles. Sa technique rappelait celle d'un Mézière ou d'un Schuiten.