Christian Grenier, auteur jeunesse
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Interview publiée dans Bifrost N°7
( Janvier 1998 )

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     Les avances pour un bouquin jeunesse sont à la fois variables et dérisoires. Et le budget ne peut se boucler que si les ventes dépassent l'à-valoir.
     Dans le domaine roman, je connais peu d'éditeurs jeunesse qui proposent moins de douze mille francs. Mais je ne me suis jamais battu pour un à-valoir — et pour le dernier contrat que j'ai signé, j'ai, pour des raisons d'échelonnement de recette, refusé vingt mille francs d'à-valoir pour en demander quinze mille. Par contre, je suis très regardant pour les pourcentages (toujours progressifs), pour les droits dérivés et pour la passe, que je refuse.
     Le chiffre de l'à-valoir correspond presque toujours à la moitié de ce que rapportera la vente du premier tirage. L'à-valoir sera donc forcément dépassé après un an d'exploitation. Sauf si l'éditeur ne sait pas ce qu'il fait. Mais les éditeurs savent souvent ce qu'ils font.
     Si l'on vit sur l'à-valoir (en sachant que le bouquin écrit ne sera sans doute pas réédité), il faut en écrire un par mois ! En espérant qu'il n'y aura aucun refus et aucun manuscrit à reprendre, à réécrire, à retravailler. En ce cas, on gagnera douze mille à quinze mille francs par mois.
     Si l'on a derrière soi une dizaine de bouquins qui se vendent bien et régulièrement depuis longtemps, on peut écrire un ou deux bouquins par an. En sachant que d'une année sur l'autre, il y aura l'un de ces dix romans qui disparaîtra (ne sera plus réédité) et qui, peut-on espérer, sera remplacé par l'un de ceux qu'on a écrits récemment.
     Mon cas personnel ? Mes droits d'auteur pour 1996 se sont montés à cent vingt-huit mille francs (à-valoir y compris). Auxquels se sont ajoutés vingt-quatre mille francs, d'animations et conférences diverses. Tu auras vite fait les additions et divisions. Cela fait du douze mille cinq cent francs par mois en moyenne.
     Attention : cette situation n'est en aucun cas assimilable à celle d'un autre écrivain jeunesse. Et elle n'est caractéristique que d'une année. En 1985 et 1986, mes scénariis pour la télévision ont étrangement dopé mon salaire. Et ma feuille d'impôt s'en est douloureusement ressentie. D'autres années ont été plus maigres. Il faut aussi savoir que j'ai une trentaine de bouquins actuellement en vente. D'autres auteurs, sans doute, peuvent en avoir trois ou quatre et gagner beaucoup plus. D'autres, à l'inverse, (je pense à un auteur précis !) peuvent en avoir écrit deux cents et arriver à vingt ou trente mille francs de droits d'auteur en fin d'année.
     Il n'y a hélas aucune règle. Et parvenir à gagner régulièrement sa vie en écrivant ne se fait sans doute pas en deux ans et demi.
     J'ajoute que pour ma part, je ne fonctionne pas à la rentabilité systématique et immédiate. J'ai repris pendant trois ans l'université et je n'ai quasiment pas écrit durant cette période. Je voulais boucler ma thèse de doctorat d'état sur la S-F Sa publication aux Presses Universitaires de Nancy m'a rapporté quinze mille francs. Je n'en attendais pas davantage. Si l'on divise cette somme par le nombre de mois de travail, on aboutit à un chiffre ridicule. Qu'importe. Il faut aussi savoir écrire pour le plaisir. Pour la recherche. Pour le vertige gratuit.
     Si l'on n'écrit que pour gagner sa vie, c'est la perte même du sens de l'écriture.

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Dernière mise à jour du site le 12 octobre 2021
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