Christian Grenier, auteur jeunesse
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REPONSES AU QUESTIONNAIRE
des auteurs dont le texte ne figure pas dans l’essai "Je suis un auteur jeunesse"

Christian LEOURIER
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Jarvis, le messager de la grande île ( Gallimard, Folio Junior )

     Je ne me sentais pas une vocation particulière pour la jeunesse. Ma première incursion dans le genre résulte d'une commande. J'avais publié un roman et quelques nouvelles de science-fiction. Hachette cherchait des textes de SF pour une collection se situant après la Bibliothèque Verte, l'âge du lectorat de celle-ci baissant. On ne parlait pas encore de collection pour ado, mais c'était cela. Donc Roland Brennin, directeur de la future Bibiothèque Rouge, qui avait lu mes textes précédents, m'a contacté pour me proposer d'écrire un roman pour lui ( c'était le bon temps ! )
     A l'époque, je me préparais à quitter mes foyers pour la caserne. Je me disais que je risquais de ne pas avoir trop de temps et de confort pour écrire, et qu'un texte pour la jeunesse, ce serait plus court et dans doute plus facile, donc mieux adapté à mes nouvelles conditions d'écriture.
     Je me trompais.
     Je me suis rapidement heurté à une difficulté. La science-fiction est une littérature codée. Ses lecteurs décryptent le code d'autant plus facilement qu'il s'agit en général d'un public assidu. Mais dans le cas présent, je devais me priver de toutes les facilités qu'offre l'intégration à un genre aussi marqué, parce que je pouvais, je devais supposer que ce roman serait le premier roman de SF qu'un jeune lirait. J'ai donc été amené à réfléchir sur mon travail tout en l'effectuant, ce dont je ne m'étais jamais soucié auparavant. Et à constater que le problème n'est pas propre à la SF mais est inhérent à la lecture — donc à l'écriture — en général : toute lecture romanesque repose sur un ensemble de conventions dont il est hasardeux de supposer une parfaite maîtrise chez le jeune lecteur. Ce qui m'amène à répondre à ta seconde question.



Le Chemin de Rungis ( Gallimard, Folio-Junior )

     Question souvent posée aux auteurs pour la jeunesse alors qu'on ne la pose pas aux écrivains pour adultes. D'ailleurs il n'y a pas d'écrivains pour adultes... dans ce cas, on dit écrivain tout court. Pour répondre à cette question, j'oscille entre deux attitudes :
     * Non, il n'y a pas de différence : j'aborde les mêmes thèmes, je n'appauvris pas exprès mon vocabulaire ( même s'il me faut parfois ramer à contre-courant d'éditeurs effarouchés ), je ne joue pas systématiquement de l'assimilation en animant des personnages à l'âge du lecteur... cette affirmation a ses limites. J'ai jusqu'à présent réservé certains thèmes hard science à des éditeurs pour adultes : le rapport réeel/représentation/ connaissance, la théorie des catastrophes... Non que je croie ces thèmes indifférents au public ado, mais parce que de tels sujets s'adressent en priorité à de bons lecteurs de SF, si on veut les traiter un peu en profondeur.
     * Ecrire pour la jeunesse est un autre métier. Par métier, j'entends la pratique, la mise en oeuvre de techniques acquises par un apprentissages sur le tas, sans cesse perfectible. Ce n'est pas le matériau ( le vocabulaire ) qui compte le plus dans ce cas, ni l'intention ( le thème ), mais la façon dont on utilise le premier pour aboutir à la seconde. En fait, la différence se joue sur la structure. Structure du récit, tout d'abord : ne pas trop le désarticuler, et si on le fait, que ce soit d'une manière aisément décryptable par le jeune lecteur, le flash-back par exemple, auquel le cinéma l'a habitué ; mais je recule devant l'entrelacement. Structure de la phrase ensuite. Cela tombe bien, je suis, par nature, plutôt porté vers une écriture dépouillée. Mais tout est relatif. Les textes qui m'ont donné le plus de fil à retordre sont ceux que j'ai écrits pour des petits enfants ( niveau CP ) : ne pas tomber dans la monotonie en n'utilisant que des phrases simples ( sujet, verbe, complément ) est une gageure. Mais aussi un excellent exercice.
     De là cette boutade qui n'en est pas vraiment une : la littérature pour la jeunesse est une littérature d'apprentissage ( la boutade, c'est parce que tout le monde croit, quand je dis cela, que je pense au lecteur ). Je pourrais le dire autrement : écrivain, c'est une profession, écrivain pour la jeunesse un métier.
     Il reste une autre distinction, plus triviale sans doute, mais réelle : quand on écrit, on sait à qui on va proposer le texte. Les Jarvis, publiés chez Hachette, auraient pu éventuellement trouver leur place au Fleuve Noir. En revanche, je ne vois pas quelle collection adulte aurait accepté Le Chemin de Rungis. Et pour être tout à fait honnête, je me demande si, ces dernières années, ce critère n'a pas été le plus déterminant dans les orientations données à mes textes !



     Christian Léourier est né en en 1948. Son premier roman, Les Montagnes du soleil (1972) est publié dans la prestigieuse collection « Ailleurs et Demain ». Par la suite, il alterne des romans pour la jeunesse (la série des Jarvis chez Hachette) et des romans pour adultes faisant la part belle à la rencontre entre deux cultures : La Planète inquiète (Laffont, 1979), Ti-Harnog (J'Ai Lu, 1984), Les Masques du réel (J'Ai Lu, 1991), etc. Il travaille actuellement pour la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du Ministère de la Défense et anime, à ce titre, la nouvelle collection « Les Romans de la mémoire » coéditée par ce ministère et Nathan. Très pris par ses activités professionnelles, il a beaucoup ralenti ces dernières années sa production littéraire. Mais l'envie de participer à l'aventure d ' « Autres Mondes » et les progrès de l'extrême droite l'ont conduit à renouer avec la SF jeunesse pour ce roman, Mission Brume, ayant le fascisme pour thème.

     ( Source Autres Mondes )

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Dernière mise à jour du site le 12 octobre 2021
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