Christian Grenier, auteur jeunesse
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Ses méthodes d’écriture
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     Picasso, à qui l'on posait la question pour ses tableaux, avait l'habitude d'affirmer :
     — Une heure et toute une vie !
     Pour le parodier, j'ai envie de répondre :
     — Deux mois et cinquante ans...
     La rédaction d'un récit, on l'a bien compris, n'est pour moi que la deuxième partie du travail, la première consistant à mûrir longuement toute l'histoire. Et cette première phase de création peut s'étaler, on l'a vu, sur des années, elle se nourrit de toute la vie, de l'expérience humaine et littéraire du créateur. Cela n'est pas quantifiable.
     L'écriture d'un roman comme Ecoland, par exemple, s'est étalée sur près de vingt ans, de 1984 à 2003, et j'en ai rédigé six versions différentes ! Un autre récit — plus court, il est vrai, une vingtaine de pages — Les exilés du Fleuve, m'a demandé trois heures d'écriture... puis, dans un second temps, trois ou quatre jours d'ajustements successifs. Ces deux exemples montrent deux extrêmes du « temps mis pour écrire » et de la difficulté à l'estimer, c'est si variable d'un texte à l'autre !
     Mais habituellement, quand je monte un matin dans mon bureau pour me lancer dans l'écriture d'un roman, je sais que va commencer un long travail de rédaction : un, deux, trois mois pendant lesquels je vais, chaque jour, rédiger mon texte. Je me lève alors très tôt, surtout l'été. Je monte dans mon bureau et j'écris pendant six, huit, dix heures. Je ne m'interromps qu'à deux ou trois reprises : à dix heures et demie pour lire le courrier, à treize ou quatorze heures pour boire un café...
     C'est Annette, ma femme, qui m'interrompt souvent vers quinze ou seize heures pour me demander combien de temps je pense encore écrire. Je lui dis : un quart d'heure. Elle traduit : une bonne demi-heure. Et quand je descends, nous déjeunons. Il est parfois très tard mais je sais que si je m'interromps à midi, j'aurai du mal à me remettre au travail. Cela m'arrive, pourtant. En ce cas, j'essaie de déjeuner rapidement et légèrement. Je fais une brève sieste de dix minutes ou un quart d'heure ( j'ai de la chance, je suis capable de dormir quasiment sur commande et de programmer mon réveil ). Et je suis à nouveau dans mon bureau à 14 heures. Mais là, je n'en décollerai plus jusqu'au soir — 19 ou 20 heures.
     Cela dit, il m'arrive de descendre à treize heures et de décider que ma journée est finie, parce que j'ai bouclé un chapitre ou que je suis fatigué par une lourde matinée.


     Vous savez ce que je fais la nuit ? Eh bien... je dors !
     J'écris le matin parce que je me sens frais et dispos. Mais la matinée, chez moi, s'achève rarement avant quinze heures !
     Si beaucoup d'auteurs écrivent la nuit, c'est parce qu'ils sont sûrs de ne pas être dérangés : ni par le téléphone, ni par le bruit, ni par les visites ! A une certaine époque, dans les années soixante-dix, Pierre Pelot avait même dû inverser le rythme des journées : il se mettait au travail le soir et écrivait jusqu'à quatre ou cinq heures du matin. Quand il nous arrivait de lui rendre visite, nous arrivions vers treize ou quatorze heures, il venait de se réveiller.
     Mon ami Christian Léourier, lui, a un poste important au Ministère de la Défense. Il doit donc s'y rendre chaque matin et n'en revient que tard le soir. Quand il écrit un roman, il se lève beaucoup plus tôt que moi et écrit de cinq heures à huit heures du matin, il ne peut pas faire autrement !


     Oui. Et pendant plusieurs semaines, plusieurs mois. Quand je suis immergé dans un roman, je m'y consacre tout entier. Quand je constate qu'il m'a fallu trois mois pour aboutir à un texte de deux cents pages, je me dis que mon rythme d'écriture est en fait très lent : deux ou trois pages par jour ! Pourtant, à la fin de ma journée, j'ai souvent rédigé dix pages, déjà abondamment reprises, modifiées, améliorées...
     Mais le lendemain matin, quand je relis ce que j'ai écrit la veille, je passe en général trois ou quatre heures à tout reprendre.


     Non — sauf, bien entendu, La Fille de 3ème B et Le Pianiste sans visage.
     Parfois, quand l'écriture d'un roman se prolonge ou que je me lasse, il m'arrive ( mais c'est très rare ! ) de m'octroyer une récréation de quelques jours en rédigeant une nouvelle de dix ou quinze pages. Ce fut le cas, par exemple, pour Parfaite Petite Poupée que j'ai écrit alors que j'étais au milieu d'une aventure d'Aïna. Je me souviens aussi avoir écrit Le Tyran, Le Luthier et le Temps au milieu des années 70, alors que je me débattais dans la réécriture de Face au Grand Jeu, pour sa publication à La Farandole. Mais Face au Grand Jeu m'avait demandé plusieurs mois d'écriture et Le Tyran quelques jours, c'était une sorte de respiration. Ce dernier texte, d'ailleurs, n'était même pas destiné à la publication ! Mon Tyran est sorti en mars 2003, presque par hasard !


     Oui. J'élimine, je simplifie, j'élague.
     J'ai coutume d'affirmer que le métier d'écrivain comprend 5% d'écriture et 95% de corrections, de relecture, de modifications, d'amélioration.
     En fait, je tape très vite à la machine : huit ou dix feuillets à l'heure, si l'on me dicte un texte ou si je rédige du courrier.
     Si j'écrivais au kilomètre sans rien reprendre ni corriger, je pourrais boucler l'écriture d'un roman en deux jours. Certains auteurs comme Gudule ou Evelyne Brisou Pellen procèdent d'ailleurs ainsi, et consacrent évidemment dix ou vingt fois plus de temps à la correction qu'à l'écriture ! Moi, j'ai une autre technique qui consiste à écrire par phases successives : un paragraphe, une ou deux pages... après quoi je m'arrête et je me relis. Commence alors une longue phase de relecture et d'amélioration.

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Dernière mise à jour du site le 12 octobre 2021
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