A ma femme ! J'allais ajouter : parce que c'est d'abord elle que j'ai sous la main. La vérité, c'est qu'Annette est ma première lectrice depuis quarante-cinq ans ; jusqu'ici, elle a été plutôt de bon conseil, alors je ne vois pas pourquoi je changerais de lectrice !
Si j'écris un roman policier, je lui livre le texte jour après jour ou chapitre après chapitre. Quand je descends de mon bureau, elle me demande :
— Est-ce que j'ai des pages ?
Je lui en donne parfois deux, parfois dix... et d'autres fois pas du tout, parce que j'ai passé la journée à reprendre le chapitre de la veille ou que le texte que j'ai écrit ne me semble pas assez abouti. J'aime procéder ainsi parce que je veux savoir si Annette avance dans la résolution de l'énigme. Si elle devine trop vite mes intentions ( ou qui est le coupable ), c'est que j'ai livré trop d'éléments. Si au contraire l'action traîne et si son attention faiblit, c'est qu'il faut donner davantage de détails au lecteur et de punch à l'action.
En revanche, quand j'écris un autre genre de roman, je travaille pendant des semaines ou des mois sans rien lui montrer, elle n'a aucune information, elle ne connaît que le titre — et encore, pas toujours ! C'est d'ailleurs déjà très imprudent : Annette savait que je voulais écrire depuis trois ans
La Fille de Pleine Lune. C'est la seule donnée qu'elle possédait. Quand elle a lu le manuscrit, elle a été très déstabilisée car elle s'était fait de cette histoire une idée très différente.
Pendant qu'Annette lit ( et parfois annote ) le manuscrit, j'en envoie une copie à ma fille, par mail et document joint — elle habite Paris ! Elle est donc la deuxième à lire mon récit, et à me donner son avis. Ensuite seulement, j'envoie le texte à l'éditeur.