Christian Grenier, auteur jeunesse
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L’édition en général
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     Non. Aucun éditeur ne vous demandera si vous avez plus de seize ans ou si vous possédez le bac ! Mais les très jeunes auteurs sont rares. Les exemples les plus fameux sont Arthur Rimbaud, Raymond Radiguet, Anne Franck ou Françoise Sagan, dont les textes, rédigés bien avant qu'ils aient vingt ans, furent publiés — parfois bien après qu'ils eurent été écrits.
     A la fin des années cinquante, la jeune Minou Drouet a publié des poèmes à succès alors qu'elle était à peine adolescente — mais elle n'est pas devenue écrivain.
     Si le manuscrit que vous adressez à l'éditeur est de grande qualité, s'il séduit le comité de lecture... vous êtes publié ! Bien sûr, maîtriser la langue et rédiger un récit fort et original suppose le plus souvent une certaine expérience de la littérature... ou de la vie !



     Si l'auteur est inconnu, il attend son tour... et les piles de manuscrits sont parfois hautes sur les bureaux des directeurs littéraires ! Souvent, il passe d'abord entre les mains d'un collaborateur de la maison qui, très vite, juge si le texte mérite d'être lu par d'autres “ lecteurs ” de la maison d'édition ou s'il ne correspond pas à ce que l'éditeur publie.
     Si l'auteur est un “ écrivain maison ”, le manuscrit est souvent lu plus rapidement, parfois même par le directeur littéraire en personne. Il peut ensuite être photocopié et passer entre les mains d'autres lecteurs qui livreront leur avis au moyen d'un “ rapport de lecture ”.
     Si tous les rapports sont positifs, le texte est retenu.
     Si tous les rapports sont négatifs, il est refusé.
     Si les avis sont partagés, soit le directeur littéraire prend sa décision seul, soit il réunit, ( parfois au téléphone ) un “ comité de lecture ” au cours duquel chacun donne son avis et explique pourquoi il faut ou il ne faut pas publier ce manuscrit.
     Une fois la décision prise, l'auteur est averti par téléphone et on lui envoie un contrat.



     C'est très variable : de quelques heures à... plusieurs années !
     En général, un auteur reçoit une réponse deux mois plus tard. C'est souvent au bout de ce délai qu'il juge pouvoir appeler l'éditeur pour prendre des nouvelles de son manuscrit. Parfois, l'éditeur demande un délai, parce que les lecteurs sont longs à lire... ou à se décider.
     De nombreux cas de figure peuvent retarder la décision : le directeur littéraire peut avoir changé, une collection peut être sur le point de disparaître, une autre être en projet. Parfois, un éditeur souhaite “ garder un manuscrit sous le coude ” car il sait qu'un jour, il aura l'opportunité de le sortir dans une nouvelle collection.
     Le service commercial a aussi son mot à dire : tel manuscrit remarquable, apprécié par tout le comité de lecture et le directeur littéraire, peut avoir un sujet jugé “ peu vendeur ”. Il est délicat de sortir un roman dont l'accueil, on le pressent, sera frileux, et qui ne se vendra pas !
     D'autres fois, l'éditeur hésite parce que le manuscrit ne convient pas tel quel et qu'il souhaiterait que l'auteur lui apporte des modifications...



     C'est variable. Environ un an. Moins ( trois mois, parfois moins encore ! ) si l'éditeur a une opportunité et si le sujet du roman lui semble d'actualité.
     D'autres fois, c'est bien davantage... parce que le Directeur littéraire ( ou la politique éditoriale ) a changé, le manuscrit doit alors être relu par les nouveaux responsables...
     Ainsi, Virus LIV 3 ou La mort des Livres a mis plus de trois ans à être édité !




     Dans le domaine jeunesse, c'est assez fréquent. On peut s'en étonner, voire s'en offusquer... mais les choses ne sont pas si simples. Un directeur littéraire connaît les habitués de sa collection et les limites de ses lecteurs. Par “ limites ”, j'entends : de longueur, de difficultés, de vocabulaire. Aussi, pour que le texte de son auteur soit accueilli le plus largement possible, il a tendance à vouloir l'ajuster à la collection où il va trouver place.
     Ainsi, il n'est pas rare qu'un directeur littéraire demande à un auteur de réduire son texte, de simplifier tel passage, de modifier la fin... Bien sûr, un débat s'instaure, parfois très vif. L'auteur a tendance à résister, à crier à la censure alors que la réécriture d'un récit ou son “ amélioration ” ne vise qu'un objectif : publier une excellente histoire ! Mais aux yeux de l'écrivain, améliorer c'est parfois dénaturer.
     Pour avoir été des deux côtés de la barrière, j'ai dû faire face à peu près à tous les cas de figure... Et en tant qu'auteur, il m'est arrivé de remercier certains directeurs littéraires pour leurs conseils éclairés, que j'ai bien sûr suivis, ou de m'opposer radicalement à leurs suggestions, propositions ou contraintes que je jugeais inopportunes... et même ineptes !
     Le bras de fer qui s'ensuit laisse des traces, une amertume chez les uns ou les autres.
     Si l'écrivain accepte de se prêter à des modifications de mauvaise grâce et sans conviction, la qualité du texte s'en ressentira et l'auteur aura peu envie de défendre un récit qu'il jugera dénaturé. S'il refuse, l'éditeur peut alors refuser de publier un récit qui ne lui convient pas dans cet état.
     Heureusement, aucune de ces deux situations ne s'est jamais présentée à moi !



     Non.
     Le directeur littéraire se contente d'annotations ou de remarques en marge. Au téléphone, il explique à l'auteur quelles améliorations il juge indispensables — mais il ne se permettra pas de rayer, de remplacer un mot ou une phrase !
     Une anecdote : un matin, j'ai reçu un appel de Pierre Michaud, le responsable des Editions de l'Atalante, qui avait en main le bon à tirer d'une nouvelle à moi ( Partir pour Edena ), destinée à un recueil collectif ( Utopiae ). Il jugeait une virgule inutile et voulait mon accord pour l'enlever !
     Cependant, cette question est pertinente. Certains auteurs acceptent de confier leur manuscrit, qu'ils savent imparfait, à des professionnels qui travaillent chez leur éditeur. Ceux-ci réécrivent le récit. Ce rewriting peut aller de l'amélioration ici ou là d'une phrase ou d'un paragraphe à la réécriture totale de l'histoire ! En ce cas, le professionnel qui s'y colle ( il m'est arrivé de le faire ! ) devient quasiment ce qu'on appelle dans le jargon de l'édition un nègre. Si son nom n'est presque jamais cité, le nègre est rétribué. Loin d'être rebutante, cette tâche peut être passionnante, c'est un moyen original... d'apprendre à mieux écrire !

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Dernière mise à jour du site le 12 octobre 2021
Adresse postale : Christian Grenier, BP 7, 24130 Le Fleix