Christian Grenier, auteur jeunesse
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Urgence



Editeur : Bayard - Collection : Les romans de Je Bouquine No 143 (2003)
 
     REEDITION
     Ce roman a paru en l'an 2000 dans la revue Je Bouquine. Comme tous mes récits publiés dans ce magazine ( Je l'aime, un peu, beaucoup, Le visiteur de l'an 2000 ), il ressort quelques années plus tard sous forme de volume vendu en librairie.

     A L'ORIGINE DE CET OUVRAGE ?...
     Une histoire vraie, une confidence que m'a livré à la fin des années1970 un collègue ( René Salouf, prof de maths ), en salle des profs, alors que nous corrigions des copies face à face et que s'était déclaré dans un établissement scolaire tout proche, un cas de méningite...
     René — qui était de dix ans mon aîné — m'a alors raconté comment, en septembre 1944, son ami d'enfance avait été le premier petit Français atteint d'une méningite et guéri in extremis grâce à la pénicilline que son père avait été quémander à Paris à des médecins américains.
     Cette anecdote m'avait frappé.

     LE MAKING OFF...
     En 1982, sollicité par Bertrand Solet pour écrire une nouvelle dans un volume 15 histoires de... chez Gautier — Languereau, j'ai utilisé cette anecdote. En effet, le titre du recueil était : 15 S.O.S.. Le titre de ce récit de quinze pages est : Six grammes pour une vie. Ces six grammes sont bien sûr les grammes de pénicilline qui vont sauver le jeune malade.

     Gautier-Languereau ( maison d'édition surtout connue pour avoir publié Bécassine ) fut rachetée par Hachette — et je pus disposer des droits de reproduction de ce texte qui, d'ailleurs, n'avait fait l'objet d'aucun contrat. Gautier-Languereau se contentait de donner une pige pour la parution de la nouvelle dans son recueil.
     Mais voilà : Hachette voulut faire reparaître une grande partie des volumes de la collection 15 histoires de... Et tous les auteurs des textes furent donc à nouveau contactés pour la réédition, cette fois dans des conditions « normales », de leurs nouvelles.

     A plusieurs reprises, j'ai accepté la réédition de certaines de mes nouvelles, toujours avec de nombreuses modifications ou améliorations. Mais j'ai refusé que soit repris Six grammes pour une vie, je pensais qu'il y avait là matière à écrire un récit plus long et plus dense — par exemple un Je Bouquine. Or, Je Bouquine ne publie que des inédits.
     Embarrassé, j'ai contacté Béatrice Valentin que ce projet de réécriture ne gênait pas : dix-huit ans plus tard, les jeunes lecteurs ne risquaient pas de connaître ce texte... Eh bien si ! A ma stupéfaction et à mon grand mécontentement, j'ai constaté que des extraits de Six grammes pour une vie figuraient dans un manuel scolaire Hachette destiné à des Cours Moyen ! Hachette ne m'avait jamais averti de cette publication et pour cause : elle était illégale, j'étais propriétaire des droits de reproduction puisque Gautier Languereau ne m'avait en 1982 versé qu'une simple pige ! J'ai téléphoné, écrit à Hachette pour protester, demander un recours, menacer d'un procès... Trois mois plus tard, j'ai reçu d'un département de Hachette un courrier qui, sans même faire mention de la moindre excuse, m'expliquait qu'Hachette ayant racheté Gautier Languereau, « on » avait pensé que tout ce que cet éditeur avait publié appartenait désormais au groupe, ce qui lui permettait de le rééditer. N'importe où. Sans même en avertir les auteurs ni les payer.
     Cette pratique aurait déjà été illégale si Hachette avait possédé les droits de mon texte. Mais là, par surcroît, il ne les avait pas ! L'affaire s'est arrêtée là, je n'ai pas fait de procès — je l'aurais gagné, mais au bout de combien de temps, et à quel prix ?
     Quand le récit est sorti dans Je Bouquine, on a jugé mon nouveau titre faible ( Il faut sauver Jean-Mi ) et proposé Urgence. C'était l'époque où passait cette fameuse série de Michael Crichton à la télé. J'en ai fait la remarque à Bayard qui s'est contenté de me dire :
     — Oui, mais dans notre titre, il n'y a pas de « s » !

     REALITE OU FICTION ?
     Si la structure de l'histoire correspond à la stricte réalité historique, j'ai bien sûr brodé, modifié les noms de personnages, les lieux... La collaboratrice qui donne de l'essence au docteur et au père du jeune malade est imaginaire, ainsi que l'infirmière de l'hôpital Lariboisière. Il faut savoir que l'anecdote que m'a racontée René Salouf aurait tenu en quelques phrases et trois minutes. Il restait à lui donner une dimension romanesque.
     Cela ne m'a pas empêché, bien entendu, de lui dédier mon récit et de rappeler mes sources.

 
UN EXTRAIT DU TEXTE  ( Urgence )
           Il va mourir, n'est-ce pas ? demanda René d'une voix sèche.
          Ce mot, il fallait qu'il le dise ; jamais le docteur n'aurait osé le prononcer. Celui-ci leur posa à tous deux une main sur l'épaule dans un geste de protection et se contenta d'annoncer :
           Je repasserai cet après-midi.
          Puis il détourna vite la tête, car ses lunettes étaient embuées. Il parcourut l'allée du jardin d'un pas pressé, sans se retourner, et s'échappa dans sa grosse voiture noire comme un coupable pris sur le fait.
          Quand le grondement du moteur s'éteignit, Ghislaine et René se regardaient encore. Ils ne comprenaient pas ce qui arrivait, ils ne mesuraient pas l'ampleur de l'événement.
          Ghislaine était allée dans la chambre de Jean-Mi, mais René restait assis sur sa chaise, dans la cuisine ; il serrait les dents, gardait les yeux fixes et secs. Il avait la tête en feu, il était plein de colère, de haine et de douleur. Le plus épouvantable était l'attente, l'inaction forcée. A cette heure, et avec le recul, les cinq années d'occupation qu'ils avaient subies lui semblaient avoir été une épreuve dérisoire, facile à surmonter : hier encore, il y avait un occupant, un ennemi — et des moyens pour le faire plier. Et aujourd'hui, il fallait donc baisser les bras ? S'avouer désarmé face à une maladie plus sournoise que le plus impitoyable des ennemis ?
          Dans la matinée, la porte s'ouvrit brutalement et le voisin entra, annonça avec enthousiasme :
           Besançon a été libéré hier ! Les Américains sont là !
          Comme pour ajouter à sa joie, le vrombissement des chars ébranla le sol de la maison. A l'extérieur, des cris jaillirent. Dans le ciel, des avions passèrent en rase-motte. René n'avait pas bougé, pas une ride de sa bouche ne s'était effacée. Alors le voisin bredouilla une excuse et referma doucement la porte.
          A midi, René alluma machinalement le poste de TSF ; le speaker déversa à son oreille des informations merveilleuses qui pourtant lui parurent insipides : la débâcle allemande, la progression inexorable des alliés. Qu'importait à René que la guerre s'achevât si la vie de Jean-Mi s'achevait avec elle ? Au bout du cauchemar, un autre cauchemar...
          Au milieu des flots des paroles du commentateur, une phrase surgit soudain, que l'esprit de René tira, grossit — comme si le volume sonore avait brusquement doublé.
           .. médecins américains sont en train d'expérimenter à Paris un nouveau médicament susceptible d'enrayer certaines maladies infectieuses comme la typhoïde, la tuberculose ou la méningite. Il s'agit d'un produit résultant de la croissance d'une moisissure : la pénicilline, dont les effets antiseptiques ont été constatés depuis plusieurs années, et dont l'emploi pourrait se généraliser ..
          René bondit comme sous l'effet d'un ressort.

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Dernière mise à jour du site le 12 octobre 2021
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