POUR EN SAVOIR PLUS :
Pourquoi ne pas me reporter à mon journal intime, à la date du mardi 10 février 2004 ? Ce jour-là, je participais, à Lille, à un colloque organisé par le Centre National de l'Edition. « Vers midi, alors que je mangeais un sandwich et buvais une bière, je me suis tout à coup retrouvé face àBéatrice de Croix, responsable de La Martinière Jeunesse, qui s'était installée face à moi. — Ah, Christian ! me dit-elle. J'aimerais beaucoup que vous m'écriviez un Confessions ! Connaissez-vous ma collection ? — Bien sûr ! J'ai déjà lu le récit de Bernard Friot, Un autre que moi, et celui de Susie Morgenstern, Confession d'une grosse patate. Mais vous savez Béatrice, les confessions... ce n'est pas vraiment mon genre ! — Essayez d'y réfléchir. Je serais vraiment très flattée que vous acceptiez. Tenez, voici le prochain volume de la collection. C'est un ouvrage de Jean-Paul Nozière, à paraître le mois suivant, un texte extraordinaire et truculent que je dévorerais dans le train pendant le trajet du retour : Tu seras la risée du monde. Le même après-midi, en compagnie de Charlotte Ruffaut, Béatrice Decroix et Caroline Westberg, j'interviens dans un débat sur « les sujets tabou ». Là, face à Béatrice qui se trouve à la tribune, je prends la parole pour affirmer que les vrais sujets tabou sont ceux qui ne se vendent pas ( et dont les éditeurs ne veulent pas ! ) et j'évoque la politique, le monde du travail et la religion. En même temps, je me souviens de la façon dont j'ai perdu la foi. Ce serait là l'occasion d'écrire un récit intimiste, autobiographique — un ouvrage sur mesure pour la collection Confessions ! Un titre possible me vient d'ailleurs aussitôt en tête : ce jour-là, Dieu est mort. Mais j'ai tant d'idées qui vont et qui viennent ! » Eh bien après avoir décliné cette proposition, l'idée a fait son chemin. Les mois suivants, j'ai rencontré au cours de divers salons Susie Morgenstern, Bernard Friot... et surtout Jean-Paul Nozière, chez qui nous avons passé trois jours début juin. A tous trois ( chacun est l'auteur d'un Confessions ), j'ai confié que j'avais bel et bien un sujet en tête, et l'intention de le développer prochainement. Mes trois amis en ont aussitôt informé Béatrice qui, en juin, m'a abreuvé de mails enthousiastes. Hélas, je lui ai révélé que je ne pourrais lui livrer mon récit qu'à la fin de l'été, juillet et août promettant d'être fort occupés — nous aurions beaucoup de visiteurs et d'invités, à commencer par nos enfants et nos petites filles. Presque pour rire, Béatrice m'a alors adressé de nombreux mails m'invitant à négliger un peu mes amis et ma famille pour me consacrer à l'écriture de ce récit qu'elle attendait ! Cette écriture m'a occupé en deux temps. Le premier, ce furent les quinze jours de mai qu'Annette et moi avons passés dans la maison de notre fils, pendant qu'il partait en vacances avec sa femme sur l'île de La Réunion. Là, tout en gardant nos deux petites filles, j'ai commencé à rédiger, au passé, une cinquantaine de pages, un récit qui débutait pendant l'été de mes seize ans. En juillet, j'ai joint Béatrice pour l'informer de l'avancement de mon écriture. — N'oubliez pas, m'a-t-elle rappelé, que le récit doit être impérativement écrit au présent. J'ai été très embarrassé. Mes cinquante premières pages étaient rédigées au passé. Transposer au présent ? Pas si simple. J'ai essayé et j'ai fini par renoncer. Et j'ai tout repris à zéro, à la fin du mois d'août et pendant le mois de septembre, choisissant de raconter cette histoire en remontant plus loin dans le temps. J'ai également choisi de modifier tous les noms de famille et de rapprocher certains événements, moins pour la vraisemblance que pour la cohésion interne du récit. Cette « confession » est-elle conforme à la réalité ? Je l'ignore. Il n'y a pas de réalité, il n'y a que différentes versions des événements. Celle-ci est la mienne, la façon dont je les ai vécus, et les souvenirs que j'en ai. Mais ce qui est certain, c'est que la plaie ne s'est jamais refermée. Ecrire cette histoire a eu au moins la vertu d'exprimer enfin des faits et des sentiments qui, très longtemps, étaient restés enfouis.
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