Un poing impatient s'acharnait contre la porte.
Stefan s'éveilla en sursaut. Il aperçut au-dessus de lui la galaxie d'Andromède... non : un simple poster épinglé sur le mur. Il était dans sa chambre de l'observatoire du Wendelstein.
Il faisait grand jour.
Finalement, comme il ne réagissait sans doute pas assez vite, on ouvrit brusquement la porte et Messigny apparut, les cheveux en bataille. Stefan se leva d'un bond.
— Que se passe-t-il ?
L'astrophysicien était en proie à une excitation inhabituelle. Derrière leurs lunettes, les yeux étaient redevenus vifs, pétillants, presque malicieux. D'une main énergique, il agrippa Stefan par la manche de son pyjama.
— Viens. J'ai plusieurs choses à te montrer.
— Une seconde. Je m'habille.
Messigny eut un geste d'irritation. Lui-même n'avait pas revêtu son informe blouse grise habituelle. Il était en bras de chemise. Il entraîna Stefan, qui ne résista plus.
— Bon sang ! C'est si urgent ? Quelle heure est-il ?
— Bientôt midi.
Ils traversèrent la cour de l'observatoire.
Le Soleil, brûlant, était haut dans le ciel. Il avait séché la pluie, effacé les brumes de la veille.
— Du nouveau ? interrogea Stefan, le coeur battant.
Messigny ouvrit la porte du laboratoire attenant à la coupole. C'était là qu'il avait, le mois dernier, installé ses quartiers. Au pied des murs étaient empilées les éternelles revues usagées. Sur la table du fond se trouvaient quelques appareils que Stefan ne connaissait pas.
— Assieds-toi, dit Messigny. Et regarde. Ce matin, il y avait ça au courrier. C'est le CSG qui me l'a fait suivre.
L'astrophysicien lui tendit quelques lettres et un paquet déjà ouvert, qui contenait un livre.
— Des suggestions intéressantes ?
— Des inepties, comme d'habitude. Sauf la lettre d'un laboratoire d'analyses, qui me donne des résultats surprenants. Et puis il y a surtout ce bouquin. Jettes-y un coup d'oeil.
Stefan ne put s'empêcher de sourire en observant la nervosité de Messigny : il triturait sans cesse ses larges mains sèches, ou les passait dans ce qui lui restait de cheveux.
— Incroyable, ce roman ! J'ai passé ma matinée à le lire...
Stefan prit le livre en main. C'était une édition ancienne, probablement du XXIe siècle. Sa couverture souple représentait la surface d'une planète en fusion : un océan d'or liquide que surmontait un gros soleil blanc, légèrement aplati, planté dans un ciel orange. Avec, en premier plan, quelques personnages habillés d'un scaphandre, en train de fuir.
Stefan lut le titre à haute voix, et fit une grimace.
— Le Soleil va mourir. C'est une blague de mauvais goût ?
— Pas du tout. Avoue que le thème du roman rejoint nos préoccupations.
— Qui a eu l'idée de t'envoyer ce livre ?
— Un inconnu qui n'a même pas laissé son adresse. Il a seulement glissé entre deux pages une carte de visite signée : Un amateur de science-fiction.
— Quel intérêt présente ce bouquin ?
Messigny ôta ses lunettes, et il en essuya les verres à la hâte.
— C'est une histoire divertissante et rocambolesque.
— Si mes souvenirs sont bons, dit Stefan, ce genre d'ouvrages utilisait souvent des hypothèses pseudo-scientifiques ?
— Oui. La science-fiction a la particularité de perturber les structures mentales, d'offrir d'autres champs d'investigation à l'imagination des lecteurs en leur suggérant des idées nouvelles...
— L'intérêt scientifique et littéraire de ces textes est souvent limité, non ?
— Oh, ici comme ailleurs, on y trouve le pire. Et parfois le meilleur. Ce roman n'échappe à aucune règle du genre. Il n'a rien d'original.
— En ce cas...
— Par contre, reprit Messigny, l'auteur a imaginé ici une hypothèse scientifique audacieuse pour échapper à l'enfer de la future nova. Une hypothèse que nous avons effleurée hier sans songer à nous y arrêter !
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