ÇA DÉMÉNAGE !
Clac ! Ça, c’est la porte d’entrée qui claque. Et elle me réveille en sursaut, moi qui somnolais sur l’accoudoir du canapé ( mon refuge préféré ). Bon, il doit être 16H40. — Salut, Hercule ! me lance Joyeuse-la-blonde en balançant son sac dans le placard ouvert du couloir. — Ôte-toi de là, le chat ! m’ordonne Albane-la-rousse, on a besoin de place. Tu m’aides, Emilie ? Tiens, il y a aussi Emilie Duroy, leur copine du premier étage. J’ai à peine le temps de sauter sur la moquette : déjà, les trois filles poussent le canapé vers la porte-fenêtre qui donne sur le balcon. Chacune rapporte d’une chambre un tapis, des cerceaux et un ballon énooorme. Qui roule vers moi... et je fuis. Quel remue-ménage ! En une minute, le salon est devenu une vraie piste de danse. — On commence par les exercices au sol ? propose Joyeuse. Mains en avant, elle plonge vers le tapis et fait la roue. Sauf qu’elle heurte la table basse et s’effondre sur la moquette. Lamentable... — Tu es loin du niveau de ma copine Lola ! lui jette Emilie. — Essaie plutôt le ballon, conseille Albane. Tiens, regarde. La jumelle s’allonge et, des pieds, tente de maintenir le ballon... qui lui échappe et roule à nouveau vers moi ! D’un bond je rejoins le sommet du buffet. Joyeuse applaudit. — Si Hercule participait au concours, dit-elle, il décrocherait le premier prix. Clac ! Le bruit de la porte d’entrée fige les trois filles sur place. C’est Max, le père des jumelles. Il entre dans le séjour et s’immobilise, stupéfait. Non : indigné. — Eh ? Qu’est-ce que c’est que ce cirque ? — On a fait de la place pour répéter nos numéros, dit Joyeuse. — Il y a une compétition de gym à Bobigny fin juin, explique Albane. Toutes les écoles de Saint-Denis y sont inscrites ! — Il y a un gymnase pour ça, non ? — L’entraînement, c’est demain après-midi, explique Albane. Et Mme Séver a exigé qu’on répète les numéros chez soi. Max salue Emilie ; il a vers ses filles un geste discret qui signifie : votre copine du premier, qu’est-ce qu’elle fait là ? — Emilie participe au concours, intervient Albane. Au départ, elle s’entraînait chez son amie Lola. — Elles devaient faire un numéro ensemble, précise Joyeuse. — Mais la prof ne veut pas, avoue la visiteuse en baissant le nez. Lola est trop forte pour moi. Elle va concourir en individuel. Moi aussi. Voilà pourquoi je suis ici... on s’entraide ! — Dis, papa, fait Albane, tu ne devais pas rentrer si tôt ? Au même instant, la sonnette retentit. — Bon sang ! grogne Max en allant ouvrir. Qui est-ce, encore ? Trois secondes plus tard, il s’écrie : — Monsieur Duroy ! Entrez, je vous en prie. — Bonjour monsieur Beffroy ! Est-ce que ma fille... — Oui, rassurez-vous : Emilie est ici ! — Ouaf, ouaf ! — Ah non ! crie M. Duroy. Ici, Diabolo, au pied ! Trop tard : le bouledogue a réussi à s’échapper et il jaillit dans le séjour. Comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Avec ses vingt-cinq kilos, il bouscule le ballon et se jette sur les filles... pour leur faire la fête. Je ne suis pas en reste : ce chien est devenu mon meilleur ami. Sauf que pour m’atteindre, il griffe le buffet, fait tomber un vase et laisse une longue traînée de bave sur la moquette ( pas inquiétant, les chiens bavent quand ils sont contents. ) — Diabolo ! Ici, tout de suite ! répète M. Duroy. Je suis désolé, fait-il en se tournant vers le père des jumelles. — Ce n’est rien, répond Max dans une grimace. Ils sont si heureux de se retrouver. Et nos filles peuvent bien s’amuser un peu. Ca, c’est ce qu’il dit. Mais je sais qu’il n’en pense pas un mot !
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