Christian Grenier, auteur jeunesse
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Folio Junior Science-Fiction


 
 
     En juin 1980, au Salon du Livre du Havre, j'allai trouver Pierre Marchand, le responsable de Gallimard Jeunesse. Je lui proposai de créer, à côté de Folio-Junior en poésie, bilingue et énigmes une série SF. Longuement, je plaidai pour la science-fiction, évoquai l'attente des lecteurs et ma conviction qu'existaient des textes courts et dynamiques, accessibles au plus grand nombre. J'ajoutai qu'un grand nombre d'écrivains français que je connaissais seraient ravis d'écrire pour Gallimard Jeunesse.
     Pierre Marchand me convoqua chez Gallimard le surlendemain.
     Quand je me présentai, Pierre Marchand me présenta son équipe : Christian Gallimard, Jean-Olivier Héron, Christine Baker, Laurence Pujebet...
     — Tu es dorénavant le responsable de Folio-Junior science-fiction, me déclara-t-il. Tu publieras essentiellement des recueils de nouvelles thématiques, sur le modèle de Folio-Junior en poésie. A toi de choisir les textes et de les rassembler. Comme tu l'as suggéré, tu peux aussi y mêler des inédits. Et sortir de temps à autre quelques romans. Pour les traductions de l'anglo-saxon, demande de l'aide à Christine qui joindra les agents littéraires étrangers. Pour la maquette, tu auras affaire à Raymond Stöffel... Ah, puisque tu vas gérer ces recueils, il est indispensable que tu en écrives les préfaces. Et les quatrièmes de couverture. N'oublie pas non plus d'ajouter la bio de tous les auteurs. Pourrais-tu nous fournir quatre recueils pour la rentrée de septembre ? Il nous en faudrait quatre autres au début de l'année prochaine...
     Je demandai qui lirait et jugerait avec moi les textes à paraître, notamment les inédits.Il me répondit, catégorique :
     — Personne. Tu seras seul maître à bord. Tu auras à peu près tous les droits, Christian. Sauf celui de te tromper.


     Des milliers de textes à relire
     Mon été fut très occupé. Avant de partir en vacances, je revins souvent chez Gallimard. J'avais proposé comme premiers thèmes de recueils : la nature, la ville, les voyages temporels et la préhistoire. Mais au lieu de chercher quatre fois dix ou douze textes, je jugeai plus simple de relire tout le fonds que je possédais afin de classer les nouvelles dans tel ou tel thème particulier.
     Je passai trois ou quatre mois intensifs à feuilleter pour me les remémorer les nouvelles contenues dans plusieurs centaines de magazines, notamment tous les Satellite, Fiction et Galaxie publiés depuis près de trente ans ! En octobre, cette tâche achevée, j'avais fini par répertorier cinquante thèmes. Pour la ville, je disposais de cent cinquante nouvelles. Restait à les relire toutes avec soin pour en choisir huit ou dix...

     Quels critères de sélection ?
     Il me fallut réfléchir à ces critères délicats qui font qu'un récit peut convenir à des jeunes ; en fait, j'appliquai d'instinct ces critères sans les avoir vraiment définis... J'écartai les textes à l'écriture trop savante ou complexe, ceux dont les références seraient inaccessibles aux enfants, ceux dans lesquels le non dit ou l'évocation longue d'un monde intérieur intime risquait de dérouter, rebuter ou lasser. Je privilégiai la qualité, l'originalité de l'intrigue et la clarté de l'expression. Parmi les Anglo-saxons, les plus prestigieux noms revenaient sans cesse : Matheson, Anderson, Sheckley, Dick... et surtout Bradbury. A ma grande surprise, ce dernier auteur me répondit en personne, avec une cordialité, une simplicité désarmantes, ce qui facilita nos rapports.
     Je ressortis de l'oubli plusieurs textes d'auteurs français disparus, comme Octave Béliard, Maurice Renard, Francis Carsac, Barjavel, ou vivants comme Gérard Klein et Jean-Pierre Andrevon. Pour les inédits, je battis le rappel de vieux amis comme Léourier, Pelot, Jeury... Je sollicitai aussi des amateurs dont je connaissais l'enthousiasme et les qualités mais qui n'avaient encore jamais publié. Pour certains, comme Francis Valéry, ce fut un vrai départ dans le domaine jeunesse.


     Niourk, un roman plébiscité par les jeunes !
     Dès 1980, ma priorité fut de ressortir Niourk, de Stéfan Wul. Sous ce pseudonyme, le dentiste Pierre Perrault avait publié au Fleuve Noir vingt-cinq ans auparavant onze romans dont certains ( Oms en série et L'orphelin de Perdide ) avaient ou seraient adaptés en films d'animation tout public, sous le titre La Planète sauvage et Les maîtres du temps. Remarqué par Elisabeth Gille, responsable de la collection Présence du Futur chez Denoël, Niourk y avait été réédité dix ans auparavant mais ses ventes restaient très modestes.
     Denoël faisant partie du groupe Gallimard, je pus le rééditer en Folio-Junior SF sans difficulté. Quand j'eus l'occasion de croiser Stéfan Wul, il ne se plaignit pas d'être devenu un auteur jeunesse malgré lui.

     Le tyran d'Axilane
     Pendant l'hiver 81, je sollicitai plusieurs amis pour qu'ils m'écrivent un inédit. Mes vieux amis les Grimaud répondirent à l'appel. Ils habitaient le sud-est et m'appelèrent un soir pour m'avertir :
     — Christian, nous avons fini ! Après-demain, nous sommes à Paris.
     — Apportez moi votre récit ! Et venez dormir à la maison.
     Deux jours plus tard, ils arrivaient. Je lus leur manuscrit dans la journée, fis un saut chez Gallimard et tombai, manuscrit en main, sur Pierre Marchand.
     — Nous avons un petit bijou. Par sécurité, j'aimerais avoir ton avis
     — Inutile. Si tu es sûr de la qualité de ce roman, publie-le !
     Rentré chez moi, j'expliquai aux Grimaud que leur roman serait publié avant trois mois. Ils n'en revenaient pas, jamais un manuscrit n'aurait été lu, accepté et publié aussi vite ! Mais de mon côté, je n'en menais pas large. Quand Le tyran d'Axilane sortit en librairie, il n'avait eu qu'un seul lecteur : moi.
     Je ne fus rassuré que lorsqu'il décrocha six mois plus tard le Grand Prix de la science-fiction française.
     Aujourd'hui, Le Tyran d'Axilane est toujours réédité.

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Dernière mise à jour du site le 12 octobre 2021
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