A deux pas de Bergerac, au bord d'une route exiguë qui domine la vallée de la Dordogne, s'élève aujourd'hui un monolithe qui rappelle où commença la guerre de Cent Ans. La plupart des gens pensent qu'elle débuta le jour en 1337, le jour où Edouard III défia son cousin Philippe VI de Valois, revendiquant la couronne de France. Or, la cause de cet événement est une tout autre affaire ! Au printemps de la même année, à quelques encablures de Bergerac, tandis qu'un doux zéphyr soufflait sur les toits en zinc de la métairie de Monbazillac, la jeune Marie s'apprêtait à déguster sous l'alcôve enfumé d'albâtre terni les vol-au-vent qu'elle s'était préparés. Soudain, son père entra et tira de l'écritoire posée près du buffet d'ébène verni une épître au sceau arraché. — Sais-tu, dit-il à sa fille, que notre voisin John prétend me déposséder ? — Oui, avoua-t-elle. L'ordonnance qu'il t'a adressée atteste que Philippe le Bel était notre suzerain.
+++
— Mais Philippe était un roi français ! se rebiffa le père qui vivotait de la vigne grâce à ses trois jolis* comtés du Bergeracois. — Certes, admit Marie. Mais Edouard III est le petit-fils de Philippe le Bel. La revendication de John est recevable, la Guyenne est anglaise. — Ce papier est sans valeur ! Je ne vois nulle vergeure, nul filigrane sur ce vieux parchemin griffonné. — Il est authentique, contredit Marie. Quant à John, je me marierai avec lui cet été. — Quoi ? Avec ce buveur de whisky ? Peu coutumiers de tels esclandres, père et fille se sont adressé des injures, puis se sont vus obligés de prendre parti. Chacun écrivit à celui qu'il jugeait son souverain légitime. Las des conflits, le roi d'Angleterre tergiversa jusqu'à l'automne. Coutumier des volte-face, il faillit pourtant laisser l'affaire aller à vau-l'eau. Mais après qu'il eut pris conseil auprès de ses majordomes, entre le zist et le zest, il finit par déclarer la guerre à son cousin le 7 octobre 1337 dans l'abbaye de Westminster.
Christian Grenier Mots et termes à indiquer au tableau : 1337 Edouard III Philippe VI de Valois, Philippe le Bel Marie John Guyenne Westminster * le mot comté est récemment devenu masculin, mais le féminin ( trois jolies comtés ) est admis.
|