Christian Grenier, auteur jeunesse
Recherche
   
 

La marée était en noir
(dictée)

 
     En 2002, le Salon d'Arcachon a demandé à Christian Grenier d'écrire et de dicter un texte inédit dans lequel se dissimuleraient mille pièges pour les accros à l'orthographe.
     Les trois paragraphes correspondent à trois niveaux : le premier est réservé aux classes du Primaire, les deux premiers aux Collégiens et... le texte intégral aux autres, bon courage.
     Dictez ce texte à vos amis, s'ils font moins de quinze fautes, ils sont très forts...

          Aujourd'hui, il est difficile d'imaginer qu'Arcachon fut une station balnéaire. Proches de la forêt des Landes, voisines d'une immense dune de sable que venaient visiter une grande quantité de touristes, la ville et sa région étaient l'un des fleurons du Sud-Ouest. Au sud de la ville s'étendaient de grands étangs mais le bassin, lui, était ouvert sur l'océan et pourvu d'une île en son centre. Il paraît que de grands oiseaux tout blancs fréquentaient la réserve ornithologique proche. Paradis des surfeurs, oasis appréciée par les pique-niqueurs et recommandée aux enfants déficients, la côte accueillait chaque été des badauds amateurs de nature, d'air iodé, de brise marine et de vagues crêtées d'écume.

          Hélas, les trop nombreux va-et-vient des navires pollueurs aidant, nombre d'accidents se sont succédé : les dégazages récurrents ont souillé ces belles plages que les oiseaux eux-mêmes ont peu à peu désertées et fini par quitter. Trois cent quatre-vingt-dix-sept ans plus tard, en cette année de grâce deux mille quatre cents, Arcachon est devenu un mythe. Après qu'un premier méthanier eut fait naufrage, une fois que les pollutions eurent achevé de souiller les grèves de leur fioul nocif et nauséabond, la région devint hostile. Balayées par des vents délétères, envahies au fil des ans par les marées noires, les côtes n'ont pas tardé à être englouties.

          En raison de la hausse des températures et des incuries d'un libéralisme effréné, Arcachon gît à présent par vingt mètres de fond, comme la moitié de l'Europe, devenue fort exiguë.
          Pourtant, ici, des quidams se sont promenés sur le front de mer, ils se sont enivrés d'effluves embaumés ; il fut un temps, ici, où les flâneurs bayaient aux corneilles ; un temps où les cuistots des meilleures hôtelleries servaient à une clientèle exigeante huîtres succulentes et fruits de mer divers, voire cuissots de chevreuil, cuisseaux de lapin et autres mets excitants et goûteux ; un temps où existait un Salon du Livre réputé, notamment en raison des difficultés ambiguës d'une dictée que les concurrents, après réflexion, auraient préféré éviter.
          Nous mourrons, ignorants de ces beautés que nos aïeux ont admirées et pour lesquelles ils se sont opiniâtrement battus. Aujourd'hui, malgré les on-dit, mareyeurs et ostréiculteurs se sont bel et bien volatilisés, comme ont disparu dentellières, bimbelotiers, maréchaux-ferrants et chevau-légers. Seuls subsistent, sur l'îlot où a encore lieu cette manifestation ancestrale, le Salon et surtout sa méphistophélique dictée, événement dont les fonts baptismaux furent fêtés un vingt-cinq janvier, éphéméride désormais à dessein redoutée.

          Christian Grenier ( 25/01/2003 )



Cliquer pour revenir en haut de la page
Haut de Page
Ce texte est la propriété de l'auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation  
 

Dernière mise à jour du site le 12 octobre 2021
Adresse postale : Christian Grenier, BP 7, 24130 Le Fleix