Hommage à Raoul Dubois

     Tous les auteurs que j'ai eu au bout du fil m'ont répété la même chose, Raoul : Jacqueline et toi n'avez pas eu d'enfants et pourtant nous sommes tous orphelins.

     En mon nom, mais aussi, mais surtout au nom de tous les auteurs pour la jeunesse, j'aimerais t'adresser, Cher Raoul, un chaleureux, un fraternel hommage.

     Car si tu t'es investi dans mille et un domaines, l'un d'eux était la littérature.

     Une littérature jusqu'ici négligée, écartée, souvent méprisée et dont tu as, opiniâtrement, été le défenseur et l'interprète.

     Pendant plus d'un demi-siècle, tu as oeuvré pour cette littérature et tu l'as servie. Avec toutes tes qualités : la générosité, la passion, l'énergie.

     Pendant plus d'un demi siècle, tu as été son porte-parole et celui qui en a permis le prodigieux essor que nous connaissons. Au point qu'elle est aujourd'hui mieux que reconnue : recommandée par les instructions.

     A tes yeux, c'était là une mission : promouvoir la littérature jeunesse de qualité, celle qui ouvre les esprits au monde, celle qui rend à la fois critique et généreux. celle qui fait réfléchir, celle qui aide à grandir.

     Celle qui tente d'ouvrir de meilleurs avenirs.

     Car cette tâche n'était pas indépendante de toutes tes autres missions : militant, pédagogue, pionnier, avocat de la victime et de l'opprimé, tu l'étais également quand tu défendais le meilleur de cette littérature.

     Laisse-moi, Raoul, me souvenir...

     Il y aura bientôt quarante ans, quand je suis arrivé dans le collège où tu as presque toujours enseigné, c'est toi qui m'as accueilli et soutenu. Nous étions du même bord, et nous nous sommes reconnus. J'ajoute que tes collègues de Bolivar sont là, aujourd'hui.

     Quand j'ai osé te confier les textes que j'écrivais, c'est toi qui m'as encouragé.

     Quand j'ai commencé à être publié, c'est toi qui m'as montré la voie, une voie que d'autres avaient défrichée avant moi, d'autres qui s'appelaient Madeleine Gilard, Colette Vivier, Pierre Gamarra.

     Quand le CRILJ est né, tu en as été l'un des fondateurs.

     Quand la Charte des auteurs fut créée, tu étais encore là.

     Ces auteurs, à l'époque, ils étaient quelques uns.

     Aujourd'hui, ils sont près d'un millier. Si tu les connais presque tous, parce que tu les as lus, les plus jeunes d'entre eux ne t'ont jamais rencontré.

     Mais ils savent tout ce qu'ils te doivent.

     Et ils m'ont demandé de venir te dire merci.

     Merci, Raoul, de nous avoir donné l'énergie de cultiver l'utopie.

     Merci d'avoir fait de nous des auteurs qui passionnent des millions de jeunes lecteurs.

     Des auteurs qui ont fait leur l'un de tes mots d'ordre :

     Nous voulons inventer le bonheur.