La plupart des gens croient que le Périgord se limite à Sarlat et aux fameux sites préhistoriques et troglodytes. Quelle erreur ! Avouons-le sans ambages : le Bergeracois nous a séduits, ma femme et moi. Revenu d'un pays exotique où une quantité de serpents à sonnettes pullulaient sous des scolopendres velues, j'ai rejoint mon épouse à Paris, où, médecin de son état, elle soignait de subtiles acnés, des aphtes ténus et des pyorrhées aiguës. Nous nous sommes aussitôt offert un voyage pour le Périgord pourpre, et aperçus que Bergerac en était la capitale, ce dont nous nous étions toujours doutés. Après avoir déjeuné dans une crêperie, nous avons emprunté une gabarre. En naviguant sur ce bateau, nous avons fait la connaissance d'un résident de la région, un mycologue exubérant. Il nous a reproché de n'avoir pas encore goûté aux cèpes si succulents, dont le prix ici n'est pas si exorbitant. Il nous a expliqué que les champignons sont des végétaux cryptogames sans chlorophylle et que l'insecte du phylloxéra, au dix-neuvième siècle, avait causé aux vignes bien du dégât. *** Il nous a conduits sur les coteaux de Monbazillac dont les ceps étaient dépourvus de vermisseaux et de rhizoctones, ces champignons parasites qui provoquent de vrais stigmates sur les jolis pétales de certaines fleurs, notamment les cinéraires cendrées. Nous avons admiré le château où se sont succédé tant de siècles, où tant de nobles gens se sont autrefois côtoyés et aimés, mais où ils se sont aussi craints, déplu, détestés, haï, menti, trompé et nui, après s'être tendu de jolies chausse-trapes ! Ensuite, nous exhortant au repos, notre hôte nous a proposé de nous asseoir sous la véranda du restaurant et, tout en dînant à ses frais, de boire un cru fameux. Nous nous sommes laissé convaincre par cet amphitryon impromptu. Nous avons laissé errer nos regards sur le liséré des collines et nous avons été conquis. Des régions aimables, nous en avions certes déjà vu — mais aucune qui fût aussi accueillante, douce et riche. Nous avons alors décidé de venir vivre ici ! Christian Grenier
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