Ouh là là ! Quelle question difficile. Je n'aime pas classer les choses par genres parce qu'à trop définir ce qui va là ou là, on finit par exclure. En ce qui me concerne, j'écris et puis après si cela plaît, à l'éditeur de faire son métier, comme le dit souvent le courrier accompagnant les manuscrits, avec le même plaisir que moi j'ai eu à écrire ! Lorsque je lis des livres jeunesse, ce que j'aime, c'est la qualité, indéfinissable ci après, de l'écriture. J'ai souvent horreur des gros ou petits mots racoleurs qui reflètent soi-disant les pratiques adolescentes, souvent déjà obsolètes avant la sortie, dispensent de fabriquer en série un produit labellisé pour la jeunesse et concocté après étude du marché par les commerciaux, avec en prime un assortiment des courriers du coeur, des affaires de famille, des travers de la société, des catastrophes planétaires voire sanitaires sans oublier les monstres sanguinaires et autres tueurs en série. Comme le disait si justement Susie Morgenstern au Salon de Fougères de l'an 2000 : s'il vous plaît, laissez-nous écrire ! Mais pas n'importe quoi.
Moi, ce que j'aime dans la littérature, c'est qu'elle me fasse rêver, qu'elle me mette entre parenthèses du monde qui est le mien, en inventant justement, pas en me resservant mal ce que je vis mal ou bien ! Je suis prête à dormir dans les bas-fonds de New-York, à m'embarquer pour la planète X 213, ou encore à fuir la guerre ou le terrorisme à condition que j'y sois conviée. Si le livre me permet d'être acteur, d'imaginer, d'interpréter, de vivre, alors le texte devient pour moi un texte de plaisir ; peu importe à qui il est destiné sur la quatrième de couverture puisqu'il m'est destiné.
Un auteur a pour moi une responsabilité vis à vis du texte qu'il écrit. Il ne doit pas, sous prétexte conjugué de non-censure, d'imaginaire libéré, de provocation, de transgression et de ventes possibles à 2 millions d'exemplaires, outrepasser certaines valeurs éthiques en particulier celles du respect de la personne. Le récit ne doit jamais faire perdre au lecteur dit de « livres jeunesse », son statut du sujet en le prenant pour un objet de manipulation, de consommation, de fantasme, de marketing, de média, etc. S'il s'installe dans le thème abordé par le texte, une confusion entre le héros du livre et l'écrivain du dit livre, entre la fiction et la réalité, c'est peut-être parce que l'un et l'autre ont voulu trop séduire. Et chacun le sait, il y a des séductions qui ne tiennent jamais leurs promesses !