Qu'est ce qui caractérise un « texte jeunesse » ?
Les thèmes ? A mon sens, non. Et je ne crois pas qu'il soit souhaitable d'écrire autour d'un thème ( la drogue, le divorce, les gangs, les viols, les familles recomposées, la guerre, etc. ), sous peine de transformer son propos en un catalogue systématique des misères humaines, et de devenir très vite pesant et démonstratif.
Le vocabulaire ? C'est un point délicat et intéressant. Jusqu'à quel point doit on s'inspirer de la langue orale de nos lecteurs ? Trop peu, et ils risquent de ne pas se reconnaître dans les personnages. Mais si on donne à l'excès dans l'idiomatisme du moment, on court le risque de faire faux jeune, ou de se démoder à toute allure. Il faut donc arriver à recomposer une langue qui paraisse jeune, mais qui au bout de compte aura aussi peu de ressemblance avec le langage des cours de récréation que les dialogues de Giono avec le vrai parler des paysans provençaux.
L'écriture ? Oui, pour moi, il y a certaines contraintes de style qu'il faut impérativement respecter dans la littérature jeunesse
Tout d'abord, la rapidité. Pas question de laisser l'intrigue démarrer tranquillement, pas question de donner dans le « calme apparent sous lequel couve un orage qui n'éclatera qu'au chapitre 23 ». Je crois qu'il faut d'emblée entrer dans le sujet.
Autres contraintes : une relative simplicité d'intrigue, et pas trop de changement de narrateurs : nos jeunes lecteurs qui se repèrent aisément dans une intrigue de film totalement alambiquée sont complètement perdus lorsqu'on leur propose, par écrit, la même histoire trop tarabiscotée. Enfin, je crois qu'il est possible de tout aborder ( tous les fameux thèmes tels que mort, drogue suicide, sexualité etc... voir plus haut ) à condition de le faire avec tact, sans s'appesantir.
Je ne crois pas que mes romans pour adultes ( l'un est disponible aux Editions du Pilon ) soient écrits dans un style fondamentalement différent de celui de mes romans jeunesse. La différence principale, et c'est là pour moi que se situe la ligne de partage entre littérature adulte et littérature jeunesse, est que j'ai eu à coeur de faire en sorte que mes romans jeunesse se terminent bien. Sans donner dans la happy end genre meringue et chantilly, je crois qu'il est nécessaire, à l'âge de l'incertitude et de l'angoisse, de donner l'idée à des lecteurs adolescents que malgré les difficultés, la vie va de l'avant.