Presque par hasard.
Jusqu'à vingt-trois ans, j'ai continué d'écrire sur mes cahiers. Je ne les montrais qu'à ma femme et à quelques amis. Certains d'entre eux, séduits par ma récente Villa des saules, un roman policier, m'ont convaincu d'en tirer un scénario. C'est ainsi que nous avons tourné et sonorisé, avec une vingtaine de copains, un film d'amateur. Ceux qui ont participé à son tournage ont été les seuls à le voir et à l'apprécier !
Cette Villa des saules, un polar toujours inédit, date de 1966.
En 1968, Annette m'a offert une machine à écrire. Une petite Hermès portative, avec une méthode. J'étais ravi : pour la première fois, j'allais pouvoir taper mes textes à la machines ! Je venais de lire La nuit des temps de Barjavel. Annette, qui connaissait jusque là mal la SF, avait été impressionnée par ce récit — mais comme elle avait pleuré !
— Si c'est ça, la SF, m'a-t-elle dit, je n'en lirai plus jamais !
— Rassure-toi. Je vais t'écrire un roman de SF aussi beau que celui de Barjavel. Et il finira bien.
C'était plus facile à dire qu'à faire.
Je me suis mis au travail. Directement, en tapant sur le clavier de ma nouvelle machine.
Seulement voilà : je voulais absolument placer les doigts là où il fallait, afin de pouvoir, à terme, taper aussi vite qu'une secrétaire. Bien sûr, j'aurais dû commencer par apprendre, en me servant de la méthode, en consacrant des heures à des exercices. Hélas, il en était de la machine à écrire comme du piano. Si j'adorais composer, je détestais les gammes.
Les débuts furent laborieux. Pour écrire le C majuscule de Ce matin-là, il m'a fallu :
— dénicher la lettre c sur le clavier.
— repérer, pour frapper la touche c, quel était le bon doigt de la bonne main.
— constater que c'était un c minuscule et non pas majuscule.
— découvrir comment effacer une lettre et corriger une erreur.
— recommencer en me servant de la touche majuscule, ce qui mettait en oeuvre deux mains.
Bref, la première journée, je suis péniblement venu à bout d'une ligne de texte.
Chaque jour, en rentrant du collège où j'enseignais, je consacrais deux heures à l'écriture de mon roman. A la fin de la première semaine, je tapais une page par jour. A la fin du premier mois, une page à l'heure. Et sept mois plus tard, dix pages à l'heure. Comme une secrétaire. Et je mettais un point final à ce fameux roman de SF.