Critique

Bifrost
N° 18, mai 2000
Spécial Philip K. Dick


     L'entité identifiée sous le patronyme de Philip K. Dick (1928-1982) pourra-t-elle être un jour appréhendée dans sa globalité ? Il est permis d'en douter. Que paraisse un nouvel inédit du maître ou une nouvelle glose sur son œuvre, et voilà que les opinions précédemment entretenues sont chamboulées, que la remise en question s'impose. Etant donné que les œuvres complètes de Dick sont elles-mêmes placées sous le signe de la « multifocalité », il n'y a sans doute là rien d'étonnant.
     Venant après le mythique n° 7/8 de Science et Fiction et les Regards sur Philip K. Dick rassemblés par Hélène Collon, ce gros et beau numéro spécial de Bifrost s'affirme d'emblée comme indispensable. D'abord parce qu'il s'ouvre sur trois nouvelles de Michael Bishop, Paul Di Filippo et Michael Swanwick, inspirées de Dick (et inspirées tout court) prouvant, si besoin était, qu'un œil dickien est, sinon indispensable, du moins fort utile pour examiner notre réalité et notre fiction. Ensuite parce qu'Olivier Girard et ses complices, aux premiers rangs desquels on trouve notamment Pierre-Paul Durastanti et Gilles Goullet (webmestre du ParaDick, le meilleur site web sur Dick), ont eu la bonne idée de puiser à des sources fort variées pour composer leur sommaire. A la relecture, l'article fondateur de Gérard Klein, Philip K. Dick ou l'Amérique schizophrène (1969) apparaît bel et bien comme aussi intelligent que pertinent ; quant à l'étude narratologique de Laurent Queyssi, elle est tout bonnement magistrale. Mais toutes les contributions seraient à citer, de l'esquisse biographique de Gilles Goullet au panorama collectif des livres incontournables du maître (auquel ont participé, entre autres, Jacques Chambon et Pascal J. Thomas).
     En rencontrant les jeunes lecteurs de SF ou en recevant leurs lettres, on constate parfois qu'ils ont certaines lacunes, imputables à la rareté des ouvrages de référence ou à leur indisponibilité, conséquence fâcheuse d'une édition de plus en plus soucieuse de rentabilité immédiate. Ce numéro de Bifrost leur est donc vivement recommandé. Quant aux vieux de la vieille, à ceux qui pensent tout savoir de Dick, ils y feront aussi des découvertes.

     Paul Duval