Critique

Les Vagabonds du Rêve
N° 3, novembre 2001
Magie & Sorcellerie


     Ce troisième numéro des Vagabonds du Rêve est consacré aux célèbres duettistes : magie et sorcellerie. Après le second numéro d'Emblèmes composé sur les mêmes thèmes, on pouvait craindre les redondances. Il n'en est rien, les textes de l'un et de l'autre se révélant très différents, notamment par la place plus grande accordée à l'humour dans les Vagabonds.

     Dans « Ataraxie du néant », Thébaïde Thébaine nous présente un drôle de moine, mage à ses heures, contraint de jeter en catastrophe un sort comparable à l'un des miracles attribués à Jésus. Je vous laisse le plaisir de découvrir lequel mais rappelez-vous que de célèbres liqueurs proviennent des monastères...
     « La fée de Londres », de Philippe Heurtel, se servira de son pouvoir magique pour améliorer le sort d'une handicapée mais, on le sait, l'Enfer est pavé de bonnes intentions et la vie des deux protagonistes s'en trouvera irrémédiablement bouleversée. Un texte attachant.
     Avec « Souffrir c'est mourir un peu », Jean-Michel Calvez — remarqué notamment dans Ténèbres — nous apprend qu'il peut être dangereux d'effeuiller la marguerite sur les terres d'une sorcière acariâtre. Dans ce récit, la nostalgie de l'adolescence cède vite le pas à l'horreur.
     « L'hôte », de Malvert, se place sur le terrain de l'heroic fantasy mais ce n'est pas celle de Conan. Le héros n'est pas un barbare musculeux et triomphant, mais un triste soldat, fatigué, solitaire et oublié, qui depuis des années monte une garde inutile aux marches d'un empire dont il ne sait plus rien. Tout bascule lorsqu'il tire un étrange personnage des griffes de quatre soudards bien décidés à le tuer. Ce texte vaut plus par son ambiance très réussie que par son intrigue, somme toute assez prévisible.
     Martine Loncan, avec « L'amant de Madame la Rectrice », surfe sur la vague Harry Potter en plaçant son récit dans la cadre d'une école de magie dont le Recteur fait payer très cher aux étudiants son infortune conjugale. Ses collègues cherchent le moyen de redresser la situation et la loufoquerie des solutions envisagées fait tout le sel de cette courte nouvelle.
     Après avoir lu « Pour une poignée de Thuns » d'Eric Boissau, vous ne regarderez plus jamais de la même façon certains ornements de jardin. L'auteur introduit une pincée de fantasy dans notre monde moderne et nous livre un récit qui, s'il n'est pas dans la ligne Donjons & Dragons, est drôle et agréablement mené.
     Dans « Juste retour des chose », Antoine Lencou reprend à son compte une vieille lune des histoires de magie : le prix à payer pour s'attacher les services d'un sorcier. Il faut reconnaître qu'il s'en sort très bien en nous montrant que l'effet boomerang existe aussi dans ce domaine.

     Le chemin de traverse de ce numéro — c'est-à-dire un texte hors thème — est parcouru par Jean-Pierre Fontana avec « Le sourire de Mona Lisa ». On est ici en présence d'une longue nouvelle dans laquelle l'auteur pratique le mélange des genres — une habitude qui lui est chère. L'histoire démarre dans le registre SF en mettant en scène un groupe de scientifiques se livrant sur une jeune femme à une expérience dont les buts restent mystérieux, puis on bascule dans le fantastique lorsque les croyances de certaines tribus primitives prennent corps, à tous les sens du terme, et viennent tout remettre en question. Sans trop déflorer le sujet, rappelons que les membres de ces tribus pensent qu'être filmés ou pris en photo les ampute d'une partie de leur âme. Il semble que l'auteur a un peu fait l'impasse sur les aspects science-fictifs — à vrai dire peu plausibles — les considérant comme un simple point de départ, pour mieux se consacrer à l'aspect fantastique, beaucoup plus réussi.

     Vous ne perdrez pas votre temps en lisant cette anthologie très homogène dans laquelle, même s'il n'y a pas de chef-d'œuvre, aucun texte n'est à négliger.