Soumises au joug des extrémistes, les femmes n'ont pas un sort enviable sur la planète Kerphall. Elam, qui appartient aux modérés, arrache la jeune Sohane des griffes de la brute Tork et l'abrite momentanément chez lui. Sohane est prête à tout pour échapper aux fous de Dieu. Elle n'hésite pas à jouer les passagères clandestines lorsque Elam décide de partir dans l'espace afin de retrouver la planète Terre et ses trésors. Contraints de voyager ensemble alors que tout les oppose, Elam et Sohane s'entre-déchirent. Ils ignorent que des épreuves aussi extraordinaires qu'épineuses les attendent...
Critiques
En 2279, fuyant la guerre bactériologique qui a ravagé la Terre, les passagers d'un vaisseau spatial ont colonisé la planète New-Terrae. Les hommes ont pu y prospérer en s'imposant des règles strictes, mais lorsque, quelque cinq cents ans plus tard, les moeurs ont fini par se relâcher, quelques extrémistes religieux ont à leur tour quitté la jeune planète pour s'installer sur sa Lune, rebaptisée Kerphall. Au sein de cette communauté où la polygamie est la norme, les hommes observent à la lettre certains textes sacrés qui les incitent à dominer leurs femmes, y compris par la violence. Mais Sohane la kerphallienne n'entend pas demeurer soumise : « Je suis née pour être libre » répète-t-elle avec obstination...
C'est à un thème sensible que s'attaque Eric Simard avec Sohane l'insoumise, un thème qui au contraire de celui des chimères qu'il abordait dans Les Chimères de la mort puis L'Oracle d'Egypte n'a plus rien de science-fictif, même si le contexte est celui d'un space opera. L'oppression des femmes demeure en effet un sujet bien actuel, hélas, d'autant plus délicat à traiter qu'il peut toucher aux convictions religieuses. Simard l'a bien compris qui met dans un même sac la Bible et le Coran, montrant que dans toute religion, la citation sélective des textes permet toujours de justifier ses propres interprétations.
Entraînant Sohane et le kerphallien Elam vers la Terre des origines, Simard va inverser les rôles, au contact d'un peuple d'amazones, puis les rééquilibrer, chez des indiens Mik'wag. Un curieux itinéraire, car si la confrontation aux amazones est bien dans la logique du thème, on se demande davantage pourquoi l'auteur a choisi de mettre en scène des indiens ayant repris leurs traditions ancestrales. On en comprend l'importance dans le parcours singulier que suit Elam, mais ce choix peut entraîner une légère confusion et faire supposer que l'auteur attribue l'inégalité entre hommes et femmes aux civilisations technologiques et que le seul retour aux valeurs de l'harmonie naturelle et du chamanisme résoudrait ce problème.
A cette réticence près sur une conclusion qui s'éloigne peut-être un peu trop de la réalité d'un sujet grave, au risque d'en atténuer la portée, Sohane l'insoumise est un roman courageux doublé d'une aventure spatiale originale. A lire par filles et garçons, main dans la main.
Kerphall est un enfer pour les femmes. Soumises, elles doivent une obéissance aveugle aux extrémistes qui dirigent la planète. Mais Sohane ne compte pas vivre comme une esclave et se révolte... manquant de finir lynchée ! Heureusement pour elle, Elam, politiquement modéré, la sauve d'une mort certaine. Un jour, il trouve la possibilité de rejoindre la Terre de ses ancêtres. Sohane va s'inviter clandestinement à ce voyage. Mais l'un et l'autre n'auraient jamais pu prévoir ce qui les attendrait là-bas...
Impossible d'ignorer l'image-miroir que nous renvoie le livre d'Éric Simard de notre société actuelle. Le combat pour l'égalité qu'il exprime au fil des pages est des plus quotidiens, surtout en nos jours d'obscurantisme religieux et politique ; celui des femmes en particulier, cheval de bataille du roman, en est encore à ses balbutiements, et l'égalité vantée par certains n'est pas encore véritablement d'actualité, y compris dans nos civilisations occidentales dites « évoluées ».
Pour appuyer sa dénonciation, Éric Simard s'inspire (en gros) du schéma narratif de La planète des singes, qui mettait les bourreaux en lieu et place de leurs victimes. Ici, Sohane, l'insoumise au fanatisme de sa planète, se retrouve à un moment donné dans la caste dominante. Elam, quant à lui, qui est plutôt dans le camp des modérés, apprend par l'exemple ce que peut être la vie d'esclave.
Seulement, en tentant de retourner le problème dans tous les sens — voulant dire enfin que, quelle que soit la place où l'on se trouve, erreurs et travers ne sont jamais loin, et qu'il est bien difficile de reconnaître le juste à sa porte — , Simard brouille un peu trop les pistes. À sautiller d'un côté à l'autre, on a le mal de mer, on ne sait plus sur quel pied danser : qui a tort ? Qui a raison ? Personne, semble répondre l'auteur. Et pourtant certains... Parfois.... Mais pas toujours... Alors ?
De plus, l'héroïne joue tout à fait son rôle de révoltée. Un peu trop peut-être : elle réagit sans aucun recul, et sans jamais prendre le temps d'une once de réflexion. Cette insoumise paraît plus sauvage (au sens littéral) que révoltée et prête à défendre une cause — la seule qui lui importe étant la sienne. C'est une adolescente me direz-vous... Oui, avec tous ses travers, ce qui peut la rendre exécrable par moment, et diminue la portée de son combat. À dire vrai, on lui mettrait bien une baffe pour la calmer, parfois. Et finalement on ne ressent que compassion pour le personnage masculin ! Simard, à se vouloir trop féministe, aurait-il raté le coche ? Le livre, certes sympathique, n'est pas à la hauteur d'autres ouvrages de la collection « Autres Mondes », et pas vraiment non plus à la hauteur de la cause défendue... Mais ce n'est là qu'avis de mâle, n'est-ce pas ?