À LA RECHERCHE DE DIEU AUX MAUVAIS ENDROITS

 

     Le Tout-Puissant a quitté le paradis. Le révérend Jesse Custer, avec l'aide de sa compagne Tulip et de son meilleur ami, Cassidy le vampire irlandais, veut savoir pourquoi. Difficile cependant de retrouver le Seigneur, même pour quelqu'un dont l'âme a fusionné avec une entité surnaturelle quasi omnipotente, nommée Genesis. Pour retrouver la trace de Dieu, Jesse doit entrer dans sa propre tête pour y discuter avec son invité. Pour cela, une poignée de peyotl absorbé sous le ciel de l'Arizona semble l'idéal.

     Mais ce qui l'attend à Monument Valley est loin d'être aussi spirituel : un contingent entier de tanks de l'armée américaine, aux ordres de Herr Starr, le nouvel archipère du Graal. Décidé à contenir la puissance de Genesis à ses propres fins, Starr est prêt à se servir de tout ce que propose l'arsenal militaire américain pour soumettre Jesse... et aucun camp ne quittera le champ de bataille sans avoir subi de lourdes pertes.

 

     Guerre au Soleil est le sixième volume de la saga Preacher, l'un des comics les plus plébiscités des années 1990. Créée par le scénariste Garth Ennis et le dessinateur Steve Dillon, cette épopée moderne parle de vie, de mort et de rédemption mais aussi de sexe, d'alcool, de sang et d'armes à feu... sans parler des anges, des démons, de Dieu, des vampires et des cinglés en tout genre qui font de cette aventure l'une des plus viscérales jamais publiées. En bonus, cet album contient également les commentaires de Glenn Fabry, qui a peint l'intégralité des couvertures de la série.

 

     « Sacrilège, gore, drôle, politiquement incorrect, blasphématoire, imprévisible et clairement digne de Quentin Tarantino. »

— Le Toronto Sun

     Après les épisodes dédiés à Cassidy parus dans Les Enfants du Sang, ce sixième album de Preacher s'ouvre sur les épisodes consacrés à Starr issus du special américain One Man's War. Bref rapide de l'histoire, désormais un peu complexe : le Graal est une organisation mondiale dont le but est de provoquer l'Apocalypse pour faire régner le soi-disant descendant du Christ, une espèce de débile issu d'accouplements congénitaux (préservation de la lignée sacrée oblige). Starr, un chauve borgne psychorigide, figure parmi les plus importantes personnalités du Graal, mais il cherche à éliminer le simplet que son organisation protège afin de le remplacer par un messie plus crédible. La découverte de Jesse Custer, pasteur capable de parler avec une voix à laquelle on ne peut désobéir, attire un jour son attention, et il cherche par tous les moyens à faire de lui le nouveau messie du Graal. C'est donc l'histoire de Starr que le début de l'ouvrage s'emploie à nous conter, personnage jusque-là assez mystérieux et ambigu dont nous comprenons maintenant mieux le caractère et les motivations. Autant vous prévenir : Garth Ennis s'acharne avec un enthousiasme adolescent sur tous les symboles chrétiens (bien qu'il n'attaque pas ici directement l'Église, mais une secte imaginaire).

     La suite reprend le cours de la série régulière, avec les épisodes trente-quatre à quarante de Preacher. Le patriarche de l'organisation secrète du Graal est désormais mort, le descendant de la lignée sacrée également, et Starr a pris sa tête. Son objectif consiste toujours à capturer Jesse Custer pour en faire le messie d'un nouveau monde dirigé par le Graal. Pour cela, il va déployer les grands moyens en recourant à l'Armée américaine, et ainsi donner lieu à une bataille cataclysmique à Monument Valley, dans le désert de l'Arizona.

 

     Depuis la défaite du Graal face à Jesse Custer, on ne peut pas dire que l'intrigue de Preacher progresse beaucoup, et on est parfois tenté de se demander si Garth Ennis n'avance pas à l'aveuglette. On sent cependant sa volonté de faire évoluer l'histoire vers un genre de western moderne, avec l'utilisation du cadre désertique de Monument Valley où furent tournés les classiques de John Ford (on connaissait déjà le goût de l'auteur pour le genre, notamment par les apparitions régulières du spectre de John Wayne). Garth Ennis n'a rien perdu de son talent en matière de narration, de caractérisation des personnages, de dialogues et d'humour noir, mais on regrettera une tendance à faire évoluer la série vers une sorte de soap (le triangle amoureux Tulip/Jesse/Cassidy devient un peu pénible à la longue, et dévie du sujet principal). Jesse ne cesse de rappeler au lecteur qu'il souhaite en découdre avec Dieu, mais cette intrigue censée dominer le récit reste en plan depuis un (long) moment, au profit de sous-intrigues dispensables (même si, encore une fois, on ne s'ennuie pas).