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Album
Holy Terror (vo)
Série : Terreur Sainte    tome HS  Album suivant

Scénario : Frank MILLER
Dessins : Frank MILLER

Legendary Comics , septembre 2011
 
Cartonné
Format 240 x 310
Mixte
ISBN 9781937278007
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Quatrième de couverture
     THERE'S A DEADLY MENACE somewhere in Empire City and "The Fixer" only has until dawn to save his town... and civilization as we know it. Holy Terror chronicles this desperate and brutal quest of a hero as he forced to run dawn an army of murderous zealots in order to stop a crime against humanity.
     Empire City is in peril... and a whole lot of folks need killing.
    
     From the bestselling, critically acclaimed writer/artist Frank Miller, creator of Sin City, 300, and The Dark Knight Returns.
 
Critiques
     Retour en arrière. Septembre 2001 : comme tous les Américains et une bonne partie du monde, Frank Miller est traumatisé par les images des Boeings percutant les Twin Towers. Trois mois plus tard, dans le recueil d'illustrations commémoratif Heroes, on peut trouver Captain America, debout, brandissant son bouclier endommagé par deux trous symbolisant les tours jumelles, dans un dessin signé FM. « Patriote tardif », comme il se définit lui-même, Miller considère son pays en état de guerre et se range du côté du gouvernement de Bush Jr, prêt à organiser la contre-attaque.
 
     En 2006, il livre une déclaration controversée à la radio en comparant la guerre d'Irak à un combat de l'Occident contre une idéologie fasciste, et voit en l'Amérique un empire déliquescent trop complaisant face à la barbarie, condamné au sort subi par Rome. Quand il annonce, la même année, la préparation d'un « ouvrage de propagande » intitulé Batman vs Al Quaïda, dans l'esprit des épisodes de Captain America des années quarante où le super-héros affrontait Hitler, tout le monde se demande s'il s'agit d'une blague.
 
     2007 : l'adaptation cinématographique de son comic-book 300 (paru en 1998), où est relatée la Bataille des Thermopyles, quand une poignée de Spartiates repoussa plusieurs jours l'invasion perse, entretient et renforce la controverse, certains critiques voyant là une métaphore de la civilisation occidentale contemporaine (politiquement basée sur le modèle de la démocratie grecque) face à un empire perse violent, cruel, esclavagiste et conquérant (la Perse correspondant à l'actuel Iran).
 
     En septembre 2011, presque dix ans jour pour jour après les attentats de New York, paraît Holy Terror chez l'éditeur Legendary Comics, DC n'étant sans doute pas pressé de voir le Caped Crusader évoluer sur le terrain où Miller voulait l'amener (nous ignorons encore si un éditeur français s'est porté volontaire pour traduire le comic-book dans nos contrées, mais vu l'ampleur de l'événement c'est plus que probable). Miller nous dit enfin ce qu'il a sur le cœur et décharge dix ans de colère via le média qu'il maîtrise le mieux : les comics.

     Une fois n'est pas coutume, je critiquerai donc aujourd'hui un comic-book en vo. L'objet se présente sous la forme d'un album à l'italienne (format paysage, horizontal), tout comme 300. Frank Miller adopte le noir et blanc, comme dans Sin City, en l'agrémentant parfois de quelques touches de couleurs. L'ouvrage s'ouvre sur une citation en lettres énormes, capitales, blanches et rouges, sur deux pages : « Si tu rencontres l'infidèle, tue l'infidèle — Mahomet. » Bon. Si on doutait encore du caractère polémique de l'œuvre, nous voilà fixés1. Fixer, c'est d'ailleurs le nom du super-héros de Miller, un ersatz de Batman puisque, rappelons-le, au départ, l'auteur souhaitait faire de cette histoire une aventure de l'homme chauve-souris. On perçoit ainsi, tout du long, le léger travail d'adaptation effectué, si transparent que seuls les noms semblent changés.
 
     - Attention, la critique a été écrite « à chaud », et dans la limite de ma compréhension de la langue de Shakespeare (niveau « bien, mais peut mieux faire ») -
 
     L'histoire débute avec la fuite d'une femme-chat qui, après avoir dérobé un bracelet en diamants, est poursuivie par le Fixer. Première impression : c'est beau. Graphiquement digne des meilleurs Sin City. Miller insuffle à son trait une énergie, une rage qui traverse violemment ses cases sous la forme d'une pluie transversale omniprésente, tout en représentant ses personnages dans des positions impossibles sous des angles improbables, en nous faisant oublier le gloubi boulga indigeste de son DK2. On retrouve d'ailleurs nombre des gimmicks récurrents dans son œuvre (la pluie blanche sur fond noir de Sin City, mais aussi une narration à la première personne, la répétition des mêmes phrases...). Passée la poursuite, Batman et Catwoman — pardon, le Fixer et Cat Burglar — se trouvent et s'en mettent plein la tronche au cours d'une espèce de combat SM dans la plus pure tradition super-héroïque. Miller est en colère. Miller se déchaîne.
 
     Il existe plusieurs façons d'interpréter cette scène — car, bien sûr, cette œuvre est pensée, Miller a pris dix ans pour la méditer. En voici une, elle vaut ce qu'elle vaut : deux personnages, deux Américains, un homme et une femme, se poursuivent puis font l'amour dans une relation passionnelle, dans l'esprit « Je t'aime moi non plus », après un combat franc et viril. Puis leur petit jeu est interrompu par une explosion de clous, une intervention extérieure, un acte sournois. La fête est finie, on sort du cadre d'un divertissement de culture populaire. Les deux héros ne comprennent pas, ils n'ont pas l'habitude, n'imaginent même pas que l'on puisse se battre de la sorte. Que représentent ces deux personnages ? Républicains et démocrates ? Conservateurs et progressistes ? Toujours est-il que les méthodes de l'ennemi extérieur diffèrent des leurs, l'« american way of fight » héritée du far-west, la bonne vieille baston virile et cordiale. Dès lors, il ne s'agit plus de jouer, mais d'affronter ensemble un ennemi commun. Un ennemi invisible.
 
     « Empire City. USA. Il fait froid. Cette ville est froide et humide et bruyante et si fière d'elle.
     Empire City. Froide. Humide. Bruyante. Prétentieuse. Arrogante. Toujours à vouloir être plus forte, plus grande, comme un troupeau de robots fous. S'élevant toujours.
     Ses tours crèvent le ciel comme des poignards aiguisés pointés sur les yeux de Dieu.
     Empire City.
     Amérique. »
 
     Empire City, c'est — vous l'aurez compris — New York. Dans ce monologue, Miller adopte le point de vue terroriste dans ce qui ressemble à une surprenante auto-critique de son pays, une volonté d'essayer de comprendre les motivations de l'ennemi. Cette diversification des points de vue, étant donné le sujet, relève d'une certaine audace, et on retrouve aussi cette témérité sur le plan formel, Miller s'autorisant des expérimentations tout à fait étonnantes, comme des pleines pages sans texte ou des cases vides symbolisant les victimes des attentats...
 
     En fin de compte, il est très difficile de critiquer Holy Terror. Alternant simplisme et démagogie avec des images invitant à la réflexion, justifiant l'usage de la torture, faisant intervenir un agent israélien dans la lutte contre les terroristes, ouvertement islamophobe, Holy Terror relance un débat : peut-on apprécier une œuvre idéologique et propagandiste pour ses qualités artistiques ? Car formellement, Miller est au sommet de son art, et c'est un peu le problème : Holy Terror n'est pas une œuvre bâclée écrite en un mois. L'auteur a pris dix ans pour la préparer, le texte et les dessins sont appliqués, et son ambition est claire : contribuer à la guerre sur le terrain des comics. Le quatrième de couverture est d'ailleurs éloquent...
 
     « UNE MENACE MORTELLE se trouve quelque part à Empire City, et avant l'aube le « Fixer » doit sauver sa ville... et la civilisation telle que nous la connaissons.
     Holy Terror chronique cette quête brutale et désespérée d'un héros contraint à pourchasser une armée de fanatiques meurtriers afin d'empêcher un crime contre l'humanité. »
 
     Tout est résumé : une course contre la montre, une fuite en avant soldée par un règlement de compte fantasmé, à l'image des blockbusters américains des années quatre-vingt où le héros réglait leur sort aux communistes après l'échec du Vietnam. Bref : une oeuvre revancharde. À vous de vous faire un avis (Holy Terror est disponible en VPC chez Book Depository). Le premier amendement américain garantit la liberté d'expression, Frank Miller pourra en témoigner. Reste à savoir si l'ouvrage paraîtra un jour en France sans provoquer de polémiques.
 

Notes :

1. Ce d'autant plus que l'ouvrage est dédié à Théo Van Gogh, assassiné en 2004 par un islamiste.

Références :

Article Wikipédia
Frank Miller - Urbaines Tragédies de Jean-Marc Lainé, éd. Les Moutons Électriques

Florent M.          
06/10/2011          


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