« — On ne rigole plus tellement ces temps-ci.

     — Et tu te demandes pourquoi ? Le Comédien est mort.»

 

     Cela n'a rien d'un scoop. Tous les lecteurs de comics le savent depuis 1986 : le Comédien est mort. Et son décès allait entraîner une véritable révolution dans le monde de la bande-dessinée, pas seulement américaine mais aussi internationale, et même, n'hésitons pas : dans l'ensemble de la pop-culture. Car il existe un avant et un après Watchmen. Alan Moore fit définitivement entrer le média dans une phase de maturité, osant un ton plus adulte et une narration éclatée, abordant une vision de la société sous différents points de vue jamais manichéens, donnant vie à des personnages résolument humains. Les super-héros devaient ainsi descendre de leur piédestal pour connaître les tracas quotidiens du quidam, entre frustration et ennui. Mais j'ai déjà eu l'occasion de vous relater tout cela en long, en large et en travers via ma première critique. Consacrons-nous donc à la forme.

 

     Cela ne vous aura pas échappé, Dargaud s'est porté acquéreur du droit de distribution des ouvrages DC en France, jusque-là détenu par Panini. Avec Watchmen, première de ses publications à voir le jour, Dargaud a décidé de frapper un grand coup en utilisant un chef d'œuvre unanimement reconnu pour faire savoir qu'un nouveau shérif arrivait en ville. Bien entendu, cette édition n'est pas la première. Depuis l'édition Zenda, beaucoup se sont succédées, jusqu'à la dernière en date sortie chez Panini sous différents formats plus ou moins luxueux (et chers). Il faut ici préciser que la traduction initiale de Watchmen, assurée par le romancier Jean-Patrick Manchette et considérée comme aussi fidèle que possible, ne fut pas conservée dans les éditions Panini parues à l'occasion de la sortie du film (cf. critique), à la grande déception des fans français de l'œuvre. Les responsables d'Urban Comics, par bonheur, ont compris qu'il y avait là matière à combler les frustrations en faisant de la traduction le point d'orgue de leur édition. Disons-le tout net : la reprise de la traduction de Manchette, sans même avoir l'ouvrage entre les mains, justifiait à elle seule la republication de Watchmen.

 

     Après m'être porté acquéreur dudit ouvrage, je peux toutefois l'affirmer : cette qualité n'est pas la seule. Le livre se présente comme une intégrale à couverture rigide, agrémentée de bonus, sans pour autant que le prix (35 euros) ne soit dissuasif. Le papier mat utilisé, agréable au toucher, rend bien les couleurs, tout en permettant un prix accessible (je préférerai toujours ce genre de papier au papier lisse et ses couleurs trop vives). Mais cela n'est pas tout. Urban Comics enfonce le clou en intégrant les trente pages de bonus de l'édition Absolute, bourrées de postfaces, croquis et couvertures originales. Les promesses sont donc tenues : cette édition, si vous ne possédez pas la Delcourt ou les Zenda, est la meilleure en date, à moins que vous ne préfériez le papier lisse, seule différence notable.