Il y a pratiquement un an paraissait aux USA Holy Terror. Dans la critique de la vo, je m'interrogeais alors sur une éventuelle parution en France de l'œuvre polémique. C'est aujourd'hui chose faite, et pas chez le premier éditeur venu puisque Delcourt s'attelle à la tâche. Prévue depuis plusieurs mois, cette sortie semble tomber au pire moment étant donné l'actualité...
Un bandeau rouge sur la couverture mise clairement sur la popularité de Frank Miller, non pas auprès du lectorat des comics déjà acquis mais du grand public, vu la mention des œuvre adaptées sur grand écran ( 300 et Sin City). Même couverture, même format (un choix différent paraissait difficile...), reste à voir si la traduction est édulcorée. Chose heureuse : cette dernière n'est pas assurée par « n'importe qui » mais par Jean-Marc Lainé, auteur d'un ouvrage sur Frank Miller paru aux Moutons Électriques. Or sa traduction, très bonne (il est difficile de traduire l'argot et le style hachuré fait de phrases courtes de l'auteur) — bien que je tique un peu sur les noms des héros (« l'Arrangeur » et « Chat-pardeuse ») — me permet de constater un peu mieux à quel point Frank Miller lâche la rampe (narrativement et graphiquement) au fur et à mesure de son récit.
Totalement déchaîné, l'auteur « oublie » d'encrer ses dessins, passe du coq à l'âne dans un maelström décousu en faisant sauter ses personnages d'un décor à l'autre ou en faisant intervenir un agent israélien nommé David au visage tatoué d'une étoile... de David. Bref, tout s'entrechoque et s'amalgame dans une fureur maîtrisée dans les premières pages, mais out of control dans la deuxième partie de l'ouvrage. D'ailleurs, Miller annonce la couleur « Il m'emmène (David) dans une vieille usine rouillée, et les choses deviennent vraiment dingues. ». Et en effet, l'« intrigue » sombre alors dans un délire paranoïaque total où Miller imagine des mosquées décorées avec des têtes de dinosaures et des cases roses.
Je ne changerais pas un mot de ma critique de la vo : Terreur Sainte reste toujours aussi beau et puissant dans sa première partie, mais Frank Miller fait peur quand il s'énerve ou s'amuse — on ne sait pas trop — sur un sujet dont il ne connaît pas grand chose, en imaginant les terroristes islamistes comme des méchants de comics. Miller n'est pas le premier à s'aventurer ainsi dans les sables mouvants de l'idéologie politique (souvenons-nous de Mark Waid et du Dr Fatalis cachant des armes de destruction massive en Latvérie, ou Rob Liefeld et ses Youngblood tuant Saddam Hussein), mais aucun ne sera allé si loin dans une approche aussi directe d'un sujet aussi complexe et délicat. A vous de juger, si le cœur vous en dit.
Notes :
1. NDA : vous pourrez trouver mes arguments dans un article de 20 Minutes paru aujourd'hui (et que je n'ai pas encore lu).
Florent M. 28/09/2012
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