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Album
Watchmen (éd. Panini, coll. DC Absolute)
Série : Watchmen / Les Gardiens    Album précédent tome HS  Album suivant

Scénario : Alan MOORE
Dessins : Dave GIBBONS
Couleurs : John HIGGINS

Panini Comics , coll. DC Absolute, octobre 2007
 
Cartonné
Format 260 x 170
464  pages  Couleurs
ISBN 978-2-8094-0102-8
 
Quatrième de couverture
     Watchmen, la plus belle production DC de tous les temps, dans la collection ABSOLUTE qui vous propose les 12 chapitres de la maxi-série orchestrée par Alan Moore et Dave Gibbons.
     En supplément, des couvertures inédites, des croquis et des textes d'Alan Moore jamais publiés jusque-là.
 
Critiques
     Watchmen est apparu sur les étals des comics shops américains entre 1986 et 1987. Reagan  est alors président des USA, l'URSS occupe l'Afghanistan et Madonna est en tête des charts. Alan Moore, quant à lui, est lié par contrat à DC : l'éditeur américain vient de confier au scénariste anglais le scénario de La Créature du Marais (Swamp Thing), après avoir été impressionné par la qualité de sa prose déjà reconnue dans le milieu des comics britannique. DC s'est tout juste porté acquéreur du catalogue de Charlton Comics, éditeur mythique ayant révélé bon nombre d'auteurs comme Steve Ditko, le père de Spider-Man. Libre de mettre en scène des personnages tombés dans l'oubli, Moore saisit l'opportunité d'expérimenter une nouvelle approche des comics en se posant la question : « Et si les super-héros avaient réellement existé ? »
     Pour cela, il souhaite projeter des héros de l'après-guerre (ceux de Charlton Comics) dans notre monde moderne, afin d'aborder le genre sous un nouvel angle en supposant ce que pourrait être la vie d'un héros fatigué dans un contexte actuel et réaliste fait de solitude, de frustration et d'ennui. DC souhaitant exploiter davantage les personnages achetés à Charlton Comics, Moore ne peut toutefois en faire ce que bon lui semble (c'est-à-dire en tuer certains). Pour contourner le problème, l'auteur décide de s'inspirer de ces héros en créant les Watchmen, afin de pouvoir leur faire subir le sort qu'il lui plaira.
     Logiquement, la société moderne à laquelle Moore compte livrer ses héros n'est pas tout à fait identique à la nôtre, puisqu'il imagine un monde uchronique transformé par les changements qu'impliquerait l'existence d'un être doué de pouvoirs illimités (le Dr Manhattan). En outre, la menace d'un conflit nucléaire n'étant pas écartée dans les années quatre-vingt (ni aujourd'hui, d'ailleurs...), l'auteur veut proposer une réflexion sur le danger atomique, et jauger l'influence géopolitique que pourrait avoir ce dieu à visage humain sur l'avenir du monde. Rien que ça.

     Dans Watchmen, la chronologie des événements qui nous sont familiers change à partir de la fin des années trente, où des policiers américains décident de se costumer, à l'image des gangs, pour combattre le crime en impressionnant les délinquants. Il s'agit là d'une référence à la naïveté de l'âge d'or : notons que, dans l'histoire des comics, les premiers super-héros sont apparus à la même époque. Chez Moore, les super-héros existent donc dans la réalité et, par conséquent, les comics à base de super-héros n'existent pas (ils sont remplacés par des BD de pirates).
     En 1959, l'apparition d'un être doté de pouvoirs (le Dr Manhattan) suite à un accident de laboratoire donne une nouvelle dimension aux héros costumés et change le cours de l'Histoire, car sa puissance permet aux USA de gagner la guerre du Vietnam en l'espace d'une semaine (dans notre réalité, c'est aussi l'époque du renouveau des éditions Marvel grâce à Stan Lee et Jack Kirby, avec la création de super-héros doués de pouvoirs de nature atomique).
     En 1963, Kennedy est assassiné par un watchman, le Comédien.
     En 1969, Nixon est élu président.
     Lorsque l'histoire débute, Nixon vient d'être réélu (l'affaire du Watergate est restée secrète et il n'a pas eu à démissionner en 1974), et il est bien décidé à suivre l'URSS dans la folle course à l'armement engagée entre les deux pays. Le mouvement pacifiste des années soixante est sévèrement réprimé, et les abus de certains super-héros (notamment du Comédien) finissent par provoquer leur  impopularité et leur interdiction par la loi Keene en 1977. Dans les années quatre-vingt, le monde se retrouve sous la menace imminente d'une guerre nucléaire totale entraînée par un président va-t-en-guerre mis en confiance par son arme ultime, le Dr Manhattan, aux ordres du gouvernement, pendant que la dernière génération de super-héros se voit contrainte au chômage, à la retraite, à la folie ou à la mort.
     Dernier parallèle avec l'histoire des comics : l'intrigue se déroule en 1985 et nous présente le retour sur scène des derniers Watchmen qui, pour l'occasion, sortent de leur retraite, alors que paraît en 1986 Batman : the Dark Knight Returns, dans lequel Batman reprend du service après des années d'inactivité (le premier épisode de Watchmen fut publié quelques mois après le dernier de Batman, Alan Moore en avait sûrement connaissance). Le comic-book retrace donc trois grandes périodes du genre, à travers l'évolution de ses super-héros.
 
     Dans la mesure où il semble difficile d'aborder une oeuvre aussi riche que Watchmen, reconnue encore aujourd'hui comme la pierre angulaire des comics modernes qui aura « inspiré » tant d'œuvres (Rising Stars, Heroes...), je vous propose de suivre ici la même démarche que l'auteur en exposant, un à un, les protagonistes de l'histoire et leur personnalité, qui représentent autant de points de vue et d'approches philosophiques sur la vie et le monde. Soyez prévenus : ce qui suit dévoile une grande partie de l'intrigue.
 
 
Rorschach
   
 
  Le premier personnage à nous être présenté est Rorschach. Il est masqué, et nous découvrirons son visage bien plus tard (l'auteur s'amuse cependant à nous le dévoiler dès la quatrième page, où il se promène dans la rue avec une pancarte proclamant « La fin est proche ! »). Pour l'instant, sa présence est implicite, limitée à un extrait de son carnet de bord, qu'il tient à la manière du journal de guerre du Punisher : il n'est encore qu'un spectateur prenant connaissance des événements, comme le lecteur, qui doit s'identifier à lui. Son style ne s'embarrasse pas de sujets, d'articles ou de concordance des temps : il se contente d'enfiler des affirmations péremptoires à la manière d'un télégramme. Ce monologue, placé en ouverture pendant que l'enchaînement des cases « remonte » en partant d'un badge-smiley ensanglanté échoué dans le caniveau (à la façon d'un travelling arrière vertical), est l'occasion de comprendre le point de vue conservateur de Rorschach sur la société américaine et son dégoût envers ce qu'elle est devenue. On perçoit dans son propos une névrose très profonde, liée à son vécu, provoquée par la supposée décadence morale de l'humanité.
     Le personnage de Rorschach, dans l'univers des super-héros, appartient à la catégorie des « vigilantes », tout comme Batman et le Punisher. D'une nature psychorigide, traumatisé par  plusieurs drames, il ne possède aucun pouvoir et vit la nuit, où il mène ses enquêtes. Son apparence évoque un des personnages de l'éditeur Charlton Comics : la Question. Sa panoplie de vigilante est caractérisée par un imperméable, un chapeau et, surtout, par une absence de visage. Ou plutôt, par un masque blanc et noir inspiré du test psychiatrique de Rorschach dont il tire son nom, et où s'affiche une tache noire dont la forme change continuellement ; une manière pour l'auteur de nous dire qu'il ne le juge pas, et que le lecteur peut voir en lui ce qu'il souhaite (un fasciste ou un justicier) : le processus d'identification s'en trouve ainsi renforcé. On retrouvera cette complexité, cette absence de manichéisme chez l'ensemble des personnages dépeints par Moore, dont aucun ne peut être qualifié de « bon » ou de « méchant » : bien qu'il voit le monde en noir et blanc, Rorschach n'en reste pas moins un être ambigu que l'on se prend parfois à comprendre.
     Rorschach considère son surnom comme son véritable nom, et son masque comme son véritable visage. Il a renoncé à son identité, qu'il déteste (la Question, lui, changeait de visage en fonction des enquêtes). Nous apprendrons, après son arrestation, et au cours d'entrevues avec un psychiatre qui deviendra fou à son contact (pour avoir trop « regardé dans l'abîme »), les événements qui l'ont amené à cette détestation de sa personne et du sexe, ainsi que son attachement au président Truman (qu'il identifie à son père disparu) et à des valeurs conservatrices, voire réactionnaires.
     Sa violence, son odeur nauséabonde (il ne se lave pas) et sa voix monocorde le rendent antipathique aux yeux des autres héros.
 
 
Le Comédien (the Comedian)
 
 
     Le second super-héros à entrer en scène est le Comédien, après une chute mémorable de trente étages. Sa présence plane sur l'ensemble de la BD à travers des flash-backs mais il ne sera pourtant qu'évoqué, car il est mort avant même que l'histoire ne débute, et toute l'intrigue tient au mystère de son exécution. Particulièrement cynique, le Comédien était également un homme extrêmement lucide qui, prenant le monde pour ce qu'il est, appréhendait la vie comme une farce (d'où son surnom et le badge-smiley qu'il aimait arborer). Une cicatrice tracée sur son visage lui confère un rictus permanent, à la manière du Joker.
     Totalement dénué de morale, il abordait donc la vie sans retenue, violant et tuant à l'envie (notamment pendant la guerre du Vietnam). Il n'est donc pas étonnant que l'on ait porté atteinte à sa vie, mais il est plus surprenant qu'un homme de sa force ait été soulevé à bout de bras et projeté à travers une vitre. Pourtant, personne ne porte vraiment d'attention à sa mort si ce n'est Rorschach, bien décidé à mener l'enquête.
     Le Comédien était le seul personnage, avec le Dr Manhattan, à être autorisé par le gouvernement (qui l'employait) depuis l'amendement de la loi Keene.
 
 
Le Hibou (Nite Owl)
 
 
    Vient ensuite le Hibou, personnage réservé, timide, riche scientifique (comme Reed Richards, des Fantastiques) mis à la retraite par la loi Keene. Chaque semaine, le Hibou rend visite au premier Hibou, un vieillard qui ressasse le « bon vieux temps ». C'est ici l'occasion pour Moore de nous faire ressentir l'atmosphère nostalgique, désenchantée, désabusée dont est empreint Watchmen. Le Hibou incarne le héros frustré, dépassé par les nouveaux temps, relégué au placard, à l'image de son costume poussiéreux. Il lui faudra rencontrer une femme (Laurie, ex-super-héroïne et elle-même fille d'une super-héroïne) pour retrouver la passion d'antan qui lui permettra de revenir en jeu.
     Rorschach vient voir le Hibou, son ancien partenaire, pour lui faire part de ses craintes : il soupçonne le tueur de vouloir abattre les derniers héros, qu'ils soient à la retraite ou non.
 
 
Dr Manhattan
 
 
     Après avoir mis en garde le Hibou, Rorschach part à la rencontre du Dr Manhattan, qui vit en compagnie de Laurie (Spectre Soyeux II, fille de la première du nom, donc). Nous comprenons alors que Rorschach sert de fil rouge à l'auteur, qui l'utilise afin de nous faire découvrir tous ses personnages un à un. Le couple habite dans une base militaire nommée le Rockfeller Center, dont le logo est une bombe à l'aspect étrangement proche du sigle de Superman... Le Dr Manhattan, seul être doué de pouvoirs dans Watchmen, est l'équivalent d'un dieu (son apparence, sa nature et son goût pour la philosophie nous évoquerons volontiers le Surfeur d'Argent) : il joue le rôle d'arme de destruction massive et de menace dissuasive pour les USA, qui ont gagné la guerre du Vietnam grâce à lui (rappelons-le : nous sommes dans les années quatre-vingt, mais dans un passé alternatif). Il incarne la découverte de l'énergie atomique et toutes ses inventions ont fait progresser la technologie des États-Unis (d'où son surnom tiré du Projet Manhattan, en référence à la confection de la première bombe A).
     Depuis l'accident ayant fait de lui ce qu'il est, un deus ex machina (« dieu issu d'une machine », et qui renvoit à bon nombre de super-héros ayant obtenu leurs pouvoirs par irradiation), le Dr Manhattan a pris l'apparence d'un être glabre à la peau bleue habitué à se présenter nu, le symbole de l'hydrogène gravé sur le front. Tout lui est possible, ce qui l'amène à regarder le monde avec un certain détachement ; il peut observer les particules élémentaires comme une horlogerie dont il verrait les rouages, et dont chaque incident est lié à une conséquence... Pour lui, passé, présent et futur ne font qu'un, et ses capacités le rendent extrêmement cynique. Détail d'importance : avant de devenir un physicien nucléaire, Manhattan voulait être horloger, comme son père (en anglais, « watch » signifie « montre », mais aussi « surveiller » : Alan Moore joue beaucoup sur ce double sens). Peu à peu, sa froideur apparente l'éloigne de sa compagne, Laurie, qui éprouve de plus en plus de mal à le supporter et qui cherchera bientôt un peu de chaleur humaine auprès d'un autre homme (le Hibou), ce que n'est plus Manhattan depuis longtemps.
     Dans la mesure où tous les anciens super-héros sont menacés par un tueur, comme le croit Rorschach, le Dr Manhattan semble le seul impossible à vaincre.
 
 
Ozymandias
    
 
     Enfin, Rorschach rencontre Ozymandias, « l'homme le plus intelligent du monde », un milliardaire vivant du business des produits dérivés de sa personne, passionné par la mythologie égyptienne. Ozymandias possède une base en Antarctique, semblable à la Forteresse de Solitude de Superman. Contemplatif, désabusé, il nous laisse à penser que les seuls héros costumés encore habités par la passion sont Rorschach et Laurie, le Comédien étant mort.
     Personnage peu développé (jusqu'au dernier chapitre), nous le verrons néanmoins échapper de peu à une tentative de meurtre.
 
     Les présentations faites, Alan Moore peut se consacrer au propos de son œuvre : cet assassinat, qui va bientôt tourner à la série de disparitions, marque en fait les différentes étapes d'un compte à rebours vers l'Apocalypse provoquée par une guerre nucléaire entre les USA et l'URSS. Cette catastrophe imminente ne cesse de nous être rappelée par des détails disséminés dans chaque case (à commencer par la trace de sang sur le badge du Comédien, qui représente une aiguille sur un cadran). En outre, par ces meurtres, Moore affiche clairement son intention de décimer les super-héros d'une époque révolue afin de faire entrer les comics dans une nouvelle ère, moins naïve et plus réaliste.
     L'hécatombe continue donc : le Dr Manhattan apprend qu'il est à l'origine de multiples cancers survenus chez ses proches et décide de s'exiler sur Mars, Rorschach est accusé d'un crime et incarcéré... La liste s'amenuise, ne restent en course que le Hibou, Laurie et Ozymandias. Mais pourquoi les Watchmen sont-ils éliminés ? Quel est donc le lien entre eux et l'approche de la fin du monde ? Dans la mesure où le Dr Manhattan servait d'arme dissuasive aux USA, et que son départ a entraîné l'invasion immédiate de l'Afghanistan par les Russes, nous devinons le plan de déstabilisation dissimulé derrière cette offensive contre les héros costumés.
     Pendant ce temps, une relation très intime (et d'une étonnante crédibilité) se noue entre le Hibou et Laurie, deux individus rongés par la solitude. C'est l'occasion pour eux de constater que le seul moyen de retrouver leur passion d'antan est de revêtir leur costume et de patrouiller la nuit : on en revient à cet omniprésent sentiment de nostalgie, de passion perdue depuis l'interdiction des héros costumés. Cette vadrouille nocturne prend d'ailleurs des allures de substitut à l'acte sexuel quand, après avoir sauvé les occupants d'un immeuble en feu, le Hibou fait l'amour à Laurie (dans la scène précédente, il se montrait impuissant : il était encore habillé en civil...). Notons au passage que Moore semble beaucoup s'amuser avec la métaphore de l'incendie qui habite Laurie, et du déferlement liquide qui vient l'éteindre lorsque le Hibou fait exploser une citerne d'eau posée sur le toit avant de conclure sur un long jet de feu projeté par le vaisseau... En outre, cette scène fait suite à une bagarre entre le Hibou, Laurie et une bande de punks, où l'affrontement était une évidente métaphore d'un acte sexuel. Ici, la métaphore se voit concrétisée.
     Le Hibou prend ensuite son destin en mains, et décide de faire évader Rorschach (qui compte déjà trois meurtres de détenus à son actif). Ils vont tous deux poursuivre l'enquête, pendant que Laurie mène une conversation philosophique avec le Dr Manhattan (sur Mars !) en essayant de le convaincre de sauver l'humanité.
 
     Tout cela nous mène, après une petite longueur et quelques facilités, il faut bien le dire (l'histoire des pirates, le duo Hibou/Rorschach, la découverte du mot de passe et le voyage en Antarctique) vers la base d'Ozymandias. La révélation est proche, ainsi que la réponse à la question centrale du récit. Visiblement très marqué par Hiroshima, et par la menace d'une guerre nucléaire pendant la guerre froide, Alan Moore se pose la question suivante : est-il juste de sacrifier une population pour éviter une guerre qui causerait plus de morts ? La décision de Truman était-elle la bonne ? Nous comprenons alors que ses super-héros, ses références, tout cet apparat nostalgique n'étaient en fait là que pour servir ce propos, ce thème du danger nucléaire et de la « gestion » de l'humanité par les hommes qui nous gouvernent.
     Nous savons, depuis la découverte de ses fichiers informatiques par le Hibou, qu'Ozymandias est derrière la conspiration. Sa vie, ses motivations et ses projets nous sont alors dévoilés : admirateur d'Alexandre le Grand, il a toujours souhaité suivre ses pas. Doué d'une intelligence supérieure, il avait anticipé les événements actuels et prépare, depuis dix ans, un plan complexe destiné à éviter une guerre mondiale. Nous découvrons alors la nature de ce plan, qui nous fait immédiatement sortir du cadre réaliste voulu par Alan Moore pour plonger dans le plus pur esprit comic-book : Ozymandias souhaite stopper l'escalade belliqueuse entre les USA et l'URSS en les opposant à une menace commune. Pour cela, il a conçu génétiquement un monstre aux allures lovecraftiennes pour le téléporter en plein New York, en sachant qu'il exploserait à son arrivée (contrairement au Dr Manhattan, la science ne maîtrise pas encore totalement la téléportation) ; doté du cerveau d'un médium, le monstre est censé provoquer une onde de choc aussi bien matérielle que mentale, anéantissant la moitié de la population de New York. Avant cela, Ozymandias a dû se débarrasser du Comédien qui avait découvert le pot aux roses, du Dr Manhattan dont la puissance présentait un facteur imprévisible trop important pour son plan, et de Rorschach qui enquêtait de trop près sur ses affaires.
     Le Hibou, comme le lecteur, ne croit pas à cette révélation, tout simplement parce qu'il se positionne d'un point de vue réaliste (jusque-là, le Dr Manhattan et quelques détails, comme le lynx ou Ozymandias arrêtant les balles, étaient les seuls éléments non plausibles de l'œuvre, qui demeurait assez crédible). Pourtant, Alan Moore semble vouloir nous dire « Vous lisez bien un comic-book, dans la tradition des comics avec leurs héros, leurs scientifiques, leurs méchants mégalomanes et... leurs monstres géants. Je ne renie rien de l'héritage de ces BD fantaisistes : en définitive, Watchmen n'est pas une œuvre cynique ». Le monstre « existe » donc bel et bien, et un carnage a eu lieu à New York. Aussitôt, les pays du monde s'unissent contre cette menace commune et le risque de guerre nucléaire cesse. Les héros, tous réunis, doivent se rendre à l'évidence : Ozymandias avait raison. Un seul refuse de l'admettre, Rorschach, résolu à ne jamais faire de concessions, veut faire part au monde de la vérité... Curieux comportement pour un personnage qui, dès la première page, avouait son admiration pour Truman, un homme ayant ordonné le largage de la bombe A sur Hiroshima en mettant du même coup un terme à la guerre ! Oui, mais voilà : ce que Rorschach n'admet pas, c'est le travestissement de la vérité. Peu lui importe les morts, peu lui importe la fin du monde évitée : il ne supporte pas le mensonge. Sans ciller, le Dr Manhattan le pulvérise avant de disparaître dans l'univers pour créer la vie ailleurs, et devenir le dieu d'un nouveau monde aussi divertissant que celui-ci. Peut-être meilleur, aussi. Le Hibou et Laurie font l'amour pendant qu'Ozymandias, sans haine ni rancœur, se réjouit de son succès : dans Watchmen, le méchant de l'histoire sauve le monde et demeure impuni.
 
     En conclusion, comme le reconnaissent les derniers super-héros encore en vie, « Notre plus grande réussite aura été de ne pas avoir su l'empêcher de stopper la fin du monde ».

Florent M.          
nooSFere          
20/10/2008          


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