Cette nouvelle édition de Batman Versus Predator proposée par Wetta/Dagon succède à l'album Comics USA paru en 1992, juste un an après sa sortie américaine. Un éditeur aura enfin mesuré la qualité de cette œuvre un peu noyée dans le genre des crossovers inter-personnages (untel versus machin versus truc) pour lui accorder une nouvelle chance. Ainsi, la traduction (non exempte de fautes) a été revue, et quelques « bonus » viennent compléter le tout (préfaces, illustrations d'auteurs connus du monde des comics...). On regrettera cependant le choix de la couverture, qui n'est guère représentative du niveau graphique de l'ensemble.
Généralement, les rencontres entre personnages de comics et/ou de cinéma donnent rarement lieu à des œuvres impérissables. En réalité, et c'est d'ailleurs vrai pour toute sorte d'adaptation, le résultat dépend surtout des artistes aux commandes. Ici, le scénario est assuré par un artiste d'abord connu en tant que dessinateur, Dave Gibbons ( Watchmen) ; les frères Adam et Andy Kubert ( X-Men) s'occupent quant à eux des dessins : autant dire que le comic-book n'a pas été confié à des débutants, et que cette association s'avérait prometteuse. Comme le précise Dennis O'Neil (superviseur du projet) dans sa préface, la rencontre de Batman et du Predator n'était pas forcément évidente : le premier est un personnage issu d'un univers de polar hard-boiled, directement inspiré de Dick Tracy, et le second est un personnage de pure science-fiction. Si le monde de Batman n'est pas inconciliable avec le fantastique, la SF paraît en revanche beaucoup plus éloignée de son terrain de prédilection... Oui, mais voilà : le Predator est un chasseur, et Batman aussi ; or quel homme sur Terre (mis à part le gouverneur de Californie) peut tenir tête à un Predator, sinon Bruce Wayne ?
Cette rencontre au sommet se déroule à Gotham City, fief légendaire du Bat-Man. Le Predator débarque à l'improviste une nuit, et entame son safari en partant à la recherche du plus grand combattant humain pour accomplir son rite initiatique. Après s'être attaqué à des boxeurs et à des gangsters, il finit par tomber sur un os ; le premier round est pour le Predator mais, méchamment blessé et légèrement irrité par sa défaite, Wayne prépare sa revanche et se met en tête d'accomplir ce que personne avant lui n'avait osé : inverser les rôles en traquant un Predator. L'intrigue n'est pas révolutionnaire, mais elle présente plusieurs mérites. D'abord, elle affiche un respect total envers les deux œuvres adaptées. Qu'il s'agisse de Batman ou du Predator, chacun remplit son rôle en accomplissant ce qu'on attend de lui, fidèle à sa propre personnalité. Ensuite, le récit se révèle parfaitement rythmé, illustré par un découpage cinématographique proche d'un story-board. A aucun moment les auteurs ne donnent l'impression d'avoir écrit cette œuvre (aux motivations commerciales, ne soyons pas naïfs) contraints et forcés, sans motivation.
Résultat : le comic-book réussit là où des films comme Aliens vs Predator ont échoué, en exploitant tout ce qu'une telle rencontre pouvait laisser supposer d'excitant pour nous livrer un fantasme de fans. Excusez-moi d'avance de vous révéler la fin, ne lisez donc pas cette dernière phrase, mais il fallait oser clore un tel duel par une scène où Batman achève le Predator à coups de batte de base-ball dans les bois de Gotham, avant que ses congénères ne viennent remettre à l'homme chauve-souris le trophée de sa victoire. Dave Gibbons l'a fait.
Florent M. 12/11/2008
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