A l'origine, Vampire Hunter D est une série de romans en douze volume de l'écrivain japonais Kikuchi Hideyuki. La plupart de ses œuvres, baignées dans une atmosphère sombre et malsaine très érotisée mêlant souvent plusieurs genres, ont été transposées en longs métrages animés, notamment par l'immense Yoshiaki Kawajiri ( Ninja Scroll). Parmi ses romans adaptés sur petit et grand écran, on retiendra tout particulièrement le chef-d'œuvre La Cité Interdite ( Wicked City), sorte de polar paranormal hardcore où deux agents secrets doivent escorter un vieux sage menacé par des démons terroristes.
Vampire Hunter D se situe dans un futur post-apocalyptique où l'espèce humaine a muté pour évoluer en une race mutante. Parmi les rescapés, des humains résistent en devenant des hunters, c'est-à-dire des chasseurs de primes dédiés à la traque de ces monstres. D est l'un d'entre eux, mais il présente quelques particularités : tout d'abord, il est lui-même un monstre, un « dhampir », un métis à moitié vampire ; ensuite, il ne s'attaque qu'aux suceurs de sang, pour lesquels il voue de mystérieux ressentiments : sa détestation des vampires l'amène à lutter constamment contre sa nature. Autre caractéristique assez originale : sa main gauche dissimule un visage, qui s'exprime à l'occasion (l'apparence de D - chapeau, visage blême et cheveux noirs - et sa personnalité stoïque et taciturne vous rappelleront sans doute Solomon Kane, si vous êtes familier de l'œuvre de Robert Howard). Par la suite, nous découvrirons que, sous son aspect débonnaire, D cache en lui un grand humanisme. Ainsi, dès les premières pages, le hunter fait la rencontre d'une jeune femme fraîchement mordue par un vampire et décidée à l'engager comme garde du corps. Il va donc devoir la protéger contre la convoitise d'un vampire et de ses séides, qui cherchent à l'enlever.
Pour être honnête, j'ignore si ce manga est l'adaptation du premier roman ou bien une histoire originale ; l'auteur est toutefois crédité en tant que scénariste du présent volume. Sur le fond et sur la forme, Vampire Hunter D se révèle assez déroutant : son univers doit autant à la SF post-apocalyptique qu'au genre gothique (manoirs, vampires) et au western (chasseurs de primes, déplacements en cheval...), un parti-pris finalement guère étonnant de la part de l'auteur (La Cité Interdite mêlait déjà les codes du film noir au récit fantastique, horrifique, et même érotique). L'histoire en elle-même ne casse pas des briques, puisqu'elle se contente de croiser les parcours des différents personnages ; on s'intéressera donc plutôt au personnage de D, et au mystère qui l'entoure : son ascendance, la nature du visage qu'il abrite dans sa main... Ainsi, quand il plonge sans complexe dans le fantastique, Vampire Hunter D nous livre ses meilleures scènes ; l'intrigue reliant ces instants faisant plus ou moins office de remplissage.
Sur la forme, l'aspect graphique est aussi déstabilisant : parfois sublime dans sa sophistication, parfois purement et simplement laid dans sa représentation des visages, la mangaka en charge du dessin évolue dans un style gothique assez fouillé qui fait malgré tout pâle figure si on le compare aux superbes représentations de D par Yoshitaka Amano. Admettons toutefois que ce style graphique est peu courant dans les mangas.
Au final, l'initiative d'Asuka est assez intéressante, puisque les romans de Kikuchi Hideyuki n'ont jamais été traduits en France : ce manga permet ainsi de découvrir son univers autrement que par les adaptations animées. Notons que la diffusion de la littérature populaire japonaise reste assez confidentielle chez nous, véritable parent pauvre de la pop-culture nippone, bien que quelques uns de ses titres soient parus dans nos contrées ( Battle Royale, Shinobi...). L'œuvre de Hideyuki mériterait sans doute le même sort.
Florent M. 28/01/2009
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