Clones acteurs de cinéma, éoliennes flottant dans la haute atmosphère, logiciels sentimentaux, maisons tueuses, bananes qui vaccinent, nanorobots fantômes, retour de l'homme sur la Lune...
A l'aube du troisième millénaire, l'éventail des futurs possibles engendrés par l'accélération de la connaissance scientifique donne le vertige et a inspiré les sept nouvelles inédites réunies dans cette anthologie.
Sept graines de futurs plantées par les meilleurs écrivains de science-fiction pour la jeunesse : Ange, Robert Belfiore, Christian Grenier, Alain Grousset, Jean-Pierre Hubert, Christophe Lambert, Danielle Martinigol et Joëlle Wintrebert.
1 - Albert JACQUARD, Préface, pages 11 à 12, préface 2 - Alain GROUSSET & Danielle MARTINIGOL, Le Souffle d'Eole, pages 15 à 43, nouvelle 3 - Christian GRENIER, Un personnage en quête de cœur, pages 45 à 70, nouvelle 4 - Jean-Pierre HUBERT, Le Septième clone, pages 73 à 99, nouvelle 5 - ANGE, Le Fantôme de la tour Aiguille, pages 101 à 123, nouvelle 6 - Joëlle WINTREBERT, L'Oasis, pages 123 à 149, nouvelle 7 - Robert BELFIORE, La Petite joueuse d'échecs, pages 151 à 192, nouvelle 8 - Christophe LAMBERT, Fly me to the moon, pages 195 à 223, nouvelle
Critiques
L'anthologie qui ouvre la collection Autres Mondes des éditions Mango réunit les meilleurs auteurs actuels de la science-fiction pour la jeunesse et propose un éventail de thèmes et d'histoires assez large pour contenter tous les publics.
Les préoccupations écologiques, traitées par Martinigol et Grousset dans Le Souffle d'Éole, présentent au travers d'une enquête policière, le Jetnet, une source d'énergie alternative constituée d'éoliennes placées dans la haute atmosphère : bien que non polluante, elle pourrait se révéler néfaste si elle existait en trop grand nombre. Les problèmes éthiques du clonage sont illustrées par Le Septième Clone de Jean-Pierre Hubert. Il ne s'agit plus de fournir des organes de rechange mais des copies réalistes de l'acteur destiné à périr à la fin du film. Le Fantôme de la tour Aiguille d'Ange (G. E. Ranne au Fleuve Noir), met en scène les nanotechnologies dans un conte en demi teintes. Dans la foulée de son Quark noir (Lentement s'empoisonnent), Joëlle Wintrebert, loin du rejet aveugle des OGM, montre que les alicaments, à l'instar des bananes cultivées dans L'Oasis, peuvent venir en aide aux populations. Avec La Petite joueuse d'échecs, récit qui ne cesse de désamorcer ce qu'il présente comme inquiétant, Robert Belfiore donne à voir une palette des réalisations informatiques dans la domotique, sans négliger la dimension humaine. Sur un mode plus primesautier, la littérature assistée par ordinateur devient le sujet d'un désopilant récit de Christian Grenier, où l'héroïne des aventures rédigées par le programme d'écriture réclame sa part des droits d'auteurs, voire de pouvoir prendre pied dans le réel. Un Personnage en quête de cœur est en même temps un clin d'oeil au tandem de la série Kerri et Mégane.
Tous ces récits développent une intrigue forte et soutenue, jouant avec les étonnements ou les peurs du lecteurs. Seule exception, et à contre-courant de sa production mêlant action et suspense, Christophe Lambert livre un récit intimiste et très autobiographique ; Fly Me To The Moon déroule le fil d'une vie, depuis les rêves d'enfant jusqu'à l'âge adulte. Les aléas de l'existence amènent à revoir ses prétentions, à effectuer compromis acceptables. La logique secrète de ce parcours erratique aboutit, contre toute attente, à la réalisation de ses rêves. Touchant et poétique.
Chaque nouvelle est précédée d'une présentation de l'auteur et d'un encart, comme jadis dans Fiction, introduisant le thème du récit et sa problématique. L'ensemble est suffisamment plaisant pour être également recommandé aux adultes, c'est dire !
« Voilà une définition possible de notre espèce : la partie de l'univers qui sait que demain sera. »
Albert Jacquard
Graines de Futurs inaugure la nouvelle collection Autres Mondes des éditions Mango Jeunesse, plus particulièrement destinée aux jeunes lecteurs de plus de onze ans. Cette anthologie, dotée d'une très belle maquette illustrée par Manchu, se propose d'explorer des futurs si proches qu'ils se basent en fait sur des questions techniques, sociales et éthiques très actuelles
L'image de couverture renvoie à la première nouvelle, Le souffle d'Eole, écrite en collaboration par Alain Grousset et Danielle Martinigol. Sous couvert d'une énigme en forme de meurtre en chambre close, le véritable héros de cette histoire est le Jetnet, une station de cinq éoliennes situées en très haute altitude, une belle invention qui possède une grâce poétique tout en constituant une formidable source d'énergie apparemment propre et inépuisable. Sous l'intrigue policière pointent des interrogations écologiques équivoques, car rien n'est simple dans cette histoire où pour une fois les méchants ont de nobles motivations...
Dans Un personnage en quête de coeur, Christian Grenier nous livre sans doute le rêve de bien des écrivains : une intelligence artificielle capable d'écrire un roman en quelques minutes. Mais depuis Frankenstein, on sait qu'il n'est pas toujours bon de donner la vie à une créature, même virtuelle : l'auteur se retrouve rapidement pris au piège de son propre imaginaire, ainsi que d'un système informatique ubiquitaire auquel nous donnons peut-être les clés de notre vie future. Astucieuse et amusante, cette nouvelle illustre parfaitement la problématique de la conscience artificielle : à partir de quand devient-elle humaine ?
Dans Le septième clone, Jean-Pierre Hubert aborde l'éthique du clonage, particulièrement d'actualité : peut-on disposer d'un clone comme d'un objet, d'un simple mannequin, et quel droit l'original possède-t-il sur ses copies ? En prenant l'exemple de l'utilisation de clones dans l'univers futile du cinéma — utilisation pourtant assez improbable à l'ère de l'image de synthèse — , Hubert donne une vision assez effrayante des dérives possibles. On peut toutefois regretter que la conclusion, en forme de pirouette, n'approfondisse pas la question.
C'est un Ange qui nous conte l'histoire du Fantôme de la tour aiguille, une sorte de conte de fées futuriste : l'histoire de Yashi, un petit garçon délaissé par son père, le roi-maire. Celui-ci poursuit le but insensé de contrôler la ville entière par la seule force de sa pensée, une ville sous globe où le soleil ne se lève plus depuis que la reine est morte. Dans cet univers, tout rêve est devenu possible par la « magie » des nanotechnologies. A la manière du Féérie de Paul McAuley, Ange montre que la science permet la concrétisation de l'imaginaire, et la démonstration est un enchantement...
Dans L'oasis, Joëlle Wintrebert reprend la réflexion sur les OGM – organismes génétiquement modifiés, particulièrement d'actualités eux aussi – qu'elle a développé dans le roman Lentement s'empoisonnent, paru chez Flammarion. Débarrassée de Mark Sidzik, le héros récurrent de la série des Quark noir à laquelle appartient le roman, le récit se recentre sur les enfants d'une oasis africaine et il gagne ainsi en intensité. Les craintes comme les espoirs que suscitent les OGM sont abordés de façon impartiale, tandis que l'auteur dénonce plus violemment l'exploitation des pays du tiers-monde comme champs d'essai par des multinationales peu scrupuleuses.
Robert Belfiore a choisi la domotique pour illustrer à sa manière cette perpétuelle angoisse de l'homme confronté à la science. Dans une maison entièrement automatisée, gérée par un ordinateur auquel on a du oublier d'inculquer les lois d'Asimov, La Petite joueuse d'échecs va rencontrer un homme qui fait preuve de peu d'humanité et elle va mourir... pour un temps. L'homme se trouve alors prisonnier de la maison, au cœur d'une traque qui prend une dimension plus psychologique et fantastique que scientifique.
Enfin, Fly me to the moon est une nouvelle tout à fait à part, sans grand rapport avec les précédentes : pas de question éthique, pas d'interrogation sur l'avenir de la science, pas d'angoisse face aux nouvelles technologies... Christophe Lambert se contente de nous raconter le parcours jusqu'en 2007 d'un amateur de SF né en 1963, qui doit sans doute beaucoup aux souvenirs de l'auteur. Comme dans Titanic 2O12, sa passion pour le cinéma est évidente à travers les multiples références qui émaillent le récit, et l'optimisme final en fait un parfait texte de conclusion, qui contraste avec les visions plutôt sombres qui ont précédé.
En fin de compte, Graines de futurs est une anthologie remarquable à plus d'un titre. Elle aborde les grandes questions auxquelles nous sommes déjà confrontés, de manière claire, intelligente et divertissante... Elle montre la diversité de la science-fiction en mélangeant les styles et les genres : policier, conte de fées, épouvante ou même autobiographie... Elle interroge et stimule le lecteur, l'armant pour une meilleure compréhension du monde moderne... Bref, elle constitue un salutaire passeport pour le futur !