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Neverwhere

Neil GAIMAN

Titre original : Neverwhere, 1996
Première parution : BBC Books, 1996
Traduction de Patrick MARCEL
Illustration de Dave McKEAN

J'AI LU (Paris, France), coll. Millénaires n° 6002
Dépôt légal : octobre 1998, Achevé d'imprimer : septembre 1998
Première édition
Roman, 364 pages, catégorie / prix : 79 FF
ISBN : 2-277-26002-9
Format : 13,0 x 19,7 cm
Genre : Fantasy



Quatrième de couverture
Une rue de Londres, un soir comme un autre. La jeune fille gît devant lui sur le trottoir, face contre terre, l'épaule ensanglantée. Richard la prend dans ses bras, elle est d'une légèreté surprenante. Et quand elle le supplie de ne pas l'emmener à l'hôpital, il a le sentiment de ne plus être maître de sa volonté. Dès le lendemain, elle disparaît et, pour Richard, tout dérape : sa fiancée le quitte, on ne le connaît plus au bureau, certains, même, ne le voient plus... Le monde à l'envers, en quelque sorte. Car il semblerait que Londres ait un envers, la "ville d'En Bas", cité souterraine où vit un peuple d'une autre époque, invisible aux yeux du commun des mortels. Un peuple organisé, hiérarchisé, et à la tête duquel les rats jouent un rôle prépondérant. Plus rien ne le retenant "là-haut", Richard rejoint les profondeurs.
Fable fantastique ou roman de fantasy contemporain, Newerwhere est inclassable, surprenant, original. Plein d'idées, de rebondissements, de clins d'œil référentiels et de personnages iconoclastes.
 
Neil Gaiman est né en 1960, en Angleterre. Très connu pour ses scénarios de la série BD Sandman, il s'est imposé dans le monde anglo-saxon comme un des écrivains cultes de la nouvelle vague du fantastique baroque. Lauréat de nombreux prix littéraires, dont le World Fantasy Award de la nouvelle en 1991, il est également l'auteur de De bons présages, en collaboration avec Terry Pratchett.
Neverwhere, adapté pour la télé par la BBC, est son premier roman. Il vit aujourd'hui à Minneapolis.
Critiques
     Je lisais pas plus tard qu'hier (ce qui, lorsque vous lirez ces quelques lignes, n'aura plus aucune importance, mais bon, passons...) dans ce que l'on appelle un journal d'information généraliste que (en résumé et pas vraiment dans ces termes, mais bon, passons deuxième...) Neil Gaiman était un bon gars, qu'il nous servait une bonne petite histoire avec son Neverwhere, un truc enlevé avec des personnages sympas tout plein et un Londres souterrain aux mystères insondables. C'est évidemment une manière de voir les choses. Dire que Neverwhere est un roman soporifique qui recycle des recettes de Clive Barker en oubliant d'y intégrer la flamboyante démesure de l'auteur des Livres de Sang en est une autre.
     Lorsque j'ai reçu la mission (oui, chez Phenix, nous sommes de véritables missionnaires du fantastique, pas de simples exécutants aux doigts entachés de vile concession commerciale, mais bon, passons troisième...) de découvrir la vigueur de plume du sieur Gaiman, je me suis rapidement tourné vers ses origines (celles de l'homme, pas de sa plume) c'est-à-dire la bande dessinée. Et j'ai découvert un auteur ma foi assez intéressant et aux obsessions louables. Plonger dans Neverwhere fut une tout autre affaire. Car plongée il y eut. En apnée. Et je vous assure que c'est douloureux par moments. À un point tel que j'ai failli à plusieurs reprises faire ce qui ne m'arrive qu'en de rares occasions : refermer le volume avant la fin et laisser à d'autres le soin de reprendre le travail à zéro. Mais je vous parlais de mission...
     J'ai donc ramé jusqu'à la dernière page avec l'espoir de découvrir autre chose que la pâle copie de Clive Barker que je découvrais dans les premières pages. En vain. Personnellement, me voilà convaincu que Gaiman a raté son entrée dans le milieu du roman.
     Mais, comme c'est toujours le cas lorsque je rejette un bouquin, il reste la possibilité, bien réelle, que je sois passé à côté de la montre en or, que les pages ne se soient pas ouvertes à moi, que la traduction (pour le moins laborieuse) ait fusillé le cheval sur la ligne de départ... Allez savoir.
     Bon, j'attendrais le second roman pour me faire une idée.
     En attendant, celui-là, approchez-le tout de même avec circonspection.
     Je vous aurais prévenu.

Christophe CORTHOUTS (site web)
Première parution : 1/3/1999 dans Phenix 50
Mise en ligne le : 3/11/2003


     Richard est une sorte de Peter Pan contemporain, parvenu par erreur à l'âge adulte, encombré d'un métier « convenable » et d'une fiancée fatigante. Sa rencontre avec Porte, une bien étrange jeune fille, capable « d'ouvrir » la matière, va l'entrainer dans un tourbillon d'aventures extraordinaires, dans le Londres d'En-bas (ce qui n'est pas sans inconvénient pour sa vie d'En-haut !).

     Ils y seront poursuivis par deux affreux vraiment affreux, capables de perpétrer leurs crimes en tout point de l'espace-temps : imaginez le chat et le renard de Pinocchio, revus et corrigés à la fois par Clive Barker et Charles Dickens !
     Ils rencontreront entre autres le marquis de Carabas, traverseront des stations de métro inexistantes, apprendront ce qui a causé la perte de l'Atlantide, et iront, tout comme le lecteur, de surprises en surprises…

     Un superbe livre d'aventures fantastiques, alerte et très imaginatif, bourré de clins d'oeil, avec ce qu'il faut de féérie, ce qu'il faut d'horreur, et plus qu'il ne faut d'humour. Neil Gaiman parvient pour son premier roman en solo à écrire une histoire universelle, comme l'est Peter Pan, où l'itinéraire du héros aboutit à la remise en question de sa vie et de ses valeurs, au profit de celles de l'enfance. Un hymne à l'imagination à découvrir absolument.

Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 15/11/1998 nooSFere


     Jusqu'à ces dernières années, les titres de noblesse de Neil Gaiman résidaient surtout dans le domaine du scénario  : on lui doit des bandes dessinées telles que Orchidée noire (traduite chez Zenda), Mr. Punch (traduite chez Reporter) ou, surtout, The Sandman, saga de fantasy aussi longue que subtile et étonnante, en cours de traduction chez Le Téméraire. Plus récemment, Gaiman a co-signé un épisode de la série TV SF Babylon 5 (durant la cinquième saison, pas encore diffusée sur C+).
     Mais la prose démangeait notre scénariste, et il s'est mis petit à petit à placer des nouvelles dans diverses anthologies On découvrira un de ces jours chez J'ai Lu un passionnant recueil de nouvelles (lire déjà « Chevalerie », in Dossier Fantasy chez Bifrost/Etoiles Vives). On a déjà pu lire le roman De bons présages, roman co-écrit avec Terry Pratchett, en traduction chez J'ai Lu. Et voici venir Neverwhere premier roman solo de Neil Gaiman, qui sera prochainement publié dans la nouvelle collection grand format « Millénaires »
     Ayant sauvé une jeune fille étrangement nommée Porte, Dick Mayhew va pénétrer bien malgré lui dans un univers parallèle au nôtre  : sous Londres – dans les souterrains, les égouts, les catacombes, les stations de métro fermées, les anciennes rivières – mais aussi dans tous les recoins secrets de la capitale britannique – ruelles oubliées, maisons vides, toits de gares et usines désaffectées – s'est érigée une autre société, magique et inquiétante à la fois. Une société calquée sur le plan du métro londonien où les noms des stations les plus connues prennent une autre dimension  : il y a bien des moines à Blackfriars, un ange à Angel, et un chevalier gardant un pont à Knightsbridge.
     Laissant derrière lui Jessica, sa pénible petite amie, Dick découvre sous notre réalité citadine un monde de luttes de pouvoir de créatures troublantes, maléfiques, où les rencontres insolites et les lieux inattendus sont l'ordinaire d'un royaume invisible au commun des mortels.
     Neverwhere est à la fois un roman d'apprentissage d'un genre inédit. Le lieu de création d'une nouvelle mythologie pour la plus grande cité d'Europe, et – en ce qui concerne la France – le premier représentant traduit d'un sous-genre aussi riche que florissant de la fantasy contemporaine  : la fantasy urbaine.
     Une œuvre profondément originale et totalement passionnante.
     Neverwhere fut rédigé en parallèle du feuilleton TV du même titre (diffusé à la BBC et devant bientôt être adapté au cinéma) Les versions publiées à l'époque, tant en Grande-Bretagne qu'aux Etats-Unis, n'étaient pas tout à fait abouties. Il faut donc noter avec intérêt que le roman publié par J'ai Lu est la traduction du manuscrit définitif version corrigée encore inédite en VO.

André-François RUAUD (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/10/1998 dans Bifrost 10
Mise en ligne le : 15/1/2001

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition J'AI LU, Fantastique (2000 - 2007) (2001)

     Décidément, Neil Gaiman est un auteur intéressant. Tous ses livres sont source d'émerveillement (sauf peut-être De bons présages, coécrit avec Terry Pratchett, et que personnellement j'avais trouvé moins intéressant, du moins dans sa traduction française), car il joue avec subtilité sur les cordes du fantastique, de l'émotion, de l'humour et de la nostalgie. Neverwhere ne déroge pas à la règle.
     Richard Mayhew mène à Londres une existence tranquille, entre son travail de cadre – intérêt moyen, mais bonne ambiance – et sa fiancée Jessica, une femme à l'esprit très pratique. Aussi, lorsque Richard découvre sur le trottoir une fille évanouie et mal vêtue, il saisit cette occasion d'échapper à la routine quotidienne et il la ramène chez lui, où elle lui révèle son nom : Porte. Elle se refuse à lui en dire plus, mais il va bientôt de surprise en surprise, car elle semble avoir la faculté de parler aux pigeons et aux rats. De plus, elle le charge d'une mission : aller à la recherche d'un certain marquis de Carabas. Richard s'acquitte de sa mission, mais ce faisant découvre un Londres qu'il ne connaissait pas  : étonnant, envoûtant et plein de détours irréels et déroutants. Puis Porte s'en va en lui faisant promettre de ne pas la suivre. Richard retourne alors à sa vie normale, mais s'aperçoit au bout de quelque temps qu'il devient peu à peu invisible aux yeux de ses connaissances. Il décide alors de retrouver Porte, mais pour y parvenir il doit gagner le Londres d'En Bas, ce royaume obscur, étrange et fascinant, peuplé de créatures fantasmagoriques. Un bien périlleux voyage commence alors pour Richard.
     Tout, dans ce roman, est pur enchantement. L'humour, discret mais omniprésent, essentiellement lié au caractère empoté de Richard. La finesse de la description des personnages, qui ne sont jamais tout à fait ce qu'ils paraissent être (aussi bien le Marquis que Chasseur, le garde du corps a priori sans états d'âmes, ou le comico-terrifiant duo formé par M. Croup et M. Valdemar). L'intrigue est menée tambour battant, de main de maître, et jusqu'au bout, car Gaiman sait conclure son récit en beauté, même si le dénouement nous laisse tristes, nous qui vivons dans le monde du Richard du début du livre. Le travail réalisé sur Londres, enfin, est exemplaire : la ville occupe une place centrale dans le livre, bien plus qu'un personnage à part entière. De plus, le Londres d'En Bas permet à l'auteur de superposer deux cités, l'une réelle, l'autre fantasmagorique et gothique, et de faire dialoguer ces deux facettes de la même mégalopole. Neil Gaiman se livre ici à un travail proche de ceux de Fritz Leiber sur San Francisco dans Notre-Dame des Ténèbres, et de Dan Simmons sur Calcutta dans Le chant de Kali. Bref, un très grand roman, dépaysant à souhait bien qu'il se déroule dans une ville mille fois décrite. Un livre qui mérite amplement son succès.

Bruno PARA (lui écrire)
Première parution : 1/11/2001
nooSFere


Edition J'AI LU, Fantastique (2000 - 2007) (2001)

     Richard Mayhew mène une petite vie tranquille à Londres. Bientôt fiancé, il a un travail stable dans la finance ; son chemin semble tracé et sans danger. Mais ce petit monde bien rangé va basculer lorsqu'une jeune fille blessée apparaît comme par magie sous son nez, au beau milieu de la rue. En effet, après qu'il lui ait porté secours, sa vie semble avoir perdu toute consistance : plus personne ne le reconnaît, ni ses amis, ni sa fiancée ; il n'a plus d'existence légale, et se retrouve mis à la porte de son propre appartement.
     Richard va alors découvrir qu'une ville cohabite avec le Londres que nous connaissons tous : une cité souterraine, féodale, magique, et surtout, extrêmement dangereuse. Pourtant, s'il veut récupérer sa véritable vie, Richard n'a d'autre choix que d'essayer de retrouver la jeune fille blessée au sein de ce Londres d'En Bas ; peut-être pourra-t-elle l'aider à comprendre ce qui lui est arrivé.
     Dès les premiers chapitres, le lecteur familiarisé avec les littératures de l'imaginaire comprend vite que malgré son décor contemporain, Neverwhere est un roman de pure fantasy. Son histoire suit de très près le « Voyage du Héros », décrit notamment par Vogler. Par exemple, au cours de son exploration du Londres d'En Bas, Richard rejoindra un groupe de compagnons unis pour une cause commune ; il traversera plusieurs épreuves afin de rapporter des artefacts nécessaires à l'accomplissement de sa quête héroïque ; et enfin, cette quête va faire évoluer sa mentalité. On retrouve également les profils de personnages habituels de la fantasy, de la jeune fille fragile qu'il faut protéger à la guerrière dont la réputation est légendaire. En somme, les événements et les caractères sont très classiques, voire archétypaux. Qu'importe : la recette a fait ses preuves, et Gaiman sait très bien s'en servir.
     Mais surtout, là où le livre montre véritablement sa richesse, c'est dans la peinture du Londres d'En Bas. La superposition des deux villes est extrêmement réussie, car elle est très cohérente : une foule de petits détails vient donner de la vraisemblance à ce monde étrange. De ce fait, le lecteur entre sans aucune difficulté dans le récit. Il ira également de surprise en surprise à mesure qu'il suivra les pérégrinations de Richard et de ses amis ; il n'y a pas deux fiefs ni deux endroits du Londres d'En Bas qui se ressemblent.
     Enfin, Gaiman dose parfaitement bien le rythme de ses péripéties et de ses révélations : Neverwhere est une histoire dépaysante, parfois drôle ou tendre, souvent magique, et toujours étonnante. Achetez sans plus tarder votre ticket de métro : un voyage au Londres d'En Bas s'impose !

Lionel DAVOUST (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/9/2001
dans Galaxies 22
Mise en ligne le : 15/10/2002


Edition AU DIABLE VAUVERT, Jeunesse (2016)

    Malgré tout le reste, l’univers regorge de bonnes surprises. Neverwhere, deuxième roman de Neil Gaiman (mais premier en solo), traîne dans ma pile à lire depuis 1998, année de sa première édition française. Il lui aura fallu attendre près de vingt ans, et la mise en route de ce numéro spécial de Bifrost pour atterrir dans mes mains après avoir bravé moult déménagements et autres nettoyages de printemps qui furent souvent fatals à certains de ses collègues de papier. Honnêtement, son sort ne peut découler que d’une loi mystérieuse, secrète et impérieuse de sélection naturelle, digne de celle de Darwin, mais appliquée aux ressortissants des bibliothèques, du moins de la mienne.

    « Jeune homme, dit-il. Comprenez bien ceci : il existe deux Londres. Il y a le Londres d’En Haut – c’est là que vous viviez – et il y a le Londres d’En Bas – le Sous-Sol – qu’habitent ceux qui sont tombés dans les interstices de ce monde. Vous en faites désormais partie. Bonne nuit. »

    Neverwhere est littéralement bluffant. Avec une histoire dont le résumé pourrait presque tenir sur le rebord d’un dé à coudre, Neil Gaiman compose un roman qui en met plein les mirettes tout au long de ses 380 pages, qu’on ne voit franchement pas passer. Doit-on ce résultat au soin particulier apporté aux personnages tour à tour archétypes et modèles réalistes ? à la maîtrise de la narration et notamment des rebonds et autres « coups de théâtre », sans doute héritée de l’expérience acquise par l’auteur en tant que scénariste de comics, ces bandes dessinées qui descendent en ligne directe des feuilletons du XIXe siècle ? À la gouaille érudite d’un auteur qui sait habilement mixer des références très variées, raconter comme Dickens, imaginer comme Barker et causer comme un Audiard version angliche ?

    « Bon, il a fallu une tétrachiée de fric… (il observa une pause pour laisser l’expression produire son effet – si Arnold Stockton estimait qu’il s’agissaitd’une tétrachiée de fric, alors, pas de doute, c’était une tétrachiée de fric) (…) »

    Ou serait-il possible qu’on soit irrémédiablement séduit par cette formidable lettre d’amour ouverte qu’offre Neil Gaiman à la ville de Londres, cette magnifique cité où la modernité côtoie la tradition avec un bonheur inégalé ? Ceux qui ont déjà arpenté la capitale anglaise seront frappés par la justesse des descriptions de Gaiman. Les autres décideront de mettre des sous de côté pour se payer l’Eurostar. Car l’un des tours les plus saisissants du magicien Gaiman est de communiquer sa passion et son enthousiasme comme nul autre.

    L’aventure, dont on tâchera de préserver la fraîcheur, tourne autour d’une jeune fille appelée Porte dont le don est d’ouvrir les portes même aux endroits où elles ne se trouvent pas. En toute logique, Neverwhere est une excellente porte pour découvrir l’univers de Neil Gaiman et y rester le temps de quelques volumes.

Grégory DRAKE
Première parution : 1/4/2016
Bifrost 82
Mise en ligne le : 27/12/2022


Edition J'AI LU, Fantastique (2007 - ) (2020)

« Neverwhere » fut une série télévisée, que l’auteur – Neil Gaiman – trouva si limitée et étriquée qu’il se consacra par la suite à la transformer en un roman magique, pied de nez aux brutaux supplétifs du capital : quand la littérature libère l’imagination, je vous convie à une visite de Neverwhere !

En partance pour la City, à Londres, Richard Mayhew doute de son projet d’avenir, ce soir de beuverie, où une clocharde l’aborde. Elle aussi a vécu à Londres, lui dit-elle, et elle s’y est brisée – elle était danseuse ! – avant de se retrouver à la rue. Elle lui lit les lignes de la main, et semble perplexe : « Pas le Londres que je connais. », puis « Méfie-toi des portes… » insiste-t-elle.
Trois ans plus tard, Richard s’est pris de passion pour le métro londonien dont les stations portent des noms chargés d’histoire : Earl’s Court (la cour du comte), Old Bailey (le vieux rempart)… Il est fiancé avec Jessica, jeune femme qui travaille dans la culture. Son union avec cette jeune femme de Kensington n’est pas sans générer chez lui une sourde angoisse.
Un soir, se rendant à une exposition avec Jessica, Richard aperçoit une jeune femme blessée, sur le trottoir. Jessica lui interdit d’y prêter attention sous peine de rupture. Sans bien savoir pourquoi, Richard la recueille – elle s’appelle Porte –, la soigne, mais elle s’en va. Richard découvre alors qu’il est devenu invisible : son propriétaire fait visiter son appartement, son travail a disparu, plus personne ne le voit dans la rue. Il part en quête de la jeune Porte dans cet univers où Earl’s Court est la cour d’un comte, et Knightsbridge est devenu Nightsbridge, un pont où la nuit est un prédateur muet…
Le récit, écrit avec un style alerte, fluide, décrit sans décrire cette Londres d’en Bas, dans laquelle Richard affronte des périls. Il ne s’agit pas d’aventures où tout se règle à coups d’épées, mais plutôt d’un univers où le cauchemar guette la moindre distraction. Aucun afféterie (ou sucrerie), mais un cauchemar bâti de débris, de déchets malaxés avec des strates de magie, de mémoire historique, de strates temporelles superposées où la ville prend une ampleur infinie. Earl’s Court, la cour du Comte, est un métro où se tient une cour qui s’apparente à la cour des Miracles de Victor Hugo, et où le Comte entretient une parenté étroite avec le roi des fous de Notre-Dame de Paris.
J’ai cherché une traduction de ce Neverwhere et une amie traductrice m’a patiemment expliqué la vanité de mon projet, et le charme de ce mot intraduisible ainsi que ses accointances poétiques avec l’univers de Peter Pan : Neverland.
Richard est un avatar de Peter Pan, mais Neverwhere est un imaginaire adulte, imprégné de réalité, à la manière par exemple du pays des sorciers d’Harry Potter. La voie 9 3/4 d’Harry Potter cède le pas à un marché où s’échangent des services, de l’honneur, peuplé de moines veillant sur une clé de coffre et où un ange déchu, enfermé à Islington, semble détenir le sens de tout.
La finesse de l’auteur consiste à ne jamais séparer le lieu métaphorique : le Londres d’en Bas représente également la ville de ceux qui n’ont rien, de pauvres gens qui ont créé ce Neverwhere où l’argent n’a plus cours et la vie peu de prix. On y disparaît, d’autres ressuscitent, on tue, on dévore, les instincts violents s’y épanouissent… Pour qui a vécu fauché dans une grande ville où le prestige des classes signifie exclusion, on imagine sans difficulté cette invisibilité de la pauvreté, pourtant, le roman nous entraîne dans une quête où les péripéties élèvent l’âme, les sentiments et permettent de participer à un monde sensible où une ame rêveuse s’épanouit…
On évolue dans un univers parallèle, où le Londres d’en Haut et d’en Bas se côtoient sans se voir. Les découvertes s’enchaînent, mais l’aventure cède le pas à une quête de sens. Ainsi, Porte ne sera jamais vraiment décrite : la tension qu’elle induit, sa fuite devant les tueurs, sa quête de l’ange Islington la dessinent en mouvement et révèlent les mystères de Neverwhere. Neverwhere existe ! c’est une carte sillonnée de métros, devenue territoire…
Donc, même si ce roman n’est pas une nouveauté, je ne saurais trop recommander sa découverte…

Bernard HENNINGER (site web)
Première parution : 23/5/2020
nooSFere

Prix obtenus
Julia Verlanger, [sans catégorie], 1999


Cité dans les pages thématiques suivantes
Univers parallèles

Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantes
André-François Ruaud : Cartographie du merveilleux (liste parue en 2001)
Jean-Pierre Fontana : Sondage Fontana - Fantastique (liste parue en 2002)
Jean-Pierre Fontana : Sondage Fontana - Fantasy (liste parue en 2002)

Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)
Neverwhere , 1996, Dewi Humphreys (Mini Série TV)

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