Elle a douze ans, une mère meurtrière et une armée de mercenaires sur les talons.
Il a trente ans, l'habitude de tuer et pas grand-chose à perdre.
Ensemble, ils vont traverser l'Europe, d'Amsterdam à Porto. Le genre de voyage où les cadavres servent de bornes kilométriques.
Dès son premier roman, La sirène rouge, Maurice G. Dantec, né en 1959 à Grenoble, s'est affirmé comme un maître dans l'art de combiner la science-fiction et le polar. Il se consacre à l'écriture depuis 1990, vit actuellement au Canada et, avec son deuxième livre, Les racines du mal, a donné au genre même du roman noir une nouvelle dimension.
Cette première œuvre de Maurice G. Dantec ne relève ni du fantastique ni de la science-fiction, mais aventure, intrigue policière et roman noir s'y mêlent avec un bonheur certain.
Alice, adolescente surdouée — le thème de la femme exceptionnelle est récurrent chez l'auteur — , découvre que sa mère richissime et son inconsistant beau-père font le commerce de films de tortures et de meurtres réels qu'ils commettent eux-mêmes. Elle s'enfuit et livre tout à la police qui ne la prend pas véritablement au sérieux. Sur le point d'être rendue à sa famille qui la réclame avec quelques arrière-pensées, elle fugue une nouvelle fois et rencontre par hasard Hugo Toorop, homme d'action idéaliste, membre d'une brigade internationale impliquée dans le conflit du Kosovo. Toorop prend la gamine sous sa protection et décide de l'aider à retrouver son père qui vit au Portugal. S'ensuit à travers l'Europe une course-poursuite entre les deux fuyards, les mercenaires mandatés par la mère d'Alice et, accessoirement, la police (un peu dépassée, comme bien souvent dans les romans de Dantec).
L'intrigue est simple (l'héroïne en péril, les bons, les méchants, les adjuvants, les opposants, la traque) mais efficace et l'on se laisse volontiers entraîner dans des péripéties bien enchaînées qui nous conduisent de la Hollande jusqu'au Sud de l'Europe avant le règlement de comptes familial de la fin.
Dantec arrime bien ses personnages à notre réalité, grâce à quelques procédés qui ont fait leurs preuves : références à des événements contemporains et à des personnages existants, mention de marques commerciales connues (BMW, Duracell...), étalage d'une culture pyrotechnique acquise dans des catalogues d'armes à feu. Bien que leur psychologie soit un peu superficielle et « calibrée » en fonction du camp où ils opèrent, ces personnages accèdent au fil du roman à une véritable existence, et le lecteur s'inquiète raisonnablement de leur sort, au gré de leurs aventures.
Les grands défauts du roman résident dans le mode narratif et l'écriture. Les germes de l'évolution littéraire de Dantec sont perceptibles dès cette première œuvre, et dans les marges du récit d'action percent déjà la prétention, la philosophie de supermarché et les prédictions à quatre sous. Des digressions ennuyeuses, totalement hors de propos, où l'auteur donne à son héros (se donne ?) le beau rôle, viennent maladroitement hacher le déroulement de l'intrigue.
Les choix narratifs sont d'une pertinence variable, notamment pour les scènes d'action, importantes dans l'économie du roman. Une fusillade dans un grand magasin est décrite selon le rite insupportable du ralenti (image par image) classique dans les mauvaises séries américaines, mais la scène de bataille rangée dans un hôtel portugais perdu dans la cambrousse atteint des sommets épiques.
Le style, très inégal aussi, accumule à peu près toutes les erreurs connues : images et comparaisons incongrues à la limite du ridicule, raccourcis parfois grotesques, syntaxe déficiente, vocabulaire approximatif... Par moments, Dantec écrit ce qui lui chantonne aux oreilles, au mépris de la langue et du sens de ses phrases. C'est dommage, car cette négligence altère la qualité d'un récit par ailleurs attachant.