Vitalin n'est guère satisfait de sa vie. Il vivote comme illustrateur dans un pavillon de banlieue. Lorsque son amie Yolande le quitte, il comprend “que son travail était à l'image de la vie qu'il avait menée jusqu'ici : un brouillon sans cesse recommencé.”
Yolande est partie pour Ecoland. Personne ne sait exactement ce que recouvre ce nom : une région ou un parti politique, un système philosophique ou un idéal de vie ? Dans le langage courant, Ecoland est devenu synonyme d'Utopie.
Toujours est-il que Vitalin décide de partir lui aussi, de retrouver Yolande, donc d'atteindre Ecoland.
Clovisse a 23 ans. Son père, député et riche industriel, s'est suicidé après une faillite. Elle vit seule à Paris, est inscrite à l'université sans conviction. Elle effectue des missions ponctuelles et discrètes, mais bien rémunérées pour le gouvernement. On lui demande donc de localiser Ecoland et d'identifier les membres de ce mouvement.
La première partie du roman raconte la quête d'Ecoland de ces deux personnages, qui ne se connaissent pas, n'ont pas les mêmes motivations, ne cherchent ni par idéal ou conviction. Vitalin est guidé par l'amour — du moins, le croit-il. Son moteur le plus puissant est la sensation d'une existence vide, brouillonne, factice, le sentiment qu'il n'a, de toute façon, rien à perdre. Clovisse est en mission, elle agit en professionnelle, méthodiquement, et se laisse gagner peu à peu par le défi à relever, l'intérêt de trouver ce qu'elle appelle une chimère.
Vitalin et Clovisse usent de tours et de détours différents pour parvenir au terme de leur quête, se croisent plusieurs fois et finissent par se trouver. C'est ensemble qu'ils gagnent Ecoland..
Ecoland existe dont, à l'écart des grands chemins et à l'abri des regards. Des gens venus de tous les horizons y vivent. Ecoland n'est ni une secte ni une utopie. “La technologie n'intervient chez nous que lorsqu'elle n'entrave pas la nature.” Ses habitants possèdent des lave-vaisselle et des ordinateurs, mais utilisent des sources d'énergie renouvelables, éolienne, solaire, gaz de compost..., pratiquent une agriculture biologique, sont végétariens, proscrivent la consommation de café ou de tabac.
La gestion du domaine et la planification des tâches sont décidées et discutées en commun et un coordinateur, qui change régulièrement, veille à la bonne marche de l'ensemble.
Vitalin et Clovisse réagissent différemment et d'une manière que l'on n'attend pas forcément.
Quelle bonne idée que d'avoir imaginé un monde différent, sur lequel circulent quantité d'idées et de rumeurs, mais dont on ne sait rien finalement.
La première partie, la quête parallèle des deux personnages, est passionnante : Ecoland se mérite et il faut bien de la ténacité pour l'atteindre. On peut comprendre aussi la déception de Vitalin : “Mais il n'avait pas trouvé ce qu'il en attendait. Il avait imaginé un monde définitif, fermé, parfait. Et il découvrait un chantier où il fallait se retrousser les manches.” Il est difficile de concrétiser une utopie, de confronter un quotidien fait de travail et de lutter face à l'idée d'un monde parfait.
Est-ce un roman de SF ? Presque pas, tout juste d'anticipation, peu importe. Grenier ancre son roman dans notre monde, fait naître Ecoland à partir d'événements ou de mouvements existants : les antimondialistes rassemblés pour une réunion du G8 à Gênes en 2001 ou le mouvement Attac.
Ecoland pourrait donc exister : Grenier y concentre toutes les alternatives à un mode de vie absurde où la consommation et la pollution sont excessives. Les habitants d'Ecoland ne sont pas de doux rêveurs, ce sont des médecins, des ingénieurs, des scientifiques qui mettent leurs connaissances au service d'une vie fondamentalement différente. C'est surtout pour cela que ce roman est passionnant : il concrétise des idées qui existent et offre donc aux lecteurs la possibilité de réfléchir et de choisir, peut-être leur vie hors de ce que notre société, via les médias, entre autres, leur propose.
Catherine GENTILE (lui écrire)
Première parution : 24/3/2003 nooSFere