J. Gregory Keyes, né en 1963 dans l'État du Mississippi, a exercé plusieurs métiers pittoresques tout en accomplissant des études très poussées dans le domaine de l'anthropologie. Après deux romans de fantasy remarqués, il s'est imposé à l'attention du public et de la critique américains avec « L'Âge de la déraison », une tétralogie évoquant un XVIIIe siècle parallèle particulièrement jubilatoire, dont Les Démons du Roi-Soleil (Grand prix de l'Imaginaire 2002) et L'Algèbre des anges constituent les deux premiers volets.
Dix ans se sont écoulés depuis la bataille de Venise entre le tsar de Russie, fort de ses vaisseaux volants, et le roi de Suède, soutenu par Benjamin Franklin et ses trouvailles scientifiques.
Après la face de l'Europe, bouleversée par les travaux alchimiques de Newton et la comète qui s'est abattue sur Londres, c'est au tour de celle de l'Amérique d'être menacée. Débarqué à Charles Town, Jacques Stuart, dit le Prétendant, tient à faire valoir ses droits à la royauté sur des colons qui ont aboli l'esclavage, vivent en bonne entente avec les Indiens et sont en train de jeter les bases d'un État démocratique. Par ailleurs, un inquiétant rassemblement s'opère à l'Ouest autour d'un mystérieux Enfant-Soleil, instrument de la faction des créatures éthériques — les malakim — qui a décidé d'éradiquer l'humanité de la surface de la Terre.
Benjamin Franklin et sa Junte, la société secrète qu'il a organisée, veillent au grain, mais il leur faudra l'aide d'une confédération encore à construire, de Red Shoes, dont les pouvoirs chamaniques sont plus que jamais précieux, et d'Adrienne de Montchevreuil, en quête de son fils disparu et d'une science ne devant rien aux malakim, pour déjouer les machines infernales lancées contre les derniers bastions de la raison et de la liberté.
Critiques
J. Gregory Keyes poursuit ici la tétralogie débutée avec Les démons du Roi-Soleil et continuée avec L'algèbre des anges. Dix années ont passé depuis le deuxième tome ; Benjamin Franklin est revenu en Amérique ; quant à Adrienne de Montchevreuil, elle est à la cour du tsar Pierre. Leur position favorisée (Ben est apprécié de tous à Charles Town — une sorte de patriarche avant l'heure, Adrienne directrice d'études à Saint-Pétersbourg) va être mise à mal très rapidement, les obligeant à fuir. En effet, Jacques Stuart, dit le Prétendant, débarque en Amérique en provenance d'Angleterre pour faire valoir ses droits sur le nouveau continent. Franklin craint pour l'équilibre fragile qui s'était péniblement installé entre les différentes populations (Blancs, Indiens, Noirs). Quant à la Russie, elle se débat dans la guerre civile pour la conquête du pouvoir.
Au même moment, Red Shoes, le chaman, découvre qu'une terrible menace plane sur le monde, et semble s'articuler autour de l'Enfant-Soleil, dont il se pourrait fort qu'il s'agisse du fils disparu d'Adrienne, Nicolas.
L'auteur applique ici la même « recette » qui avait fait le succès des premiers volumes de la saga : écriture fluide, personnages travaillés, intrigue palpitante, et trame découpée entre plusieurs protagonistes (même si le fil qui s'attache au destin de Red Shoes disparaît curieusement à la moitié du roman pour revenir bien plus tard). On retrouve donc un schéma classique qui ravira ceux qui avaient apprécié les tomes précédents. Mais Keyes n'en reste pas là : il traite le problème de l'esclavage — et, d'une manière plus générale, celui des règles délicates et souvent bien fragiles qui gèrent les relations humaines,. Les alliances se nouent et se dénouent dans ce roman, comme du reste dans tout le cycle, certains personnages pouvant au gré des épisodes combattre ou aider les mêmes protagonistes. Cette nouvelle thématique permet à l'auteur de donner richesse et profondeur à ce qui sans cela ne serait rien de plus qu'un roman picaresque intelligent.
Keyes confirme ainsi qu'il est un auteur attachant, capable de procurer un agréable moment de détente, sans que celle-ci nuise à la réflexion. Et le lecteur de s'impatienter au sujet de la rencontre entre Benjamin et Adrienne, promise depuis le premier tome, mais pas encore réalisée.
Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantesAndré-François Ruaud : Cartographie du merveilleux (liste parue en 2001) pour la série : L'Age de la déraison