Ursula K. LE GUIN Titre original : The Farthest Shore, 1972 Première parution : États-Unis, New York : Atheneum, septembre 1972 Cycle : Terremer vol. 3
POCKET
(Paris, France), coll. Science-Fiction / Fantasy n° 5203 Dépôt légal : mai 1985, Achevé d'imprimer : juillet 1988 Retirage Roman, 226 pages, catégorie / prix : 3 ISBN : 2-266-02348-9 Format : 10,8 x 17,8 cm Genre : Fantasy
Un jeune garçon nommé Arren apporte une inquiétante nouvelle : dans son pays, les sorciers ont oublié leur langage et perdu leur pouvoir. Le vieux Ged, l'archimage, doit remettre à l'endroit ce qui est à l'envers. Tous deux font voile vers des îles dévastées. Chez les Enfants de la Mer Ouverte, qui vivent sur des radeaux, Ged et Arren assistent au long bal, où les chanteurs oublient les paroles et se taisent. Ailleurs, même les dragons, privés du langage, se sont entretués. Est-ce la fin du monde ? Les signes se précisent : au loin, le haut seigneur des ténèbres étend son empire sur Terremer. Pour l'affronter, il faut aller au pays des morts, franchir le mur de pierre, suivre la route amère, atteindre la source sèche. Là se déroulera un étrange combat, où la seule victoire possible est la guérison de l'adversaire. Arren peut-il, à ce prix, régner sur les îles régénérées ?
Ursula Le Guin, née en 1929, est la fille de l'ethnologue Theodora Kroeber. Depuis des années, elle occupe dans la SF une place à part : sans méconnaître les cauchemars ambiants, elle édifie des univers chatoyants où des personnages étrangement sereins s'essaient à tenir compte des autres, à respecter leurs particularités, à vivre ensemble tout simplement. Elle a obtenu le Prix Hugo en 1975, pour son roman les Dépossédés.
Dans la trilogie de Terremer, écrite par Ursula Le Guin il y a bientôt vingt ans, Les Tombeaux d'Atuan est, me semble-t-il, le volet le plus réussi, le mieux structuré et celui dans lequel l'intérêt pour la lecture reste stable à un niveau élevé. Dans ce roman, en effet, il n'y a pas véritablement de temps mort, ni ces voyages un peu trop longs, par terre ou par mer, qui parsèment Le Sorcier de Terremer et L'Ultime Rivage.
Le respect de l'unité de lieu dans presque toutes les scènes est peut-être pour quelque chose dans cette impression. Le nombre très restreint de personnages, également.
Epervier est venu chercher la moitié de l'anneau d'Erreth-Akbe qui se trouve au fond des tombeaux d'Atuan, là où sont enterrés les redoutables Innommables et leur puissance démoniaque. Seulement voilà, s'il a su y entrer par effraction, il ne voit pas comment il pourrait en sortir. Le piège l'a englouti. Assailli par les forces mauvaises qui règnent sous les tombeaux, perdu dans un inextricable labyrinthe obscur, sans eau ni nourriture, Epervier sent que la mort est proche. Aurait-il péché par orgueil ? Peut-être. Ou peut-être pas, car il semble, contre toute attente, qu'il ait une alliée dans la place ; une étrange alliée, en vérité, celle que l'on nomme La Dévorée...
L'Ultime Rivage s'ouvre longtemps après l'épisode des tombeaux d'Atuan. Les années ont passé et, grâce à ses exploits, Epervier est devenu l'Archi-mage de l'île de Roke où est sise l'Ecole des Sorciers. Là, un jeune homme en qui il reconnaîtra un personnage à l'avenir grandiose vient lui rendre visite, lui apportant de fâcheuses nouvelles : l'art des sorciers se perd, leurs pouvoirs s'effilochent et la confiance que les habitants de Terremer avaient en eux meurt à petit feu. Alarmé par tant d'indicibles horreurs, Epervier, accompagné par son messager, quitte son île et part en quête de la cause de tous ces maux. Ce trop long chemin (mais « ce n'est pas en allant trop loin qu'on va assez loin ») le mènera jusqu'au Royaume des Morts, dans une contrée où même les puissants dragons ne vont pas et où il finira par rencontrer celui qui se dit immortel.
La trilogie de Terremer présente une épopée pleine de pénombre et de tristesse où perce parfois, mais trop rarement, la lumière d'une étoile. Peut-être est-ce trop de pessimisme ? La vie de ce sorcier hors pair, meurtri par ses propres expériences, grandi par elles, ne ressemble-t-elle pas à un chemin de croix au bout duquel, d'ailleurs, Epervier perdra son pouvoir ?
Le dénouement heureux, tardif, qui clôtura chacun des trois tomes de Terremer ne suffit pas à effacer la sensation de malaise suscitée par leur lecture. Il est surprenant de trouver une telle angoisse dans une œuvre d'Héroïc-Fantasy ; une angoisse qui persiste et que le retour au monde réel ne peut faire oublier tout à fait.
Trilogie de « sword and sorcery », romantique, épique, gothique. On ne s'y ennuie pas un seul instant, et souvent l'ampleur des descriptions et des situations provoque l'enthousiasme, vite retombé quand on sait que l'ensemble des trois volumes coûte plus de 200 F, pour des romans de 270 pages à gros caractères. Si vous avez fait un héritage, vous pouvez malgré tout essayer, sans crainte de perdre votre temps : voilà trois romans qui, tout en dépaysant et en appliquant les recettes du fantastique, ne tombent pas, comme nombreux textes d'heroic fantasy, dans l'accumulation de fantasmes réactionnaires et de morale sclérosée.
Bien sûr, il y a un héros supérieur, bien sûr les sorciers et les simples mortels ne sont pas sur un pied d'égalité, bien sûr on n'y trouve pas de critique du nucléaire, mais ce qui se dégage malgré cela est assez sympathique : une vision écologique du monde, où la nature est source du bien, où la sagesse est de respecter l'équilibre planétaire.
De temps en temps, ça fait plaisir d'oublier les flics et de se plonger dans des aventures manichéennes bourrées de dragons et de filtres magiques. La marche à pied, les tempêtes et la cueillette des plantes médicinales c'est tout de même plus planant que les fusées atomiques.