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La Réserve des lutins

Clifford Donald SIMAK

Titre original : The Goblin Reservation, 1968
Première parution : Galaxy Magazine, avril et juin 1968 / États-Unis, New York : G. P. Putnam's Sons, octobre 1968
Traduction de Barbara KAMIZ

DENOËL (Paris, France), coll. Présence du futur n° 119
Dépôt légal : 1969
Première édition
Roman, 224 pages, catégorie / prix : 1
ISBN : néant
Format : 11,0 x 18,0 cm
Genre : Science-Fiction


Autres éditions
   DENOËL, 1970, 1971, 1984, 1993, 1993
   in Galaxie (2ème série) n° 60, OPTA, 1969
   in Galaxie (2ème série) n° 61, 1969
   in Galaxie (2ème série) n° 62, 1969

Quatrième de couverture
Le XXV° siècle est une époque formidable où l'on ne s'étonne plus de rien, où l'on est en mesure de transplanter dans le présent des personnages du passé, où l'on ne s'étonne même plus de cohabiter avec des trolls, des fées, des lutins, ou toutes autres créatures qu'on avait autrefois crues imaginaires. Cependant, les amis du jeune Pr Maxwell vont tout de même éprouver une certaine surprise lorsque, trois semaines après avoir suivi son enterrement, ils le voient débarquer à l'université. Maxwell, lui, prétend rentrer d'un voyage d'exploration sur la planète Cristal, chargé d'une mission de première importance pour l'avenir de l'humanité. Mais allez donc prendre au sérieux quelqu'un qui, mort et enterré, n'a même plus d'état civil !...
Critiques

     Imaginons… Imaginons l’improbable, l’incroyable, l’impossible. Imaginons un directeur d’une collection de science-fiction qui n’aimerait pas la science-fiction. Si cet être mythique existait vraiment, il est bien évident qu’il ne lirait pas les revues spécialisées et que le mot Galaxie évoquerait tout au plus dans son esprit le nom de la Voie Lactée et peut-être celui d’un avion géant. Il ne faudrait alors pas s’étonner qu’il publie un livre déjà paru quelques mois plus tôt chez un autre éditeur, engageant les frais d’une nouvelle traduction. Et nous n’avons éprouvé aucune surprise lorsque La réserve des lutins par Clifford Simak, sorti dans la collection Présence du Futur s’est révélé n’être autre que La planète des ombres (Galaxie n° 60 à 62) affublé d’un nouveau titre.

     Dans un monde régi par l’entropie, il est logique que tout aille en se dégradant ; mais, quand on atteint le fond de l’abysse, comment descendre plus bas ? Car enfin, il semble bien qu’à moins de publier l’œuvre complète de François Mauriac, Présence du Futur soit obligée de refaire surface. À ce point de vue, si La réserve des lutins doit marquer le renouveau d’une collection autrefois respectée, nous avalerons la pilule sans faire trop de grimaces : mais si elle doit continuer à se moquer des amateurs, comme elle le fait depuis des années, nous nous résignerons à ne plus considérer cette série que comme un sous Fleuve Noir à prétentions intellectuelles. Il ne serait pourtant pas bien difficile de publier d’excellents romans inédits, le choix ne manque pas d’Anderson à Zelazny ; mais, pour publier des ouvrages intéressants, il faudrait d’abord les avoir lus…

     S’il y a quelque chose d’amusant dans cette triste affaire, c’est que Présence du Futur imite l’ancienne édition de Galaxie, à quelque douze années d’intervalle on se souviendra peut-être que, dans ses numéros 56 et 57, la première incarnation de Galaxie avait publié une version tronquée du roman d’Alfred Bester, Jusqu’aux étoiles, que l’on avait pu lire chez Denoël l’année précédente sous le titre Terminus les étoiles. Sept numéros plus tard, Galaxie cessait de paraître…

     Nous ne tenterons pas d’analyser en détail La réserve des lutins, puisque la plupart des amateurs auront déjà pu se faire une opinion sur ce livre, mais, pour ceux qui ne lisent que Fiction, nous en donnerons un résumé rapide.

     Les événements se centrent sur un mystérieux artefact, cet étrange objet qu’une expédition temporelle a arraché aux griffes du passé. Les habitants évanescents de la planète de Cristal, race dont la genèse a suivi de peu celle de l’univers mais dont la fin est proche, seraient prêts à échanger leurs connaissances – et elles touchent à l’Infini – contre l’artefact. Cette proposition ayant conféré à une relique sans grand intérêt apparent une importance extraordinaire, il est donc logique que la race des Routeurs, qui dispute la suprématie de la Galaxie aux Terriens, essaie de s’emparer de l’artefact. Comme toujours dans ce genre d’histoires, les autorités humaines ne sont pas prévenues du marché proposé par la planète de Cristal ou ne veulent pas y croire, ce qui implique que le héros, Peter Maxwell, aidé de quelques amis, se retrouvera seul contre des ennemis implacables. Notons encore que les amis de Peter Maxwell sont d’espèces un peu spéciales : il s’agit d’un fantôme, d’un homme de Néanderthal, d’un tigre à dents de sabres et (évidemment) d’une jeune fille. À ce groupe hétéroclite il faut ajouter le Petit Peuple des Gobelins, des Trolls, des Sylphes…

     Le Petit Peuple semble d’ailleurs beaucoup intéresser Clifford D. Simak ces temps-ci, puisqu’on l’avait déjà vu apparaître dans Le principe du loup-garou où il jouait un rôle épisodique. Il pourrait d’ailleurs donner matière à des romans intéressants, et nous sommes sûrs qu’un Simak au début de sa carrière aurait tiré des variations passionnantes sur le sujet, mais l’auteur de Demain les chiens a bien mal vieilli… Nous ne prétendrons tout de même pas que La réserve des lutins surpasse Eterna en nombre d’inepties par ligne, déficience de construction et inintérêt de l’histoire : ce serait difficile. Non, au contraire, La réserve des lutins contient quelques passages bien venus ; la première partie notamment, avec la présentation des nombreux personnages et l’exposition du problème, est assez prenante, mais l’intérêt se perd rapidement. Ceci est dû, d’après nous, à deux raisons principales : d’un côté, Simak construit ses récits sur du vent, et encore ne déplace-t-il pas assez d’air pour gonfler un ballon ; d’un autre, il est incapable de provoquer chez son lecteur des sentiments d’angoisse, de peur ou même de gêne.

     Pour comprendre ce dernier point. Il suffit de voir comment les menaçants Rouleurs peuvent devenir des petites bêtes de plus en plus inoffensives au fur et à mesure que le roman approche de son terme. Il semble que Simak se soit laissé prendre au jeu de la science-fiction pastorale et bon enfant, au point de devenir incapable d’écrire autre chose. Nous nous rappelons encore avec grand plaisir les aimables extra-terrestres de Honorable adversaire (dans le recueil de nouvelles La croisade de l’idiot), mais nous nous rappelons aussi l’atmosphère étouffante de Bonne nuit, Mr. James (que l’on peut trouver entre autres dans le volume Tous les pièges de la Terre). En ce temps-là, l’auteur américain savait encore adapter son style à son sujet, ce qui n’est plus le cas maintenant, et c’est bien dommage.

     Tout comme il est dommage de voir Simak se lancer dans un roman avec deux ou trois petites idées comme bagages, alors qu’elles suffiraient à peine à inspirer une short-short à Fredric Brown – le Fredric Brown de L’univers en folie, de Fantômes et farfafouilles, bien sûr, car, s’il reprenait la plume, nous aurions peut-être de mauvaises surprises… Il faut tout de même avouer que Simak sait assez bien cacher les faiblesses de ses thèmes en présentant des personnages plaisants, susceptibles de détourner l’attention du lecteur pendant que la montagne accouche de sa souris. Mais cette habileté technique ne peut cacher complètement le fait que La réserve des lutins est un de ces romans où on se retrouve exactement au point de départ après deux cents pages d’intrigues complexes. Quoique les exemples de livre-ourouboros ne manquent pas (citons Créateur d’univers d’A.E. van Vogt et The stars, like dust… d’Isaac Asimov), nous pensons que ce genre d’ouvrages ne peut faire que du mal à la science-fiction. Alfred Bester écrivait dans le Fiction n° 104 : « Le soussigné en veut à ces auteurs qui partent d’une broutille et en font une histoire en se contentant de la dissimuler au lecteur (…) C’est une malhonnêteté littéraire (…) Un bon auteur commence son récit là où un écrivain médiocre termine le sien (…) Bien des auteurs actuels de science-fiction terminent leurs récits là où un mauvais auteur commencerait le sien. » Les temps ont passé, la situation n’a fait qu’empirer, et ceux que l’on considérait comme les meilleurs écrivains de la science-fiction se sont lancés dans des romans aussi vides que La réserve des lutins.

     Toutefois, il serait honnête de dire que bien des lecteurs ont dû être rivés à leur fauteuil par les aventures de Peter Maxwell et la révélation du dérisoire secret de l’artefact, puisqu’ils ont juché La réserve des lutins au sommet d’un référendum organisé par le Galaxy américain, reléguant le merveilleux Roum de Robert Silverberg (Galaxie n° 61) dans les profondeurs du classement. On se prend alors à rêver au succès qu’auraient les livres de Maurice Limat aux États-Unis, s’ils y étaient traduits…

Marcel THAON
Première parution : 1/7/1970 dans Fiction 199
Mise en ligne le : 11/9/2022

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition DENOËL, Présence du futur (2001)

     Paru en 1968, La réserve des lutins est la première d'une série d'utopies où Simak nous montre un monde heureux, ou presque (car il faut bien qu'un problème justifie l'histoire) ; ici c'est une université où cohabitent humains, lutins, fantômes même. Et le héros est une sorte de double, créé par un incident de téléporteur : le professeur Maxwell (Simak a-t-il pensé au « démon de Maxwell » des physiciens ?) veut rentrer chez lui après un voyage à la recherche d'un dragon et découvre alors qu'il est déjà rentré, mort et enterré. La recherche de ce mystère, la vente de la Terre aux Roulants et sa récupération par les humains, l'arrivée sur Terre du dernier dragon qui va se réfugier dans la Réserve des lutins, ne sont que prétextes pour nous présenter la vie merveilleuse dans cette université, les facéties des lutins et autres Petits hommes, les problèmes d'un fantôme amnésique qui, rencontrant William Shakespeare amené par une machine temporelle, se rappelle être le fantôme... de Shakespeare. Simak n'en a d'ailleurs pas fini avec l'auteur anglais, même si la « planète de Shakespeare » tire son nom d'un explorateur homonyme.

     En fin de compte un livre de pure fantaisie. (Ou faut-il écrire fantasy ? En tout cas ce n'est sûrement pas de la hard science !) Il est vrai qu'après ses grands classiques, Simak avait certainement envie de se délasser, et de délasser ses lecteurs, et que ce livre ne prétend pas traiter d'un problème fondamental ou apporter un message cosmique.

     Et, comme je l'ai déjà dit, il va répéter le thème du monde (presque) parfait, avec La planète de Shakespeare, qui se situe loin de la Terre et de ses troubles, et avec Mastodonia, où ce monde parfait, sans pollution ni aucun des ennuis de la vie moderne, sera créé dans un lointain passé.

Georges BORMAND
Première parution : 1/4/2001
dans Bifrost 22
Mise en ligne le : 11/10/2003

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