Séparés de la Terre par un abîme, les Quatre Empires Réconciliés sont des mondes parallèles fascinants qui regorgent de merveilles et d'abominations. Poursuivi par des adversaires meurtriers, affrontant un univers hostile et déconcertant, John Furie Zacharias, lancé à la recherche de Judith, la femme qu'il aime, va tenter de la rejoindre au milieu du chaos inextricable des Quatre Empires. Son périple l'entraînera aux frontières de la folie, dans ce domaine de l'invisible que l'on appelle l'IMAJICA. Il découvrira alors la nature de son rôle crucial dans l'ordre des mondes, et son destin de rédempteur... ou de destructeur.
Clive Barker a fait à l'âge de trente ans une entrée fracassante dans le paysage du roman d'épouvante avec ses recueils de nouvelles : Livres de sang. Stephen King dira vite de lui : « J'ai contemplé l'avenir de l'horreur, et son nom est Clive Barker. » Moins de quinze ans plus tard, Barker a bouleversé la littérature de terreur en lui faisant transgresser les limites du genre.
L'Imajica est constitué de cinq empires : quatre de ces mondes baptisés les Empires Réconciliés sont séparés de notre terre (le Cinquième Empire) par un noman's land, l'In Ovo. Le roman débute presque deux cent ans après la dernière tentative par le Maestro Sartori, un puissant magicien venu de l'autre côté de l'In Ovo, de réconcilier le cinquième empire avec les quatre autres. L'échec sanglant du mage s'est soldé par sa disparition et l'élimination quasi-totale des humains et non-humains ayant participé à son œuvre. Deux siècles après donc, il semble que quelqu'un ou quelque chose soit à nouveau tenté par la Réconciliation. Et pendant qu'à Londres Charles Estabrook loue les services de Pie l'assassin grâce à l'aide de son chauffeur Chant, dans le but d'éliminer Judith, sa femme qui vient de le quitter, nous faisons connaissance de Gentle, peintre et séducteur, ex-amant de Judith. Mais ce qui se présente comme un vaudeville qui tourne mal va très vite prendre une dimension ignorée par ses protagonistes, tant il est vrai que Chant et Pie ne sont pas ceux qu'ils semblent être au premier abord.
Dans sa préface, l'auteur revient sur la genèse de cet ouvrage en soulignant l'ambition — sans doute démesurée — qui l'a guidé dans sa composition. Il y explique que pour le romancier qu'il est, son travail revient souvent à « mettre au jour quelque fragment d'explication qui nous aiderait à mieux comprendre qui nous sommes et quelle est notre condition » et que cette tâche l'entraîne dans « untrio de disciplines — psychologie, physique et théologie — à l'intérieur d'une aventure interdimensionnelle ». Et force est de reconnaître qu'Imajica est sans doute son roman le plus ambitieux à ce jour, même s'il peut sembler moins maîtrisé que certains de ceux qui ont suivi — on pense bien sûr à Everville, mais surtout à Sacrament. En effet, dans ce dernier roman, on retrouve à la fois le talent de Barker lorsqu'il donne vie à ses personnages (talent tout droit hérité des Livres de sang, dans les nouvelles desquels l'auteur brosse un nombre impressionnant de caractères, tel un La Bruyère horrifique), et à la fois son don développé depuis Le royaume des devins pour la création d'univers — et qui inspire à certains esprits chagrins la réflexion que Barker a abandonné l'horreur pure pour la fantasy, alors que l'auteur a simplement enrichi la palette à partir de laquelle il compose ses romans.
D'ailleurs, la force des personnages créés par Barker est sans aucun doute ce qui permet au lecteur d'Imajica de ne pas se perdre dans le foisonnement (cinq univers tout de même !) Imaginatif auquel il est confronté (rarement un « Grand prix de l'imaginaire » aura autant mérité son appellation). C'est sans doute chez eux qu'il faut chercher une constante de l'univers barkerien : le corps si malléable de Pie n'est-il pas l'écho de celui de Jacqueline Ess (« Le testament de Jacqueline Ess » in « Une course d'enfer ») ? Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.
Cette réédition vient rappeler s'il besoin en était que le fantastique moderne doit déjà beaucoup à Barker et qu'il peut sans aucun doute en attendre encore au moins autant.
Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantesJean-Pierre Fontana : Sondage Fontana - Fantasy (liste parue en 2002) pour la série : Imajica André-François Ruaud : Cartographie du merveilleux (liste parue en 2001) pour la série : Imajica