Stanislas de Coligny est un éminent généticien bien décidé à changer la face du monde et ce au mépris de toutes les règles éthiques. Aussi, lorsque sa sœur, Fleur, tombe enceinte et que l'analyse du fœtus montre un défaut dans les séquences d'ADN, propose-t-il de corriger les errements de mère nature. Mais le père s'y oppose farouchement, et pour cause : Léonard Jansen est non seulement un spécialiste de la régénérescence cellulaire mais aussi un membre du comité d'éthique, très hostile aux manipulations génétiques sur les êtres humains. Tout oppose les deux hommes, et lorsque Léonard Jansen découvre des années plus tard une technique mettant l'immortalité à portée de main, Stanislas — devenu célèbre grâce à l'exploitation, par un gouvernement sans scrupules, de ses travaux sur la création d'enfants parfaits — est prêt à tout pour s'en emparer. Mais si l'immortalité est tentante, elle ne pose pas moins d'importantes questions et ouvre des perspectives qui, pour certaines, mettent en péril l'avenir de l'humanité et d'abord celui des plus défavorisés ...
En voyant « Prix du roman fantastique » sur la couverture, on s'attendrait à trouver du surnaturel, des vampires, du satanisme, du sexe, de l'horreur et de la violence ou du moins quelques-uns de ces ingrédients. Rien de tout cela — sauf quelques rares scènes assez chaudes — mais au contraire une anticipation, peut être placée dans un avenir trop proche pour être parfaitement crédible, sur le thème scientifique de l'immortalité. Au travers de cette histoire de famille, Elias Jabre pose une question simple sur le devenir de l'humanité si l'immortalité devenait scientifiquement réalisable. Et à cette question, il donne des réponses multiples et effrayantes. Le roman traite des luttes de pouvoir pour accéder à ce rêve, et développe aussi les effroyables conséquences de la situation, comme le génocide programmé des plus faibles ou la reproduction contrôlée pour éviter une inéluctable surpopulation.
À une époque où les manipulations génétiques et le clonage font débat, Immortalis est un roman qui nous oblige à nous interroger. Sans rentrer dans des explications trop techniques, les théories scientifiques évoquées sont fondées et simplement extrapolées. Le thème, pourtant très banal dans la littérature de SF, est ici traité sous un angle différent : une logique froide et simple emporte la conviction, mais avec le ton et le rythme du roman d'action. Cependant, si dans quelques années Elias Jabre révisait ce roman, il pourrait aisément approfondir les personnages ainsi que de la réflexion, qui sont souvent les points faibles des premières publications. Les citations diverses et variées — elles vont de l'Ancien Testament à Michael Jackson ! — qui figurent en exergue des chapitres rendront perplexe plus d'un lecteur. Pourtant la véritable immortalité ne réside-t-elle pas dans la richesse culturelle, et non dans notre survie bassement matérielle ?
Finalement, Immortalis est un premier roman des plus prometteurs.
Fabrice FAUCONNIER (lui écrire)
Première parution : 24/3/2004 nooSFere