Qu'est-ce que le fantastique ? Si vous l'ignorez, sachez que vous ne sortirez pas de ce livre avec les idées plus claires, car, comme son titre l'indique, il a pour objet de traquer le fantastique dans ses frontières, ses marges, ses limites, et même un peu au-delà...
Citons la conclusion des auteurs : « Au terme de ce parcours, le lecteur (patient) se trouve dans la situation des aveugles, si l'on se réfère au texte bouddhique. Mis devant un éléphant, les différents aveugles touchent, et reconnaissant une partie de l'animal : 'c'est un serpent dit celui qui touchait la trompe, c'est un buffle dit celui qui tâtait les défenses', etc. En effet, nous avons exploré par ces textes des frontières littéraires, dont tout indique qu'elles sont poreuses, hétérogènes, confuses et peut-être arbitraires. »
Il pourrait s'agir là d'un constat d'échec, rendant inutile d'emblée la lecture d'un tel ouvrage. Erreur ! Car si le parcours peut sembler ne mener nulle part, ses différentes étapes nous ont appris beaucoup. Et si la question princeps ne rencontre pas de réponse claire et univoque, on trouve ici rassemblées un grand nombre d' « éléments de réponse » qui valent à eux seuls qu'on s'y intéresse.
On ne s'étonnera donc pas de voir se côtoyer des textes relatifs au fantastique le plus classique à travers ses auteurs emblématiques (Poe, Ray, Seignolle...) et des articles traquant le fantastique au sein de la science-fiction (La Quatrième dimension...) ou abordant le retour d'une vraie « hard » SF (Egan, Bear...). On ne s'étonnera pas plus de voir le thème de la médecine se décliner d'abord dans la littérature fantastique du XIXe siècle, puis dans la littérature de SF à partir de Wells jusqu'à Jean Sadyn, auteur du Fleuve Noir à peu près tombé dans l'oubli mais dont le roman La Nuit des mutants aurait connu un succès inattendu auprès de la communauté médicale d'Outre-Atlantique.
Le moins que l'on puisse dire est que cet ouvrage est hétéroclite, avec un fil conducteur fort lâche, mais par conséquent fort riche. Il s'agit d'essais universitaires, donc parfois difficiles d'accès, du fait d'un vocabulaire spécialisé et de nombreuses références que ne maîtrise pas forcément le profane. Mais pour qui veut se donner la peine d'y entrer, ces essais recèlent des anecdotes passionnantes, des mises en perspective et des réflexions éclairantes, bref un parfait reflet du le foisonnement d'un genre aux multiples facettes et toujours bien vivant.
Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 14/11/2004 nooSFere