GALLIMARD
(Paris, France), coll. Folio SF n° 215 Dépôt légal : juin 2005 Recueil de nouvelles, 400 pages, catégorie / prix : F9 ISBN : 2-07-030388-8 Format : 10,8 x 17,9 cm Genre : Science-Fiction
Et si la Cité du Soleil, l'utopie du moine dominicain Tommaso Campanella, existait vraiment ? Si incroyable que cela paraisse, Paul n'en a pas moins disparu à sa recherche en laissant derrière lui de mystérieux indices à l'intention de Laura, son amour. Une formidable quête métaphysique attend la jeune femme.
Révisez votre histoire : en 1798, la double couronne d'Egypte a fait de Bonaparte l'Empereur-Pharaon du monde occidental. Deux cents ans plus tard, l'Empire est mis en péril par les républicains. Tout va se jouer à bord du Champollion, quelque part en orbite autour de Titan...
L'Univers se meurt. De tous les peuple qu'il abrite, seuls les Hu semblent en mesure de combattre l'inéluctable en la personne — ou plutôt l'intelligence désincarnée — de Hu-Jon, le Gardien de la Mnémothèque céleste.
Trois courts romans d'une rare ambition où Histoire et science-fiction s'enlacent étroitement, quelque part entre Robert Silverberg et Umberto Eco.
Quand il n'enseigne pas l'histoire du droit à l'université de Nice, Ugo Bellagamba écrit. On lui doit de nombreuses nouvelles et deux romans en collaboration avec Thomas Day (L'école des assassins et Le Double corps du roi).
1 - La Cité du soleil, pages 11 à 136, nouvelle 2 - L'Apopis républicain, pages 137 à 230, nouvelle 3 - La Stratégie Alexandre, pages 231 à 262, nouvelle 4 - Dernier filament pour Andromède, pages 263 à 377, nouvelle 5 - Bibliographie raisonnée sur Tommaso Campanella et l'utopie, pages 379 à 384, bibliographie 6 - De la nécessité de faire ses gammes..., pages 385 à 391, postface
Ce recueil contient trois longs récits, dont deux inédits et un publié il y a plusieurs années dans l'anthologie Aventures lointaines.
La Cité du soleil : Revenant de voyage, une jeune femme, Laura, découvre que Paul, son petit ami, un chercheur, a disparu. Ses recherches portaient sur un ouvrage du 17e siècle de Campanella, décrivant une utopie. Et il semblerait que Paul croit dur comme fer que Campanella avait véritablement créé sa société utopique, en France, et qu'il ne s'agit pas d'un simple exercice de style. Utilisant les indices laissés par Paul, Laura part à sa recherche.
Si l'idée de l'utopie qui aurait réellement existé, voire existerait tout près de nous encore aujourd'hui, est intéressante, le texte souffre de certains défauts. Le personnage de Paul souhaite quitter ce monde pour vivre dans l'utopie de Campanella, mais je n'ai pas trouvé de justifications psychologiques suffisamment fortes pour croire au personnage. Le texte repose entièrement sur la quête / enquête de Laura, et j'ai trouvé cette dernière peu passionnante. Enfin, l'existence de l'utopie n'est pas justifiée, contrairement à un texte qu'évoque fortement La Cité du soleil : Nulle part en Livérion de Serge Lehman, paru vers 1996. Bref, une novella pas mauvaise, mais pas très passionnante.
L'Apopis républicain :
Nous sommes en l'an 226 de l'Ère Impériale. Les successeurs de Napoléon continuent de diriger l'Empire d'une main de fer, Empire qui s'est bien étendu depuis puisqu'il incluse désormais les colonies lunaires et martiennes. D'autre part, c'est la religion égyptienne qui a été imposée dans tout l'Empire par Napoléon Premier, suite à une certaine découverte archéologique faite par Champolion. Deux siècles plus tard, le Dauphin dirige une expédition sur un satellite de Saturne : Titan, où l'on découvre un artefact extraterrestre comme il était prédit par la découverte de Champolion. Mais des ennemis de l'Empire, favorable au rétablissement de la République, de la Liberté et des droits de l'homme, sont à bord et fomentent un coup d'état.
L'univers uchronique de ce texte est rendu de manière particulièrement crédible et fouillée, et l'intrigue est tout aussi passionnante ; on s'intéresse autant à cette histoire de révolution qu'à l'expédition archéologico-spatiale. Les personnages parviennent à ne pas être bêtement manichéens (les Gentils Républicains contre les Méchants Impériaux). De la très très bonne SF.
Dernier filament pour Andromède :
Après la Provence, puis le système solaire, nous continuons d'avance dans l'espace et le temps. À des millions d'années dans le futur, les êtres de la Voie Lactée vivent en paix, et jouissent de pouvoirs et d'une longévité importants puisqu'ils sont constitués d'énergie. Mais l'Entropie étant son emprise sur l'univers : petit à petit, révolution galactique après révolution galactique, les soleils s'éteignent, les trous noirs s'étendent. Les Archontes, la race dominante de la Voie Lactée, a baissé les bras. Mais la jeune race des Hu (comprenez : les descendants des humains) ne comptent pas se laisser mourir sans rien faire.
Un texte de SF ambitieux et vertigineux comme je les aime : l'auteur jongle avec l'espace et le temps, ramène l'infiniment grand à l'échelle du récit, et fait vivre des êtres radicalement différents de nous. Et pour ne rien gâter, l'histoire est intéressante. On pourrait formuler quelques reproches mineurs (notamment, l'enjeu du combat mené par les Hu est assez prosaïque — la Liberté contre l'Oppresseur — et dénote avec l'ampleur galactique du décors), mais rien de très grave.
J'ai trouvé ces trois novellas bien plus convainquants que L'école des assassins, co-écrit avec Thomas Day, chez le même éditeur, qui ne manquait pas d'idées mais ne fonctionnait pas très bien. Prenant le nombre de pages nécessaires pour développer ses univers et ses histoires, ce jeune auteur fait preuve d'ambition, et ne manque pas de moyens pour parvenir à ses fins. Dans la préface, Gilles Dumay évoque Serge Lehman, et la comparaison n'est pas injustifiée. Un recueil à lire, et un auteur à suivre.
Le premier livre en solo d'Ugo Bellagamba est bâti sur une formule peu courante : il regroupe trois récits à mi-chemin entre la longue nouvelle et le court roman (les anglophones parleraient de « novellas »), et révèle une grande variété d'inspiration. Organisé par ordre chronologique, le recueil se conclut par Dernier filament pour Andromède, vision cosmologique d'un futur lointain peuplé par des êtres d'énergie qui redécouvrent l'humanité de leurs racines organiques oubliées. Bellagamba fait de la concurrence à Benford ! Il est rare qu'un auteur français s'aventure sur ce terrain de la SF la plus pure et, des trois, c'est ce texte qui souffre le plus de la faiblesse sous-jacente du livre : une approche un peu cérébrale, désincarnée (c'est le cas de le dire ici !), qui occulte l'émotion ou l'aborde maladroitement.
L'Apopis républicain, déjà publié sous le pseudonyme de Michael Rheyss dans Aventures Lointaines 01 (Denoël, 1999), se déroule au XXIIe siècle... mais pas vraiment de notre ère : il s'agit d'une uchronie où Napoléon a remporté la bataille de Waterloo, reconquis l'Egypte, et assis son pouvoir grâce à l'ancien panthéon égyptien, promu religion d'état. Une expédition spatiale découvre sur Titan des artefacts extra-terrestres en rapport avec un site archéologique égyptien, tandis que des révolutionnaires s'apprêtent à abattre l'Empire des Bonaparte. Une intrigue un peu linéaire s'efface devant un décor haut en couleurs. À noter surtout une attachante ambiguïté morale : le protagoniste, tout révolutionnaire qu'il soit, ne parvient pas à justifier les violences qu'il commet ou auxquelles il prête son concours.
Le récit qui m'a tenu le plus en haleine ouvre le recueil et lui donne son titre. Une historienne part à la recherche de son amant, disparu à la poursuite d'un mystère du passé : l'utopiste du XVIIe siècle Tommaso Campanella aurait réalisé en Provence la « Cité du Soleil » dont son ouvrage donnait le plan idéal. Le récit est une enquête passionnante, avec ses faux départs et ses diversions (les démêlés sentimentaux de la protagoniste) ; il est enraciné dans son pays (la Provence) et s'appuie sur une remarquable érudition (que Bellagamba ait écrit un mémoire de DEA sur Campanella ne gâte rien).
Un thème parcourt le livre, du XVIIe siècle à la mort entropique de la Galaxie : l'humanité n'accepte pas de se laisser dicter sa conduite par les dieux, les papes ou leurs inquisiteurs. Thème central d'une grande partie de la SF. S'il n'est pas encore un grand styliste, Bellagamba est un auteur ambitieux, prométhéen et prometteur.
Découvrir un jeune auteur capable, dès ses premiers textes, de proposer une science-fiction ambitieuse et novatrice, ce n'est pas si fréquent. Alors, si ce n'est pas déjà fait, voilà un nom à mémoriser d'urgence : Ugo Bellagamba. Quelques nouvelles, deux romans coécrits avec Thomas Day (L'école des assassins ; Le double corps du roi), et La Cité du soleil, recueil paru initialement en 2002, au Bélial', avec une préface de Thomas Day.
La Cité du soleil se compose de trois novellas. Trois longs récits, parfaitement indépendants, mais avec un thème commun : le basculement d'un monde à un autre, d'une civilisation à une autre. Le recueil débute avec la nouvelle éponyme : La Cité du soleil. Laura Firpo, de retour d'Amérique du sud, constate que Paul, son petit ami, a disparu. Paul se consacrait à l'écriture d'une thèse sur la Cité du soleil, l'utopie de Tommaso Campanella, un moine dominicain. Laura part à sa recherche. Utopie et réalité ne tarderont pas à se télescoper... L'idée est intéressante, le concept ambitieux. Pourtant, malgré des qualités évidentes (narration, écriture) le récit ne convainc pas entièrement. Le final est prévisible. Et l'ensemble est un peu trop sage, trop appliqué. Il manque à tout ça une petite pointe de folie pour emporter l'adhésion du lecteur.
Mais heureusement, dès le second récit, l'Apopis républicain, la mécanique s'emballe : à la suite à une troisième campagne d'Egypte, le règne de Napoléon Bonaparte, devenu Empereur-Pharaon, a perduré. Deux cents ans après, l'Aiglon, prince héritier de l'Empire, voyage à bord du Champollion, un gigantesque vaisseau spatial. Mais la révolte gronde. Deux activistes républicains ont pour mission d'assassiner l'Aiglon. Ugo Bellagamba concocte un mélange explosif d'uchronie et de space opera. L'intrigue est forte, la tension va crescendo, et ce complot politique en huis clos est admirablement rendu. Les multiples références historiques ajoutent au plaisir de la lecture. Et, cette fois, le lecteur fait partie du voyage. C'est inventif, nerveux, original et convaincant. Une courte nouvelle, La stratégie Alexandre, complète et clôt le récit en beauté. Le tout forme une magnifique parabole sur la conquête du pouvoir et ses conséquences.
Mais le meilleur reste à venir, avec Dernier filament pour Andromède. L'entropie menace l'univers. La fin des temps est décrétée. Mais la tribu des Hu s'y refuse et organise la résistance... Bellagamba donne ici toute la mesure de son talent. Et le résultat est impressionnant. Il relève le défi d'une SF qui frise la pure abstraction, et parvient à donner vie à des êtres immatériels et inorganiques. Mieux encore : il enchante, il émerveille. Il donne à réfléchir. Ce texte a une vraie grâce, une réelle magie. L'écriture est inventive, lumineuse, et atteint par moments un rare degré d'intensité.
Alors bien sûr, impossible à la lecture de ce recueil de ne pas penser à l'immense Robert Silverberg, influence que Bellagamba assume toutefois avec panache, et qui ne l'empêche pas d'inventer et d'innover, bien au contraire. On sent dans ces trois textes un bouillonnement d'idées, une volonté d'explorer des voies nouvelles. On assiste à l'émergence d'un écrivain exigeant, en perpétuelle recherche, et au potentiel énorme. À l'évidence, Ugo Bellagamba est l'un des grands espoirs de la SF française.