Fabrice Blin est un journaliste spécialisé dans le cinéma d'animation, mais aussi un scénariste et réalisateur de courts-métrages, et surtout un admirateur de l'œuvre de René Laloux. Il a voulu partager cette admiration et de faire connaître, par le biais d'un livre, le cinéaste et ses films ainsi que, plus rare, sa façon de travailler. C'est donc en fait une Histoire de l'Animation française que nous livrent, à travers interviews et témoignages, René Laloux mais aussi quelques-uns de ses complices en animation.
Quand j'ai reçu Les Mondes Fantastiques de René Laloux, j'ai tout de suite pensé qu'il s'agissait d'un ouvrage magnifique. Les splendides dessins de Topor extraits de La Planète Sauvage paraissent encore plus effrayants, ainsi figés. Les croquis préparatoires de Mœbius pour Les Maîtres du Temps ou de Caza pour Gandahar font naître une envie irrésistible de voir ou revoir les films.
Paradoxalement, le principal reproche qu'on pourra faire à ce livre est d'ordre visuel : sur certaines pages au fond de couleur foncée, les textes, qu'ils soient imprimés en noir ou en blanc, sont illisibles tout comme ceux écrits en beige rosé sur fond blanc. Heureusement, ça ne concerne que quelques pages mais c'est dommage car le lecteur risque de se priver des commentaires passionnants des différents protagonistes.
Le livre est composé d'un long entretien avec René Laloux, retraçant sa carrière et s'arrêtant sur chacun de ses films. Cette conversation est entrelacée d'interviews plus ou moins longues des dessinateurs des longs métrages de Laloux — Topor pour La Planète Sauvage, Mœbius pour Les Maîtres du Temps et Caza pour Gandahar — mais aussi avec quelques-uns des animateurs ou des producteurs, et avec le regretté Stefan Wul, auteur d'Oms en Série dont est tirée La Planète Sauvage et de L'Orphelin de Perdide, à l'origine des Maîtres du Temps. On saura ainsi qu'une série de dix films TV tous tirés des œuvres de Stephan Wul — dont René Laloux était fan — était prévue mais n'a pas été continuée, on découvrira les difficultés rencontrées par Laloux et ses collaborateurs à travailler en Tchécoslovaquie, en Hongrie ou en Corée du Nord, ou que la musique composée par Gabriel Yared pour Gandahar a dû être retravaillée par deux compositeurs américains pour que le film sorte aux Etats-Unis... Et quelle surprise d'apprendre que Les Enfants de la Pluie, de Philippe Leclerc et Philippe Caza, était la reprise d'un projet de René Laloux qui n'a pas pu se faire !
Et puis il y a l'homme, René Laloux, décédé alors que ce livre était sous presse. René Laloux que tous ceux qui l'ont connu décrivent comme un « bon vivant », un « humaniste, un homme bon » mais « pas un brave type », un homme capable d'être « incisif », un artiste prêt à aller au bout de ses rêves. Non seulement cinéaste, mais aussi dessinateur, peintre et sculpteur. On regrettera que seules deux de ses peintures soient reproduites dans le livre, et on fermera celui-ci avec une envie chevillée au corps : se procurer, par n'importe quel moyen, les vidéos des films de René Laloux.
Lucie CHENU
Première parution : 1/12/2004 dans Galaxies 35
Mise en ligne le : 6/3/2006