Thierry Marignac est auteur — notamment d'un premier roman controversé, Fasciste, en 1988 — , traducteur de l'américain (Dennis Etchison, Jim Thompson, Bruce Benderson), essayiste (sur Norman Mailer) et fut directeur de collection chez Rivages et Payot. Jusqu'à présent, il n'avait pas abordé les genres de l'imaginaire. C'est désormais chose faite. Et, croyez-moi, ça déménage grave !
Dans un futur indéterminé, il ne fait pas bon côtoyer les membres de religions autres que la vôtre. C'est ce qu'ont bien compris l'Église MultiCulte et le Califat Unifié, qui ont d'un commun accord décidé de séparer les communautés par un double mur, entre lesquels se trouve la Zone, un espace de non-droit, où travaillent notamment les Contractuels, chargés de réparer lesdites murailles. Mais ces façades ne sont pas hermétiques, loin de là : un petit commerce s'est mis en place, cigarettes ou alcool par exemple. C'est dans ce cadre que se déroulent les deux nouvelles du présent recueil, « Maudit soit l'éternel ! » et « Dieu n'a pas que ça à foutre... », qui se suivent, et nous présentent quelques morceaux de la vie quotidienne drolatique dans cet univers. Où l'on apprend par exemple que, pour démasquer les éventuels intrus musul, les chrétiens ont mis un test bien simple : chacun doit manger du porc régulièrement ; jusqu'au jour où les musul ont empoisonné les cochons. On y croise aussi des personnages hauts en couleurs, comme Ahmed, le Calife, qui a pour principale arme des araignées venimeuses qu'il guide grâce à une télécommande située dans son bracelet-montre.
Charge féroce contre les religions de tout poil, ce diptyque est éminemment jouissif : grâce à ses personnages, tous plus tordus les uns que les autres, ils se jouent des tours pendables à qui devraient sérieusement vous décontracter les zygomatiques ; par l'inventivité de tous les instants — ça débourre à deux cent à l'heure — dont fait preuve Marignac dans la description de la société ; et, enfin, en raison du style de l'auteur dont les protagonistes s'expriment avec une gouaille irrésistible, dans un argot savoureux.
Bref, première excursion dans le domaine de la SF, mais une voix déjà inimitable dans ce paysage souvent bien sage. Et puis, si vous craignez les foudres divines du fait de lire cette satire — et d'en hurler de rire — , rassurez-vous, Dieu ne s'apercevra pas de votre hérésie : Il n'a pas que ça à foutre.
Bruno PARA (lui écrire)
Première parution : 23/6/2008 nooSFere