« Les visages de l'avenir » est une nouvelle collection dirigée par Gérard Klein et consacrée à la prospective scientifique et technologique.
Pour ce premier livre, un traducteur de poids : Charles-Noël Martin. Les 10000 prochaines années a été classé « livre du mois » par la revue Sciences et Avenir. Et ce fait doit « nous conduire à accueillir avec attention les spéculations audacieuses d'Adrian Berry, » comme le demande l'éditeur dans le texte de présentation.
Audacieuses, elles le sont, lesdites spéculations. M. Viansson-Ponté, du Monde et autres lieux, les classerait probablement dans la quincaillerie spatiale. A mon avis, elles relèveraient plutôt de la métal-démiurgie. Les grands auteurs de la SF classique, Heinlein, Anderson, Asimov, le Leiber du Vagabond, le Blish des Villes Nomades, le Bob Shaw d'Orbitville, sont presque timorés à coté d'Adrian Berry.
Pour ce journaliste anglais, l'avenir est toujours ce qu'il était. Le chapitre 12 décrit les « villes libres de l'espace ». Le chapitre 13 est consacré à la « construction de la sphère géante ».
« La sphère de Dyson sera — faite de millions de mondes de toutes tailles. » (p. 245).
« Nous voilà ainsi en présence d'un monde fait d'un cœur sphérique, boule d'hydrogène métallique d'environ 120000 km de diamètre, recouverte d'une masse d'hydrogène liquide de 8 000 km d'épaisseur, elle-même recouverte de... » (p. 236). Parmi toutes les constructions de la science-fiction, c'est d'Orbitville que se rapproche le plus la sphère de Dyson. (L'appendice III, p. 278, est intitulé : Quelques aspects des problèmes posés par la construction des sphères de Dyson...)
Tout cela est complètement fou mais très passionnant. Cependant, il faut noter que si Bob Shaw (par exemple) avait su rendre son Orbitville attirante et sympathique, l'idéologie de Berry tendrait vers une impitoyable technocratie. Pour lui, l'homme n'est qu'un instrument nécessaire à la conquête de l'univers — du moins, l'homme non-technicien et peut-être l'homme non-anglo-saxon.
L'humanisme, sincère ou non, des grands auteurs de la science-fiction classique cachait peut-être des arrière-pensées peu reluisantes. Mais chez Adrian Berry, l'impérialisme technologique anglo-saxon se révèle en toute innocence. Si fabuleux que soient certains projets, on se prend à penser : « Ils y arriveront peut-être, mais combien d'hommes seront sacrifiés ? »
En tout cas, ces 10 000 prochaines années se lisent avec un intérêt vif et constituent une véritable mine d'or pour l'auteur de science-fiction. En conclusion : quincaillier est maître en son atelier !
Michel JEURY
Première parution : 1/7/1978 dans Fiction 292
Mise en ligne le : 1/5/2012