Romain Verger est un auteur né en 1972, qui a déjà signé trois romans chez Quidam éditeur, et que l'on a également croisé dans la revue Le Visage Vert pour plusieurs nouvelles. Son quatrième roman, assez court puisqu'il compte 140 pages, est publié chez le Vampire Actif, maison d'édition associative. Fissions raconte la nuit où tout a basculé dans la vie du narrateur. Celui-ci, dont nous ne connaîtrons jamais le nom, est enfermé dans un hôpital psychiatrique. Aveugle - — il s'est volontairement mutilé — — et auteur d'un acte a priori atroce, il va nous narrer en de longs flashbacks le moment où il a dérapé, durant une longue nuit de noces atroce...
En dire davantage dévoilerait beaucoup trop pour ce livre justement construit sur le principe des révélations successives, selon un crescendo progressif vers la noirceur la plus glauque. Pourtant, tout partait bien : une folle histoire d'amour, un mariage en pleine nature, dans les montagnes, bref un cadre idyllique. Mais qui va peu à peu effilocher, à mesure que les faux-semblants laissent place à la vérité la plus sordide. Romain Verger maîtrise parfaitement sa progression dramatique, happant le lecteur dans un tourbillon infernal qui n'a de cesse, jusqu'à le laisser éreinté. Sans concession, Fissions fait la part belle aux ambiances fantastiques, dont le grotesque n'est jamais très loin, comme lors des conciliabules théâtralisés entre les deux jumelles inquiétantes. Le livre nous propose également une galerie de portraits particulièrement effrayants, et notamment toute la belle-famille du narrateur, qui ne déparerait pas dans le premier survival venu.
Enfin, on ne saurait terminer sans parler de la langue de Verger : si le roman est court, c'est aussi parce que l'auteur a le sens du mot juste, et sait qu'il n'est nul besoin de se perdre en de longues tirades pour insuffler la terreur la plus viscérale. Ses phrases sont ciselées avec une grande précision, riches de sens, parfaitement évocatrices (on ne s'étonnera donc pas qu'il ait également tâté de la poésie), tout en demeurant extrêmement fluides, de telle sorte qu'on se plaît à tourner ces pages, malgré le malaise lancinant qu'elles procurent, et dont on sait qu'il va nous exploser au visage sous peu.
Fissions se révèle ainsi une excellente surprise, et donne envie de se procurer les précédents romans de Romain Verger, que l'on pourra également (re)découvrir sous la forme courte puisqu'il est également au sommaire du dernier numéro du Visage Vert, qui vient tout juste de sortir.
Bruno PARA (lui écrire)
Première parution : 23/6/2013 nooSFere