BRAGELONNE
(Paris, France), coll. Science-fiction Date de parution : 24 juin 2015 Dépôt légal : juin 2015, Achevé d'imprimer : mai 2015 Première édition Roman, 576 pages, catégorie / prix : 25 € ISBN : 978-2-35294-875-9 Format : 15,3 x 23,8 cm Genre : Science-Fiction
LA TERRE, XXIIe SIÈCLE. Le Mécanisme sait tout. Où vous êtes. À quoi vous pensez, ce que vous ressentez. Le crime n'existe pas. Vous êtes en sécurité. Mais dans une telle utopie, garder un secret peut s'avérer très dangereux.
Ayant profité de l'essor économique de l'Afrique jusqu'à prendre part à l'exploration spatiale, la famille Akinya est à présent à la tête d'un vaste empire industriel. Mais Geoffrey et Sunday Akinya ne veulent rien avoir affaire avec cet héritage. Geoffrey mène des recherches sur l'intelligence des éléphants à l'ombre du Kilimandjaro, et sa sœur poursuit une carrière artistique, hors de portée du Mécanisme, sur la face cachée de la Lune. Mais la mort de leur grand-mère va les projeter dans une course désespérée contre leur propre famille et d'autres puissances à l'affût d'un terrible secret... Une révélation qui pourrait bien faire voler cet univers idyllique en éclats.
« Un futur si brillamment imaginé et truffé de tant d'idées originales
que le lecteur ne peut que saliver à l'idée des merveilles qui l'attendent. »
The Guardian
ALASTAIR REYNOLDS est né à Barry, dans le sud du pays de Galles. Un doctorat d'astronomie en poche, il a travaillé comme astrophysicien pour l'Agence spatiale européenne avant de devenir écrivain à plein temps. Nommé à deux reprises au prix Arthur C. Clarke, il a remporté le prix de la British Science Fiction Association en 2001. La Terre bleue de nos souvenirs est le premier tome de sa nouvelle trilogie.
Critiques
Le premier tome de la trilogie « Les Enfants de Poséidon » fait l’effet d’une madeleine de Proust. Du genre à briser une étagère avec ses cinq cents pages bien tassées. La Terre bleue de nos souvenirs réveille en effet une ribambelle de réminiscences relevant d’une science-fiction progressiste, un brin naïve, tournée vers l’exploration des étoiles, découverte de civilisation extraterrestre comprise. De quoi faire retomber illico le quadragénaire à l’époque de l’âge d’or, quatorze ans en gros… Encore faut-il supporter plus d’une centaine de pages au rythme mollasson. Passé ce cap ennuyeux, Alastair Reynolds nous convie à un périple à travers le système solaire, de la Terre à la ceinture de Kuiper, via la Lune, Phobos et Mars. Un jeu de piste pendant lequel se dévoile la géopolitique du XXIIe siècle et des secrets de famille.
Ayant surmonté les périls qui la menacent, bouleversement du climat, guerres des ressources et mouvements migratoires chaotiques, bref, après avoir conjuré son penchant pour l’autodestruction, l’humanité se développe désormais paisiblement sous l’égide du Mécanisme, un Big Brother débonnaire, du genre à prescrire une séance de psy après avoir dispensé sa fessée au contrevenant. Si le caractère potentiellement oppressif du système ouvre un boulevard à d’éventuels développements romanesques, il ne figure pas au rang des préoccupations de l’auteur britannique qui préfère l’évacuer au profit de sa marotte : l’exploration spatiale. La criminalité et la violence étant ravalées au rang de comportements en voie de disparition, les États se sont dilués dans une sorte de gouvernance mondiale terrestre et aquatique. Existent-ils encore ? On ne sait pas. Tout au plus apprend-on que l’Afrique, l’Inde et la Chine sont désormais à l’avant-garde et que transhumanisme et panspermie figurent parmi les options d’évolution défendues par une frange non négligeable de l’humanité. Dans ce monde hyperconnecté, où il est possible de projeter son esprit dans un avatar mécanique, mais où on se méfie des intelligences artificielles, les ressources de l’espace proche irriguent une économie dominée par les transnationales comme celle de la famille Akinya. La mort d’Eunice, l’aïeule de la famille, fait resurgir des secrets que ses héritiers avaient choisi d’ignorer depuis la réclusion volontaire de leur grand-mère sur une station spatiale isolée. Elle fournit l’argument de départ au présent volume.
Comme Stephen Baxter, Alastair Reynolds est convaincu que l’avenir de l’humanité passe par l’espace. Cette conviction sous-tend l’ensemble de La Terre bleue de nos souvenirs, où l’auteur recycle les thématiques classiques du genre. Car on a bien l’impression qu’il écrit l’œil dans le rétroviseur, tant les images évoquées suscitent comme un air de déjà-vu. En dépit de quelques moments forts, on pense notamment au passage dans l’Evolvarium martien, l’intrigue traîne en longueur sans que rien ne vienne la relancer, ni les caractères falots – une belle galerie de têtes à claques, pour parler poliment –, ni les ressorts émoussés d’une science-fiction à l’ancienne, ni enfin les péripéties d’une histoire finalement très convenue et prévisible.
Aussi, en l’attente du deuxième volet de la trilogie intitulé On the Steel Breeze, réservons notre jugement, même si Alastair Reynolds semble se contenter ici d’une science-fiction au premier degré, sans aucune prise de risque. Une science-fiction où l’imagination se révèle percluse de nostalgie.
Au XXIIème siècle, l’Humanité entre dans une ère d’utopie où l’Inde, la Chine et surtout l’Union africaine (UA) sont les nouveaux leaders. La violence a été éradiquée grâce au Mécanisme qui surveille les implants neuronaux des citoyens ; le climat de la Terre a été réparé à l’aide des innovations africaines et chinoises dans le domaine de la géo-ingénierie ; des transhumains dotés de branchies ont développé les Nations unies aquatiques sous la surface de l’Océan indien ; la colonisation du système solaire est en cours, avec des cités sur la Lune et Mars, des exploitations minières dans la ceinture de Kuiper...
Ce roman inaugure la trilogie Les enfants de Poséidon, qui se poursuit avec On the Steel Breeze (paru en VO en 2013) et Poseidon’s Wake (2015). L’ensemble raconte la conquête de l’espace extra-solaire en suivant sur plusieurs siècles des membres de la famille Akinya, originaire du berceau de l’Humanité au pied du Kilimandjaro.
La Terre bleue de nos souvenirs relate les aventures de Sunday et Geoffrey, deux des nombreux petits-enfants de Eunice Akinya, une pionnière de la colonisation du système solaire qui a légué à sa famille un colossal empire techno-industriel. À la mort de la matriarche, Sunday et Geoffrey découvrent qu’elle a laissé derrière elle un secret qui pourrait bouleverser le futur de l’Humanité.
L’intrigue est bâtie autour des énigmatiques indices mis en place par Eunice pour ses descendants et des difficultés que rencontrent ceux-ci pour les collecter : compétition avec leurs cousins, gestionnaires sans scrupule de l’empire Akinya, curiosité envahissante de certaines factions politiques transhumanistes... Mais cette intrigue est le gros point faible du roman. Elle se réduit à un jeu de piste assez puéril, elle progresse à grands renforts de deus ex machina et s’appuie sur quelques coïncidences à la limite de l’invraisemblance.
Le roman pêche également par son rythme. L’histoire s’étire avec lenteur sur plus de 500 pages, pour n’accélérer (le mot est particulièrement bien adapté ici) que dans les trente dernières. Et encore est-ce pour aboutir à la découverte d’un secret qui laisse un peu le lecteur sur sa faim, d’autant qu’il a été habitué à mieux par l’auteur du bien nommé L’espace de la révélation : il manque à La Terre bleue de nos souvenirs cette sensation de vertige que le Cycle des Inhibiteurs savait créer en jouant avec les distances intersidérales, les échelles de temps, les concepts de cosmologie...
Cependant, il est clair que cette chasse au trésor un peu banale est surtout prétexte à un tour du système solaire tel qu’Alastair Reynolds l’imagine dans ce siècle de colonisation spatiale. Scientifiquement rigoureux et imaginatif, l’écrivain décrit avec un enthousiasme communicatif et une technophilie revendiquée ce à quoi pourrait ressembler la vie sur les planètes voisines de la Terre dans un avenir proche : confort spartiate des premiers colons, ville lunaire construite avec les rebuts des cargos, téléphérique martien, omniprésence de la réalité augmentée, connexion neuronale sur de grandes étendues avec des robots d’exploration, animaux génétiquement modifiés pour s’adapter à des environnements hostiles... sans oublier les conséquences sociales et politiques de ces innovations.
Reynolds expose aussi les prémices de schismes au sein de l’Humanité, entre les transhumains aquatiques, ceux qui préfèrent se soumettre au Mécanisme ou encore les adeptes de l’Efflorescence verte qui considèrent que leur devoir est d’ensemencer l’univers. Si ces différents courants n’en sont qu’à leur début, on pressent que, dans la suite de la trilogie, ils pourront suivre des voies aussi divergentes (et stimulantes pour l’imaginaire) que les Ultras, Démarchistes et autres Conjoineurs du Cycle des Inhibiteurs.
Ainsi, sans forcément accrocher aux péripéties qui émaillent l’enquête de Sunday et Geoffrey, peut-on prendre plaisir à découvrir le monde bâti par Reynolds et goûter avec lui à une science-fiction optimiste, enthousiaste à l’idée de vivre bientôt dans l’espace, qui ne rejette pas le progrès technique sans être aveugle aux conséquences sociales ou éthiques. Bien que l’univers décrit soit proche d’une utopie, il n’a rien de naïf et c’est ce qui en fait la force : la violence a pour l’essentiel été bannie, mais ça n’empêche pas l’existence de conflits importants et malgré la sagesse montrée par cette Humanité du XXIIème siècle, la géopolitique est toujours gouvernée par des intérêts nationaux ou transnationaux, et l’égoïsme des individus reste le moteur des actions de nombreux personnages.
Loin de tout angélisme, Reynolds montre que la violence reste sous-jacente chez les humains, et certaines de ses inventions éclairent de façon originale cette notion : arènes où se livrent des combats de robots au ralenti, comme un exutoire chorégraphié ; machines darwiniennes qui s’étripent dans une brutale lutte pour la survie dans un désert martien pour faire émerger de nouveaux concepts technologiques, comme si l’évolution de la société ne pouvait se concevoir sans une indispensable part de tuerie.
Le récit présente aussi des rivalités d’idées et de choix politiques comme l’opposition entre un monde surveillé et pacifié, mais à la limite de la dictature consentie (le Mécanisme), et une société libertaire, plus vivante mais moins stable et plus dangereuse (la Zone). Les prémices du conflit entre les tenants d’une exploration mécanisée de l’univers, au premier rang desquels la famille Akinya et ceux d’une dissémination de la vie biologique sous toutes ses formes (les Panspermistes) laissent aussi présager d’intéressants développements dans la suite de la trilogie.
La Terre bleue de nos souvenirs s’apparente donc davantage au long prologue d’un cycle qui semble prometteur qu’à un véritable roman. Ceux qui connaissent et apprécient déjà Alastair Reynolds liront avec intérêt ce livre et piafferont ensuite d’impatience en attendant que sortent les tomes suivants. Mais on conseillera à ceux qui n’ont rien lu de lui de se tourner plutôt vers Le Cycle des Inhibiteurs ou encore La pluie du siècle, où le talent de l’auteur apparaît de façon beaucoup plus immédiate et évidente.