Vous n'avez pas de chien ? Alors tant pis pour vous si vous êtes attaqués, violées, assassinées. Vous avez un chien ? Alors plus rien ne peut vous arriver. Et grâce à vous et à vos braves compagnons le calme et la sécurité règnent dans la ville. Vive l'ordre des chiens, l'ordre à la Morel, le Dresseur ! Et celui qui trouve que le remède est pire que le mal mérite qu'on s'occupe de lui... Fut-il médecin !
André Ruellan a publié sous le nom de Kurt Steiner une quarantaine de romans. Né en 1922 à Courbevoie, il commence à écrire du fantastique puis de la science-fiction pendant ses études de médecine. Après quelques années de pratique médicale, il se consacre entièrement à la littérature et au cinéma. Les Chiens a été écrit parallèlement au scénario du film, d'après une idée du réalisateur Alain Jessua |
LA BETE IMMONDE Voici le premier inédit de cette nouvelle collection, dirigée par Marianne Leconte, chez Lattes : un nouveau débouché homonyme de Jessua ; il a été écrit en même temps que le film. Certaines scènes — le premier chapitre (sorte de pré-générique) ou l'image finale, une rapidité dans la narration, dans les poursuites — renvoient à une écriture cinématographique : ce n'est pas désagréable. L'auteur orchestre un matériau double : venu de l'actualité, du quotidien des villes en chantier, et provenant d'une riche thématique fantastique. Cela n'a rien d'étonnant : Steiner (Ruellan) a écrit ses premiers romans pour la collection Angoisse. Au fantastique classique, il emprunte la nuit, la violence et l'ordre, les initiations, les relations troubles avec le sang, la force, le Maître ; l'animalité comme lien entre les hommes, le combat contre le chaos moderne au nom des valeurs mystiques, les sacrifices, les chasses à l'homme, les parades et les lynchages. Sans oublier le personnage du médecin, qui affronte l'irrationnel. Mais ces thèmes, ces personnages, ne sont pas utilisés en vue d'un frisson gratuit. Ils s'inscrivent dans la description d'un univers contemporain, avec ses haines raciales (les immigrés comme premières victimes) sociales (les jeunes, ensuite). Description qui mène à la mise à nu du mécanisme qui aboutit au fascisme quotidien, au désir d'un « maître » d'un chef, qui n'a de comptes à rendre à personne (il a ses « secrets » — qui ne sont que désir de puissance et mépris pour ses assujettis : double valeur du mot « chien »). On en arrive ainsi à ce « renversement du réel » (57) qui, au nom de la peur qu'on porte en soi, justifie les violences envers l'autre, et son statut de bouc émissaire. Fable tragique, très prenante : un beau livre de fiction politique. Roger BOZZETTO Première parution : 1/7/1979 dans Fiction 303 Mise en ligne le : 23/11/2009
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Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo, ....) |
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