Deux très grands noms de la science-fiction au sommaire de cet Univers millésime 1987 : Harlan Ellison avec un émouvant récit sur le temps, couronné aux États-Unis par un prix Hugo, et Robert Silverberg qui signe une éblouissante "novella" inspirée de Yeats et lauréate du prix Nebula. John Crowley, déjà connu chez nous par deux excellents romans, montre qu'il est aussi un brillant nouvelliste, tout comme les Américains David Zindell, Lisa Goldstein (que Pascal J. Thomas nous fait mieux connaître grâce à un entretien exclusif) et Tom Maddox, écrivain de la toute dernière génération que certains nomment "post-moderniste", et que nous fait découvrir Norman Spinrad dans un article sur les "Neuromantiques".
Ian Watson nous offre un délire très britannique sur la verticalité du monde, quant à Gardner Dozois, Jack Dann et Michael Swanwick (que nos lecteurs ont pu apprécier dans de récents Univers) ils ont écrit ensemble un récit-hommage à Edgar Rice Burroughs.
Les jeunes auteurs français ne sont pas en reste – Pierre Ferran, Anne Veve et Eric Sanvoisin – même si Stéphane Nicot et Roger Bozzetto soulèvent dans leurs articles d'intéressantes polémiques à ce sujet.
Le sommaire d'Univers 1987 regroupe des noms prestigieux : Ellison et Silverberg. Et il faut reconnaître que les deux nouvelles qui portent leur célébrité. Je me souviens d'avoir vu une version télévisée de la première sur la Cinq, dans la série la Cinquième Dimension, fidèlement retranscrite en langage-image ; c'est un conte moderne ravissant. Quant à celle de Silverberg, il s'agit d'un long voyage touristique aussi majestueux qu'étrange, une sorte d'utopie au noyau précis et aux contours flous. (Le Paladin de l'heure perdue et Voile vers Byzance).
De très bons textes, il y en a d'autres : Le Temps des réfractaires, la nouvelle de Science-Fiction « Campagnarde » d'Anne Vève, porte sur un aspect tout en froidure de la guerre climatique. Les Gens au bord du précipice, de lan Watson, plein de verve et de fantaisie. Et Shanidar de David Zindell, très forte histoire traitant de la transformation biologique non pas pour habiter une autre planète aux conditions de vie différentes mais pour accomplir le rêve d'une existence.
Du bon qui m'a plu : Les Dieux de Mars, de Gardner Dozois, Jack Dann et Michael Swanwick, est un hommage réussi à Edgar Rice Burroughs et à La Princesse de Mars.Des Yeux de serpent de Tom Maddox, où le héros se débat avec un serpent qui n'est pas autre chose qu'une représentation symbolique des bioprocesseurs et des pseudo-neurones qui infestent son cerveau. Et Promenade au clair de brume, d'Eric Sanvoisin, texte très pesé et à l'ambiance artificielle ; c'est le principe qui veut ça, l'impersonnalité du narrateur.
Enfin du bon qui ne m'a pas plu : Donnez-nous nos voix quotidiennes de Lisa Goldstein nous donne une vision très carrée de la schizophrénie. Les Tours mentent de Pierre Ferran, nouvelle assez hardie mais qui m'a laissé sur ma faim. Et La neige de John Crowley, peu convaincant et tristounet.
Il y a aussi quelques bons articles. L'inévitable Stéphane Nicot avec un titre pompeux à souhait : Splendeur et Misère de la Science-Fiction française, où il fait quelques remarques justes et peu optimistes. Roger Bozzetto signe une étude sur la nouvelle SF. Norman Spinrad décrit à sa manière le courant cyberpunk dont il nomme les membres les Neuromantiques et qui se développe aux Etats-Unis. Quant à Pascal J. Thomas, il nous offre une intéressante interview de Lisa Goldstein.
A l'énoncé de ce menu, sans doute avez-vous remarqué la présence discrète des auteurs français. Pierre K. Rey s'explique en regrettant « une inquiétante raréfaction des bons manuscrits dus à des auteurs de chez nous ». Mais il rectifie un peu cette douloureuse constatation en supposant que les auteurs nationaux préfèrent peut-être composer des recueils ou des romans et boudent Univers. Le résultat est le même. L'année prochaine, peut-être n'y aura-t-il que des anglo-saxons ? Ce serait dommage.
« Univers ne peut-être que ce que les écrivains en font ». Et moi d'ajouter perfidement : et ce que l'anthologiste en fait !