DENOËL
(Paris, France), coll. Présence du futur n° 407 Dépôt légal : octobre 1985 Première édition Recueil de nouvelles, 192 pages, catégorie / prix : 3 ISBN : 2-207-30407-8 Format : 11,0 x 18,0 cm Genre : Science-Fiction
Hommes-bouteilles et ruches à homoncules, araignées plates et serpents rubans, têtes molles et limaces-acide... Survivre sur terre ou sous terre n'est plus vraiment une partie de plaisir. À l'angle des supermarchés, le Gardien guette pour enrichir son zoo de nouveaux spécimens, et la brigade des corps traque sans relâche les détenteurs de plasti-corps illégaux... Fuir la terre, mais comment ? En ingérant des drogues télékinésiques à l'authenticité douteuse, au risque de projeter dans l'espace un bras, une jambe ou la moitié d'une tête ? Ou bien à l'aide de fusées artisanales, à pédales ou à poudre ? Même à l'abri des simu-villas, au sein de la planète mère qui fonce entre les étoiles, le voyage n'est pas de tout repos.
Le pilote est un peu fou, paraît-il ...
L'auteur
Jacques Barbéri est né en 1954.
Il a publié à ce jour une vingtaine de nouvelles souvent sujettes à controverse, notamment dans les anthologies d'Henry-Luc Planchat et dans la revue Fiction.
1 - Mondocane, pages 11 à 15, nouvelle 2 - Le Joueur, pages 19 à 24, nouvelle 3 - La Mort en ce jardin tel un pilote en son navire, pages 27 à 40, nouvelle 4 - Drosophiles, pages 43 à 63, nouvelle 5 - La Promenade du garçon boucher, pages 67 à 72, nouvelle 6 - Kosmokrim, pages 75 à 117, nouvelle 7 - Le Gardien, pages 121 à 126, nouvelle 8 - La Lente liquéfaction des ruines mémorielles, pages 129 à 169, nouvelle 9 - Jeux de piste, pages 173 à 180, nouvelle 10 - Traces, pages 183 à 187, nouvelle
Critiques
Même si Jacques Barberi (né en 1954) a commencé son parcours il y a dix ans dans les DEDALE de Henry-Luc Planchat, voilà un auteur qui se place indéniablement dans la mouvance (héhé ! il en fut aussi) de Brussolo. Qu'on le veuille où non, S. B. a créé un genre à lui tout seul et il y aura, il y a déjà, des gens qui « font » du Brussolo, comme ceux de la décennie précédente qui « faisaient du Jeury ». Dès le premier texte de ce recueil qui en comprend dix, (Mondocane), Barberi enfourche une thématique délibérément brussolienne, celle des mutations, des transformations, du dépérissement et des métamorphoses de la chair : Près de la surface, les têtes, abritées derrière des forêts de cheveux, et, enfin, au sommet, les organes génitaux. Les intestins terminent leur course sous terre, abrités dans les derniers mètres du parcours par une haie de jambes, (p. 15) Avouons-le, ces deux phrases, détachées de leur contexte, pourraient être signées Brussolo.
Quel est-il, ce contexte, alors ? C'est là où se joue, se noue la différence. Alors que Brussolo opère par système de tiroirs (ou de poupées gigognes), alors qu'il avance par accumulation linéaire, Barberi suit plutôt un parcours concentrique, il tourne autour de son sujet. D'où une impression d'éclatement, une diffusion des histoires contées qui, si elle n'introduit pas la confusion (l'auteur est trop adroit pour cela), produit un certain vertige. Brussolo est un surréaliste, Barberi un poète symboliste. Avec, naturellement, des références (cinéma, textes en exergue), et surtout des images-concepts obsessionnels, la chair, je l'ai souligné, et ce qui en (dé)coule : le sexe, les excréments, souvent liés (une fille soulevant sa jupe) « aère son volcan personnel » tandis que « l'évacuation des déchets internes » est « comme un orgasme dénaturé... ou bien renaturé »), mais aussi les mutilations et, enfin, les animaux emblématiques.
Forte de ces constances, la s-f de Jacques Barberi est donc, on s'en doute, fortement concentrée, recentrée sur un moi qui grouille de fantasmes. Une s-f intimiste, mais au fonctionnement convulsif. Ses meilleurs textes sont ses textes courts, ceux où le rapport images mentales/structure du récit est le meilleur. A ce titre, La Mort en ce jardin tel un pilote en son navire (une nouvelle qui vit précisément le jour ici-même !) est le meilleur du recueil, car à une thématique éprouvée mais détournée (l'arche spatiale) répond un fouillis d'images fortes (les animaux fouisseurs, la viande en décomposition). A l'inverse, Barberi se perd dans les récits plus longs, tel celui qui donne son titre à l'ouvrage, et dont les 65 pages semblent un peu trop délayées. Un autre récit long, La lente liquéfaction des ruines mémorielles, doit sa réussite à un réalisme intérieur inhabituel chez l'auteur (il s'agit du monologue distancé d'un homme qui meurt), tandis que des textes très courts comme Jeux de pistes (lui aussi vient de FICTION) tiennent tout entier dans un formalisme insolite et surprenant : Un oiseau-tempête cria, puis la nuit tomba comme une chauve-souris géante pliant ses ailes autour du glove, Dieu-prothèse bienveillant, léchant tendrement le plaie purulente de la planète à deux têtes, (p. 180)
Le formalisme, on le sait, a ses limites, qui tiennent à l'évanouissement du charme une fois le livre refermé (par absence d'un récit qui vous attache). Ce sont là les limites de Kosmokrim — en même temps, on l'a bien compris, que sa réussite. Mais sans doute faut-il attendre Barberi à son premier roman (il a déclaré dans une interview publiée par la revue PROXIMA que ce passage le tentait) pour savoir s'il est ou sera un auteur aussi à l'aise sur les longues distances qu'il l'est sur les courtes.