Joanna RUSS Titre original : The Female Man, 1975 Première parution : New-York, USA : Bantam Books, 1975 Traduction de Henry-Luc PLANCHAT
Robert LAFFONT
(Paris, France), coll. Ailleurs et demain Date de parution : mars 1977 Dépôt légal : 1er trimestre 1977, Achevé d'imprimer : 7 février 1977 Première édition Roman, 290 pages, catégorie / prix : nd ISBN : néant Format : 13,5 x 21,5 cm Genre : Science-Fiction
Sur Lointemps, les hommes ont disparu il y a mille ans, victimes d'une épidémie.
Les hommes.
Mais pas les femmes.
Les femmes ont survécu, ont enterré et pleuré les morts, les ont oubliés, ont survécu, se sont adaptées et ont trouvé le moyen de faire des enfants toutes seules - des filles évidemment. Elles ont rebâti un autre monde, un autre univers social. Différent.
Lointemps n'est pas une autre planète.
Lointemps est la Terre, notre monde. Lointemps n'est pas exactement situé dans notre futur, mais c'est un des possibles de l'avenir - comme il y en a beaucoup. Disons un monde parallèle où la femme, l'autre moitié de l'homme, est devenue toute l'humanité.
Joanna Russ a écrit ici l'un des romans les plus vrais, les plus durs, les plus irritants, les plus audacieux - et peut-être le plus partial de tous - sur la condition de la femme dans notre univers phallocratique. Et sur son envers, sur ce qu'elle pourrait - devrait - être.
Seule une femme pouvait asséner avec tant de franchise et de truculence sa part de vérité, et seule sans doute la science-fiction - genre pourtant réputé masculin — pouvait permettre de la communiquer.
Critiques
Comme cet autre roman de femme également publié par Ailleurs et Demain (Les dépossédés,d'Ursula K. Le Guin), The female man(dont la traduction en français inverse la signification de manière fâcheusement phallocratique !) évoque le voyage d'un Utopien en anti-utopie. Ici, l'Utopien est une Utopienne, qui vient de Lointemps 1, une projection future et parallèle de la Terre où les hommes ont disparu depuis 1000 ans — donc l'agressivité, la guerre, les hiérarchies dans le travail, les drames sexuels... Quant à l'anti-utopie, c'est l'Amérique d'aujourd'hui. Mais, contrairement à Le Guin, Russ n'a pas écrit un récit classique : plutôt une ébauche de roman (l'écrit (se) réfléchissant sans cesse sur lui-même et l'auteur intervenant dans son texte, un peu à la manière de Malzberg), ou alors un essai sur le — ou un possible — féminisme déguisé en roman de s-f. Il n'est pas très sûr que cette méthode stylistique hachurée (l'auteur écrit se gardant par avance des critiques : « Ce livre sans consistance... pas de personnages solides, pas d'intrigue... complètement hermétique... les clichés usés des anti-romanciers... ») ait été un parti-pris vraiment maîtrisé, car l'ouvrage n'échappe pas toujours au bavardage et aux redites. Quant à la visée idéologique (faire réfléchir sur le féminisme le public mâle des livres de s-f), il n'est pas sûr non plus qu'elle atteigne bien sa cible : le roman risque de n'atteindre que les convaincus (A s'empresse de dire qu'il en est, encore qu'il eût dû ici céder la plume à UNE critique !), et de rebuter les machistes qui abriteront leur rejet derrière l'abus de redondances. Quoi qu'il en soit, voilà un livre passionnant et irritant, et à coup sûr important dans la s-f (hors, on pourra tout de même se reporter utilement à Millet, Gréer, d'Eaubonne, Beauvoir, etc.)
Notes :
1. Qui apparaît déjà dans la nouvelle Lorsque tout changea (in Femmes au futur, chez Marabout), sans du tout que le roman soit un élargissement de ce court texte.