Il y a ceux que la pluie tue... et ceux qu'elle ressuscite. Ceux qui meurent entre les mâchoires des dragons, et ceux qui dorment du sommeil de la roche pour oublier le feu du désert. Il y a les dieux-nains dont les manipulations génétiques ont créé deux races ennemies. Enfin il y a Boa, l'écuyère muette, et Nath, le chevalier à l'armure molle...
Mais la route des sables est souvent pleine de surprises, même pour ceux qui ne craignent plus la mort...
Critiques
Rien de plus critique qu'un admirateur déçu : il semble ces temps derniers que certains critiques ne soient plus vraiment tendres avec Serge Brussolo (voir Nicot et Jouanne dans Fiction n°335). Voici que sort au Fleuve Noir son deuxième « Anticipation » : A l'image du dragon. Il confirme, hélas, ce que Traque-la-mort et Les mangeurs de murailles laissaient poindre : Brussolo livre aujourd'hui des ouvrages bien faits, mais qui n'arpentent plus que de très loin les itinéraires balisés par ses deux premiers recueils de nouvelles.
Là où les premiers textes fourmillaient de ce que Lecigne qualifia d'« images surréalistes », l'application romanesque de ces dernières les rabaisse au rang de simple accessoires. L'hydrophobe que la pluie dissout, le caméléon que le soleil change en statue, ou encore l'esclave aux seins-éponges, tous servent ici de repoussoirs à une très linéaire histoire d'expérience de génie génétique ayant mal tourné — motif SF classique s'il en fut. Certes, Brussolo s'avère sans doute l'un des meilleurs héritiers de Jeury par le déploiement tous azimuts de son imaginaire, mosaïque cohérente qui noue d'infrangibles liens entre le thème de base et les plus infimes détails du récit. Mais cet imaginaire paraît de plus en plus fonctionner à vide. Les nouvelles s'enroulaient autour des surprenantes images brussoliennes dans un chatoiement stylistique incomparable. Dans ses récents romans, Brussolo demeure sans doute formaliste (sa langue est l'une des plus belles qui soient, même lorsqu'il l'applique au Fleuve), mais que vaudrait un formaliste créateur de belles structures, qui n'aurait rien que de contingent à inscrire comme sens au cœur de ces structures ?
Tel est le piège grand ouvert sous les pas « professionnalisés » de Serge Brussolo. Dans A l'image du dragon, l'expérimentation formelle elle-même fait long feu : tout l'arsenal d'une rhétorique traditionnelle de base se trouve ici déployé. C'est un Fleuve ? Soit. Mais Brussolo utilisant la poussiéreuse technique du flash-back, voilà qui me dépasse.