James Graham BALLARD Titre original : The Wind from Nowhere, 1961 Première parution : New Worlds Science Fiction, septembre et octobre 1961. En volume : Berkley, 1962 Traduction de René LATHIÈRE Illustration de Pierre FAUCHEUX
LIVRE DE POCHE
(Paris, France), coll. SF (1ère série, 1977-1981) n° 7037 Dépôt légal : 1er trimestre 1979 Réédition Roman, 224 pages, catégorie / prix : 2 ISBN : 2-253-02124-5 Format : 11,0 x 16,5 cm Genre : Science-Fiction
En quelques heures, le super-ouragan s'abattit sur le monde.
Sous le vent du désastre, qui soufflait à des centaines de kilomètres à l'heure, les villes ne furent bientôt plus que des amas de débris et les survivants de l'humanité tentèrent alors de se réfugier dans les tunnels, sous les montagnes, dans les égouts.
Et là, une fois encore, ils recommencèrent la lutte pour la survie...
Critiques
ONIRIC-FICTION
L'un des deux premiers romans de Ballard. Il ressortit à la tradition anglaise de romans catastrophe qui fut illustrée par Wells, et au moins jusqu'à Wyndham. Mais il s'insère aussi dans la tétralogie « élémentaire » de Ballard, avec les 3 autres romans qui sont Le monde englouti, Sécheresse et La forêt de cristal. Là, Ballard explore (à sa manière) la possibilité de construire, pour des catastrophes chaque fois neuves, un univers à l'imaginaire cohérent fondé sur l'exploitation d'une série d'images en liaison avec un élément (le vent, le feu, l'eau, la pierre). Chaque roman catastrophe devient alors description poétique d'un monde (le nôtre) aussi particulier qu'une étrange planète d'eau, de pierre ou de feu. Ici, outre cette construction d'un univers aux dimensions distordues par la folie et la météo, l'intérêt se concentre sur deux points. La lutte contre les éléments-allure de cauchemar, avec des matériaux issus des paysages et des formes de Dali. Et la peinture de l'ultime forteresse, où un magnat a décidé d'opposer sa propre folie à celle des éléments. Ce choc de deux mégalomanies colore de titanesque ce qui n'eût été qu'une tempête exacerbée. Peu à peu, l'espace intérieur de cet ego mégalomane et les conséquences extérieures de la tempête en viennent à s'imbriquer. La mort de l'un signifiant la fin de l'autre. Bel ouvrage.
Le vent déclare la guerre au monde. On ne sait pas de quoi il est né, ni s'il s'arrêtera un jour. En attendant, il augmente sa vitesse quotidiennement, à raison de huit kilomètres à l'heure toutes les vingt-quatre heures.
La civilisation se désagrège d'un bloc. Elle ne dispose d'aucune arme pour lutter ; même la pyramide d'un milliardaire, spécialement conçue pour résister au vent, capitule devant lui. Aussi, les hommes se contentent de limiter les dégâts, du moins au début. Bientôt, c'est la panique. On ne peut même pas dénombrer les morts. Sortir à l'air libre — air en furie — devient impossible. On se terre. On prie. Quand les réserves de nourriture seront taries, l'espoir succombera à son tour.
Dehors, le vent hurle. Mais que dit-il ? Il ne dit rien. Il tue...
Le Vent de Nulle Part est le deuxième volet de la tétralogie apocalyptique écrite par Ballard dans les années soixante, proposant une vision de la destruction du monde par l'eau (le monde englouti), le vent (Le vent de nulle part), la chaleur (Sécheresse) et la cristallisation (La forêt de cristal).
Ce roman me paraît être le moins réussi des quatre. Il lui manque peut-être la lenteur et la richesse psychologique des trois autres livres : la description du retour à l'ère tertiaire dans le premier, la mort progressive de l'écologie dans le troisième et la beauté de la pétrification dans le dernier. En outre, le dénouement tombe avec trop de brusquerie...
Mais, après réflexion, ces arguments sont réfutables. Le vent symbolise en effet la violence, l'état sauvage de la nature. Sa puissance destructrice exclue la lenteur et la longue agonie du monde. Il chamboule tout et vite. Cela explique sans doute pourquoi Le vent de nulle part développe une intrigue rapide, s'emballe dès les premières pages et s'achève aussi brusquement que se calme le vent.
C'est un bon roman, pas le plus important de Ballard, ni le plus beau mais un livre qui compte et qui enrichit la noire palette des fins de monde, l'un des thèmes favoris de la Science-Fiction.
« Au début, il y eut la poussière ». Maitland, chercheur en génétique microbienne, assiste aux prémices de la catastrophe : des vents dont la vitesse augmente chaque jour de huit km/h balayent la surface de la Terre sans faiblir. Les avions sont cloués au sol, le Queen Mary s'est échoué non loin de Cherbourg, et les tours TV se sont écroulées comme de vulgaires châteaux de cartes. La poussière, c'est celle des reliefs littéralement arasés par ce vent furieux d'origine inconnue. Poussière d'un monde terrassé par un simple désordre climatique, poussière de civilisations qui, hier encore, croyaient pouvoir asservir la nature à leur guise. Et tandis que les immeubles s'effondrent — spectacle grandiose que certains préfèrent contempler avant de disparaître — , tandis que l'humanité s'enterre tant bien que mal dans ses abris de fortune, le milliardaire Rex Hardoon érige une pyramide monstrueuse et ses infranchissables murailles, les Grandes Portes du Vent.
Ecrit en quelques semaines, le premier roman de J. G. Ballard — qui ne souhaitait plus entendre parler de cette « œuvre commerciale à cent pour cent » et s'opposait à sa réédition — est encore loin du niveau du Monde englouti et La Forêt de cristal, mais n'en déploie pas moins le même dispositif, à commencer par cette fameuse résignation des personnages, leitmotiv de toute son œuvre. Le Vent de nulle part est d'abord le récit d'un abandon, celui des hommes, qui se traduit par l'effacement de toute dynamique narrative : aucune acmé ici, aucun creux. Comme le vent lui-même, qui souffle sa mort brûlante sans discontinuer, le roman ne réserve ni ralentissement, ni accélération, seulement une inéluctable (et monotone) ascension vers la folie furieuse des huit cents km/h. Certains, comme Lanyon, trouvent les ressources pour se frayer un chemin dans cet enfer vers un avenir rien moins qu'incertain, mais la plupart, incrédules puis léthargiques, se contentent d'attendre que la mort vienne les saisir, comme l'ex petite amie de Maitland, Susan, qui, fascinée, regarde les édifices tomber.
Paradoxalement, c'est en dernier que les lecteurs français auront eu le premier roman de Ballard (1962) : roman-catastrophe dans la tradition de la SF britannique, mais très ballardien déjà. Certes, la conclusion échappe (ultimement et assez artificiellement) au désespoir, et il manque la coruscance de la Forêt de cristal(Denoël) ou du cycle de Vermillon Sands(Opta) et les comparaisons inattendues et profondes qui font des œuvres plus récentes une forêt de symboles devinés plus que déchiffrés. Mais déjà les personnages — nécessaires pour soutenir l'intérêt humain, et plus importants que l'explication scientifique du phénomène (p. 62) ou que les mesures prises contre lui — s'effacent devant le seul héros — le vent ici, comme ailleurs laSécheresse(Casterman 1975 et Livre de poche 1977) ou l'Immeuble Géant (I.G.H., Calmann-Lévy) — et sont même en certains cas vidés de leur personnalité pour n'être plus animés que par lui : victime consentante — Susan Maitland, parente des figures féminines hallucinées et hallucinantes de Vermillon Sands — ou génie pervers qui cherche son épanouissement et sa grandeur dans une alliance conflictuelle, un corps-à-corps à la fois hostile et amoureux, avec le désastre — Hardoon qui, fasciné, fait face, et périt avec sa pyramide élevée sur la mort des simples humains, comme Vaughan avec Crash ! fait de l'accident le rite sacrificiel d'un culte grandiose et absurde.